Nucléaire : EDF raccordera l'EPR de Flamanville au réseau électrique cet été

Par latribune.fr  |   |  894  mots
L'EPR de Flamanville a 12 ans de retard. (Crédits : SARAH MEYSSONNIER)
EDF prévoit que l'EPR de Flamanville injectera pour la première fois de l'électricité dans le réseau national "à l'été 2024", avec douze ans de retard sur le calendrier prévu pour ce réacteur nucléaire, selon un communiqué mercredi.

Ce sera un évènement. Après douze ans de retard et une facture qui a quadruplé par rapport au budget initial, à 13,2 milliards d'euros, le réacteur nucléaire EPR de Flamanville injectera pour la première fois de l'électricité dans le réseau français « à l'été 2024 », a indiqué ce mercredi EDF et non « mi-2024 » comme prévu jusqu'ici. Ce léger décalage de la date du « couplage » s'inscrit dans la foulée de l'annonce mardi par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN, gendarme du nucléaire) selon laquelle le chargement du combustible était repoussé à mi-avril au mieux au lieu du 31 mars comme initialement prévu par le groupe électricien.

« L'ASN va lancer dans les prochains jours la consultation sur le projet de décision de mise en service, c'est-à-dire qu'on va le soumettre aux commentaires du public pendant au moins 15 jours (...) voire 3 semaines, et à l'issue l'ASN prendra la décision de mise en service », a expliqué l'autorité de sûreté à l'AFP, confirmant des informations des Echos.

Cette consultation à l'issue de laquelle l'ASN rendra son avis de mise en service, en tenant compte ou pas des observations du public, est l'épilogue d'un chantier-fleuve, 17 ans après le lancement de la construction de l'EPR normand, marqué par de nombreux dérapages de coûts et de calendrier.

 « Après le chargement en combustible nucléaire du réacteur, les opérations de démarrage se poursuivront, avec notamment des contrôles de tous les systèmes liés à la sûreté, des essais et des qualifications de matériels réalisés tout au long de la montée en température et pression de la chaudière, puis lors de la montée en puissance du réacteur. A 25% de puissance, l'unité de production sera connectée au réseau électrique national », détaillait EDF en décembre 2022.

Pour le ministre de l'Industrie Roland Lescure, on n'est « pas à deux semaines près ».

Pour rappel, porté par un regain d'intérêt pour l'atome, EDF compte déployer des réacteurs de 3e génération (EPR) en France et en Europe à une échelle « industrielle », avec un objectif désormais de « deux par an », contre un ou deux par décennie actuellement. Le pari est ambitieux compte tenu des dérapages de coûts et de délais à répétition, incarnés par l'EPR de Flamanville. Le défi industriel est colossal pour le groupe, lesté d'une dette abyssale - 54,4 milliards d'euros - et critiqué pour les déboires de ses chantiers EPR. D'autant qu'EDF doit aussi répondre à la relance d'un programme nucléaire en France pouvant aller jusqu'à 18 réacteurs EPR2 - version améliorée de l'EPR - et mener à bien ses deux programmes anglais, Hinkley Point, dont le retard pourrait attendre six ans, et Sizewell.  En France, le gouvernement porte un programme de six nouveaux réacteurs EPR, estimés à 51,7 milliards d'euros.

Financement

Cette annonce intervient alors que le dossier des nouvelles centrales nucléaires, le directeur général de la Caisse des dépôts (CDC), Eric Lombard, a indiqué qu'il serait « logique » de financer de nouvelles centrales nucléaires avec l'épargne que les Français placent sur leurs Livrets A. « Parce que c'est un élément important de la décarbonation de notre économie », a-t-il ajouté lors de son passager sur Ecorama diffusée sur le site Boursorama.

 « Si on finance par exemple un tiers du programme nucléaire, ça représentera quelques milliards d'euros par an (...), c'est quelque chose qui est tout à fait absorbable par l'épargne des Français », a repris Eric Lombard, rappelant que sa « première priorité » restait le logement social.

Les sommes déposées sur les Livrets A et les Livrets de développement durable et solidaire (LDDS) sont pour 59,5% gérées par la Caisse des dépôts, et destinées essentiellement au financement du logement social. Les 40,5% restants sont gérés par les banques, et doivent être majoritairement dédiées à des prêts bancaires aux PME. Ces deux livrets ont attiré près de 40 milliards d'euros de dépôts l'an dernier et totalisaient fin février 571,5 milliards d'encours. Le directeur général a évoqué également le rôle de la « Caisse » dans le financement de l'armement, via son rôle d'actionnaire « de grandes entreprises qui ont une dimension d'armement dans leur activité ».

« Il faut probablement aller plus loin notamment pour financer le tissu industriel de PME, d'entreprises de taille intermédiaire », a-t-il complété, évoquant le rôle des banques, d'investisseurs institutionnels ou encore des compagnies d'assurance et non celui de l'épargne réglementée en la matière.

Le fléchage du Livret A vers l'industrie de la défense, souhaité par le Sénat, n'a pas non plus les faveurs de Bercy mais le ministre de l'économie Bruno Le Maire a lancé le 23 février l'idée de la création d'un produit d'épargne européen chargé entre autres de « financer notre effort de défense ».

Eric Lombard a par ailleurs affirmé que cette industrie était « tout à fait conforme » avec les critères environnementaux, sociétaux ou de gouvernance (ESG), « puisqu'on voit bien que la défense nationale c'est aussi la défense de notre démocratie et de notre trajectoire environnementale ».