Financement du nucléaire : la piste du Livret A est « logique » pour le directeur de la Caisse des dépôts

Pour financer les nouvelles centrales nucléaires voulues par le gouvernement, il serait « logique » d'utiliser l'encours des Livrets A des Français, selon le directeur général de la Caisse des dépôts. Éric Lombard n'est par contre pas favorable au fléchage de ces sommes vers le secteur de la défense.
Actuellement, les sommes déposées sur les Livrets A et les Livrets de développement durable et solidaire (LDDS) sont essentiellement destinées au financement du logement social. (photo d'illustration)
Actuellement, les sommes déposées sur les Livrets A et les Livrets de développement durable et solidaire (LDDS) sont essentiellement destinées au financement du logement social. (photo d'illustration) (Crédits : Wikimedia Commons)

Alors que le gouvernement porte un programme de six nouveaux réacteurs nucléaires de type EPR à horizon 2035, la question de son financement n'est toujours pas tranchée. Parmi les pistes « sur la table » : utiliser « les fonds du Livret A ». « Ce serait logique parce que c'est un élément important de la décarbonation de notre économie », a estimé le directeur général de la Caisse des dépôts (CDC), Éric Lombard, invité de l'émission Ecorama diffusée sur le site Boursorama ce mercredi 27 mars.

« Si on finance par exemple un tiers du programme nucléaire, ça représentera quelques milliards d'euros par an (...), c'est quelque chose qui est tout à fait absorbable par l'épargne des Français », a-t-il ajouté, rappelant que sa « première priorité » reste le logement social.

Pour rappel, les sommes déposées sur les Livrets A et les Livrets de développement durable et solidaire (LDDS) sont pour 59,5% gérées par la Caisse des dépôts, et destinées essentiellement au financement du logement social. Les 40,5% restants sont gérés par les banques, et doivent être majoritairement dédiés à des prêts bancaires aux PME. Ces deux livrets ont attiré près de 40 milliards d'euros de dépôts l'an dernier et totalisaient fin février 571,5 milliards d'encours.

Le casse-tête du financement

Ce n'est pas la première fois qu'Éric Lombard plébiscite cette possibilité. Il l'a notamment déjà évoquée en janvier 2023 lors d'une audition à la commission des finances de l'Assemblée nationale ou en mars suivant, à l'occasion de la présentation des résultats annuels de la CDC.

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Le gouvernement aussi réfléchit à cette option, étant donné qu'EDF ne peut pas seul assumer le financement de ces EPR. Reste que le temps presse : le casse-tête du financement n'aurait toujours pas été abordé en Conseil de politique nucléaire, selon nos informations. Or, comme l'a indiqué le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, en juillet dernier, le « schéma de régulation et de financement devra être précisé d'ici à fin 2024, pour que l'entreprise [EDF, ndlr] puisse prendre formellement sa décision d'investissement ».

Le montant de ce programme s'avère par ailleurs colossal. Il est évalué à 51,7 milliards d'euros hors coût de financement, mais pourrait grimper à 67,4 milliards d'euros, selon des nouvelles estimations d'EDF révélées par Les Echos. D'après des scénarios évalués par l'ONG anti-nucléaire Greenpeace, publiés la semaine dernière, la facture pourrait même dépasser les 100 milliards d'euros en incluant les frais financiers.

Pas de fléchage vers la défense

Les encours des Livrets A et des LDDS sont aussi plébiscités pour servir à financer l'industrie de la défense. C'est ce que souhaitent notamment des sénateurs du groupe Horizons dans une proposition de loi votée au début du mois de mars au Sénat, mais qui n'a toutefois pas été retenue ce mardi par les présidents de groupe de l'Assemblée nationale et ne sera donc pas mise aux débats prochainement. Concrètement, ce texte vise à ajouter les « entreprises, notamment petites et moyennes, de l'industrie de défense française » aux secteurs déjà financés par les banques via les Livrets A et LDDS.

Une mesure que ne soutient pas le directeur général de la CDC. S'il estime qu'« il faut probablement aller plus loin notamment pour financer le tissu industriel de PME, d'entreprises de taille intermédiaire », Éric Lombard a évoqué pour cela le rôle des banques, d'investisseurs institutionnels ou encore des compagnies d'assurance, et non celui de l'épargne réglementée en la matière.

Le fléchage du Livret A vers l'industrie de la défense n'a d'ailleurs pas non plus les faveurs de Bercy. Mais le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a lancé le 23 février dernier l'idée de la création d'un produit d'épargne européen chargé entre autres de « financer notre effort de défense ».

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Éric Lombard a en outre affirmé que cette industrie est « tout à fait conforme » avec les critères environnementaux, sociétaux ou de gouvernance (ESG), « puisqu'on voit bien que la défense nationale c'est aussi la défense de notre démocratie et de notre trajectoire environnementale ».

(Avec AFP)

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Commentaires 3
à écrit le 28/03/2024 à 11:53
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Rien n'est logique tant que les français ne reprendrons leur souveraineté de décision en tout domaine !

à écrit le 28/03/2024 à 2:29
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Le "fléchage" ou la nouvelle formule politicienne pour parler d'un détournement de fond public...

à écrit le 27/03/2024 à 19:06
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Méthode classique, on commence par monter un projet dont on est sûr qu'il ne fera aucun consensus et ensuite on braque les projecteurs sur un projet qui, sans faire consensus, apparaît comme beaucoup plus acceptable. Donc ce sera du nucléaire. Pour ...

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