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Florent Menegaux, président du groupe Michelin
Je ne pense pas que nous soyons devant une récession majeure, mais devant un ralentissement des activités. La transition énergétique va demander plus d'investissements. Nous nous y préparons. Nous avons accumulé les crises : Covid, changement du rapport au travail, pénurie de transport, d'énergie, la guerre en Ukraine. Cela nous a rendu plus fort, mais nos flux de production sont perturbés.
La technologie a ramené la difficulté du monde à portée de chacun, ce qui crée un niveau d'anxiété très fort. Les progrès technologiques avancent très vite et nos salariés craignent de devenir obsolètes. Il faut les accompagner, les former tout au long de leur carrière, parce que les entreprises ne peuvent pas fonctionner sans les salariés. Face aux difficultés actuelles, les entreprises sont une grande partie des solutions. Le capitalisme est dépassé. Nous devons trouver une autre façon de comprendre la valeur. La valeur économique est essentielle pour investir, mais il y a aussi celle pour la planète. Il faut comprendre qu'on a besoin d'un prix du carbone pour égaliser nos relations dans le monde, d'un prix de consommation de l'eau pour la biodiversité et de valeur pour les personnes. Il faut arriver à une répartition plus juste, rééquilibrer, trouver la juste rémunération du travail, par rapport au capital, sinon cela ne pourra pas fonctionner.
Thierry Mallet, président du groupe Transdev
Malgré la hausse de l'énergie, la voiture reste le moyen de transport prédominant : 83% des transports quotidiens se font en voiture. Malgré la « super taxe carbone » qu'a imposé le conflit en Ukraine, il n'y a pas plus de monde dans les Transports en commun. Ce qui montre que l'utilisation des transports publics n'est pas liée au prix, mais au service. Il faut plus d'offres, mais c'est à l'échelle de la métropole qu'il faut penser les transports, car on habite et on travaille souvent dans des communes différentes.
Concernant la transition énergétique, l'électrique n'est qu'une partie de la solution. Il y en a d'autres. Le Car Express que nous avons lancé dans la région de Bordeaux transporte 1000 personnes par jour et leur permet d'économiser 200 euros d'essence par mois. Il faut accélérer les solutions alternatives à la voiture. Nous allons essayer de pousser le covoiturage.
Pascal Demurger, directeur général de la Maif
Pendant la crise Covid, nous avons restitué à nos sociétaires une partie de leurs cotisations sur les primes d'assurance. Cela leur avait rendu du pouvoir d'achat. Mais cela fait aussi trois ans qu'on n'a pas augmenté nos tarifs d'assurance automobile. On essaye de contribuer à la question du pouvoir d'achat. Ce que je crains, c'est que la situation que nous vivons n'amène à une pause des investissements de transition environnementale. Il faut conserver cette exigence de financement de la transition. On essaye d'y contribuer, à travers nos investissements. On assure les véhicules électriques à des tarifs sensiblement plus bas que les thermiques, pour encourager le mouvement et pour la réparation automobile, on essaye de privilégier le réemploi des pièces.
Nous vivons un moment extraordinaire dans l'histoire du capitalisme et des entreprises. De plus en plus de dirigeants considèrent que l'entreprise a une responsabilité qui dépasse ses propres frontières, qui va au-delà de sa croissance, de sa rentabilité, sur les sujets sociaux, environnementaux. Qu'elle a un rôle politique. Il faut organiser son activité pour réduire son impact. Une entreprise résiste d'autant mieux qu'elle est capable de donner du sens, s'il y a une compréhension de l'œuvre collective et qu'on arrive à donner de la fierté d'y appartenir. Je suis convaincu que la révolution de l'impact va être encore plus transformante pour les entreprises que ne l'a été la révolution digitale.