Emploi, retraites : que peut-on attendre de la deuxième conférence sociale ?

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  936  mots
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La deuxième conférence sociale se tiendra les 20 et 21 juin. L'ambiance sera nettement plus morose que lors du premier sommet de juillet 2012. La délicate question des retraites est au cœur de cette rencontre. Le gouvernement veut aller vite pour résorber un besoin de financement estimé à près de 21 milliards d'euros à l'horizon 2020. Pour y parvenir, les syndicats mettent la pression sur l'emploi.

Conférence sociale, saison 2. Mais le scénario n'a plus grand-chose à voir avec celui de la saison 1. l'ambiance risque d'être nettement plus morose les 20 et 21 juin prochains lorsque les délégations syndicales et patronales se retrouveront avec le gouvernement au siège du Conseil économique, social et environnemental place d'Iéna pour déterminer le prochain calendrier social et les réformes à mener, sur les retraites notamment.

Côté syndical, plus question d'afficher la sérénité d'il y a un an. CFDT et CGT ne cachaient alors pas leur satisfaction d'avoir vu Nicolas Sarkozy échouer à se maintenir à l'Elysée. Et l'accueil réservé à François Hollande fût plutôt chaleureux. Il faut dire que le nouveau président venait de tirer ses quelques (très rares) cartouches sociales qui caressaient les organisations syndicales dans le sens su poil : revalorisation du Smic, de l'allocation de rentrée scolaire, décret sur la retraite à 60 ans pour les carrières longues, etc. Même le Medef avait été satisfait d'entendre un gouvernement socialiste demander l'ouverture d'une négociation sur l'emploi.Qui a débouché sur l'accord du 11 janvier 2013 posant les jalons d'une flexisécurité à la française.

Une deuxième conférence sociale surtout consacrée aux retraites

C'était il y a un an... On dirait un siècle. Le climat n'était plus du tout à l'euphorie ce lundi 13 mai lorsque le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a reçu à tour de rôle chacune des organisations patronales et syndicales pour préparer la conférence des 20 et 21 juin. Il faut reconnaître que le gouvernement n'a pas de bonnes nouvelles à annoncer. Alors que débute la deuxième année du quinquennat, Jean-Marc Ayrault est au pied du mur et l'heure est aux économies dans les dépenses publiques. C'est même pour François Hollande et lui une ardente obligation, même si la France vient d'obtenir de la Commission européenne un sursis de deux ans, jusqu'à fin 2015 pour rétablir l'équilibre des comptes publics.

Mais, en échange, les autorités de Bruxelles ont été très claires : la France doit réaliser des réformes structurelles, notamment sur les retraites et le coût du travail. Sur ce dernier point, François Hollande peut répliquer qu'il a déjà fait une bonne partie du chemin avec le pacte de compétitivité et le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) qui va permettre aux entreprises de baisser leurs coûts à hauteur de 20 milliards d'euros.

Reste l'épineux dossier des retraites, qui figure parmi les troix priorités fixées par la commission de Bruxelles comme devoirs à François Hollande. Le rapport du Conseil d'orientation des retraites (COR) estime à 20,9 milliards d'euros le besoin de financement de l'ensemble des régimes à l'horizon 2020. Le gouvernement doit donc prendre des décisions difficiles et forcément impopulaires, d'où la morosité des syndicats, voire même leur franche opposition.

Thierry Lepaon, le nouveau secrétaire de la CGT tente de faire monter la pression en appelant les salariés à une  mobilisation d'ampleur contre une éventuelle augmentation de la durée de cotisation. Selon la CGT, c'est par le biais de l'emploi, de la hausse des salaires et de la croissance que le sujet doit en premier lieu être abordé. Jean-Claude Mailly, son homologue de FO, également opposé à un allongement de la durée de cotisation, voit avec les retraites un sujet « conflictuel ».

Dans le camp patronal, Medef en tête, on se félicite que le gouvernement ose affronter le sujet de l'allongement de la durée de vie. Mais il aurait été plus facile pour le gouvernement de le faire avec une conjoncture moins dégradée. Or quoi qu'il décide - augmentation de la CSG de 6, 6 à 7,5% sur les pensions de retraite, passage de 41 ans à 43 ou 44 ans de la durée de cotisation, désindexation partielle des pensions, fin de certains avantages liés aux familles nombreuses - les mesures seront impopulaires, surtout dans un contexte de croissance zéro.

Une réforme davantage financière que systémique

Le tout alors même que le chômage continue sa progression ( la Commission européenne prévoit un taux de chômage de 10,6% cette année puis de 10,9% en 2014) et que le pouvoir d'achat stagne. Surtout, le risque pour le gouvernement serait d'être accusé de mener une simple réforme « financière » des retraites dans le seul but de colmater les brèches au plus vite.

Il a d'ailleurs annoncé que la concertation serait menée au pas de charge et limitée à un gros mois. Le gouvernement semble avoir renoncer, du moins dans un premier temps, à une réforme systémique, qui passerait notamment par un rapprochement (à défaut d'une harmonisation) des règles en vigueur dans le public et le privé. Piste pourtant évoquée pendant la campagne électorale et fortement défendue par la CFDT qui l'a rappelé le 13 mai au Premier ministre.

Pour lancer l'An II du quinquennat, la question sociale va donc devenir très épineuse pour François Hollande. Ce n'est pas avec cette conférence sociale qu'il va regagner des points de popularité. Mais l'équation du président est complexe, puisque qu'une réforme des retraites réussie sera très bénéfique pour l'image de la France sur les marchés et lui permettra de continuer d'emprunter à des taux exceptionnellement faibles. Sans parler du fait qu'il tient absolument à prouver que la France tient ses engagements européens, une exemplarité indispensable pour lui permettre de réorienter la politique européenne.