Affaire McKinsey : Après avoir "combattu l'évasion fiscale", le gouvernement n'a "pas de leçons à recevoir", selon Bruno Le Maire

Par latribune.fr  |   |  826  mots
(Crédits : Reuters)
L'incendie de l'affaire McKinsey, lancé par un rapport du Sénat, n'est pas encore éteint pour le candidat Macron. Après avoir révélé que les contrats de l'Etat avec ces cabinets avaient "plus que doublé" entre 2018 et 2021, atteignant un record de plus d'un milliard d'euros en 2021, le ministre de l'Economie est contraint de venir défendre le bilan du président sortant sur le sujet.

A deux semaines de l'élection présidentielle, voilà une affaire dont l'Elysée se serait bien passée. Depuis la publication mi-mars d'un rapport du Sénat dénonçant la présence "tentaculaire" des cabinets de conseil, le gouvernement tente de se dépêtrer de ce qui ressemble de plus en plus à une affaire d'Etat, suite aux révélations des émoluments dépensés par la puissance publique pour le cabinet de conseil McKinsey. Après avoir défendu une première fois sa position, dix jours plus tard, le ministre de l'Economie est contraint de remonter au créneau.

Le ton est cette fois-ci plus offensif : le gouvernement n'a "pas de leçons à recevoir en matière de lutte contre l'optimisation fiscale", a martelé Bruno Le Maire mercredi sur Europe 1, en réponse aux soupçons d'optimisation fiscale pesant sur des filiales françaises du cabinet engagé par le gouvernement.

Déjà il y a dix jours, Bruno Le Maire avait assuré que le cabinet "paiera ce qu'il doit aux contribuables et à l'État français." "Toutes les procédures sont déjà engagées par la direction générale des Finances publiques, McKinsey paiera", avait déclaré le ministre tout en assurant que cette vérification fiscale avait été lancée par Bercy "avant le rapport du Sénat". Ce dernier accuse les deux principales entités françaises du cabinet américain de n'avoir payé aucun impôt sur les sociétés en France entre 2011 et 2020.

La vérification porterait sur deux entités françaises du cabinet américain, McKinsey & Company INC. France et McKinsey & Company SAS, précisément les deux sociétés épinglées par le Sénat dans son rapport.

Contacté par l'AFP, le ministère n'a pas souhaité apporter davantage de précisions sur le calendrier de ce contrôle fiscal.

Selon un article publié mercredi dans La Lettre A, la Direction générale des Finances publiques aurait lancé ce contrôle en décembre 2021.

Mais l'argument n'avait pas réussi à calmer la fronde menée par l'opposition.

"Envoyer vos impôts au Delaware"

"Emmanuel Macron doit s'expliquer", a immédiatement exigé sur Twitter la candidate LR Valérie Pécresse: "comment pouvait-il ne pas le savoir ? Le Président sortant doit rendre des comptes", a-t-elle souhaité.

Et Xavier Bertrand, un de ses conseillers, d'interroger: "comment le gouvernement a pu confier une cinquantaine de missions à un cabinet qui ne paye pas d'impôts sur les sociétés depuis 10 ans ? Pourquoi n'a-t-il pas procédé à ces vérifications ? Pourquoi faut-il attendre que le Sénat s'en saisisse ?".

Le candidat écologiste Yannick Jadot a dénoncé devant la presse "une dérive totale de la place des cabinets de conseil, y compris américains, qui sont au cœur des politiques publiques françaises", et les liens d'Emmanuel Macron avec "les lobbies".

"La Macronie préfère envoyer vos impôts au Delaware", a résumé dans un tweet le député LFI François Ruffin.

Dans un document annexe au rapport consulté par l'AFP, les sénateurs écrivent que "le cabinet McKinsey est bien assujetti à l'impôt sur les sociétés (IS) en France mais ses versements s'établissent à zéro euro depuis au moins 10 ans, alors que son chiffre d'affaires sur le territoire national atteint 329 millions d'euros en 2020, dont environ 5% dans le secteur public, et qu'il y emploie environ 600 salariés".

Les combats d'Emmanuel Macron

"On sait bien que de grandes entreprises internationales font des profits en France. Nous allons vérifier (...) McKinsey paiera tous les impôts qu'il doit à la France rubis sur l'ongle", a insisté Bruno Le Maire mercredi.

"On n'a pas de leçons à recevoir, de qui que ce soit, en matière de lutte contre l'optimisation fiscale", a-t-il poursuivi.

Emmanuel Macron "a pendant cinq ans combattu l'évasion fiscale, combattu l'optimisation fiscale, mis sur pied la taxation des géants du digital", a énuméré Bruno Le Maire. Le président a aussi "porté la taxation minimale sur les plus grandes entreprises, la taxation à 15%", a-t-il ajouté.

Mais le président-candidat avait du lui-même monter au front pour se défendre. "S'y a des preuves de manipulation, que ça aille au pénal", a lancé dimanche Emmanuel Macron.

"On a dit beaucoup de bêtises ces derniers jours", avait-il cinglé, avant d'appeler à ne "pas tout confondre".

La veille sur France 3, Emmanuel Macron s'était également agacé des questions sur le sujet.

"On a l'impression qu'il y a des combines, c'est faux", avait-il notamment déclaré. Pour lui, lorsque des ministères sont "jour et nuit au travail", "qu'ils demandent des prestataires extérieurs pour les aider ne me choque pas".

Le Sénat a révélé que les contrats de l'Etat avec ces cabinets avaient "plus que doublé" entre 2018 et 2021, atteignant un record de plus d'un milliard d'euros en 2021.

(Avec AFP)