Assurance chômage : le mode de calcul au cœur de la contestation

Par Fabrice RANDOUX, AFP  |   |  809  mots
Au centre de la réforme de l'assurance chômage, la modification du calcul du salaire journalier de référence (SJR), qui doit entrer en vigueur en juillet, est la disposition la plus controversée.

Le salaire journalier de référence est la base de calcul de l'allocation chômage. Il est actuellement obtenu en divisant les salaires bruts perçus au cours des 12 derniers mois par le nombre de jours travaillés sur cette "période de référence".

Pôle emploi calcule ensuite l'allocation journalière: il utilise deux formules et retient comme montant le résultat le plus élevé entre 40,4% du SJR +12,05 euros OU 57% du SJR. "La définition du salaire de référence est fondamentale car elle pose la question du revenu que l'assurance chômage doit remplacer", explique à l'AFP l'expert Bruno Coquet.

- Pourquoi y toucher ? -

"Définir le revenu à remplacer, c'était facile quand tout le monde sortait d'un CDI à temps plein ou même à temps partiel. Il n'y avait pas de trous dans les historiques d'emplois", ajoute l'économiste. Mais l'explosion des contrats courts (de moins d'un mois) "a engendré de fortes inégalités entre les chômeurs ayant eu des contrats fractionnés et ceux ayant travaillé tous les jours".

Comme seuls les jours travaillés sont pris en compte, le SJR est plus élevé pour les premiers (qui ont eu moins de jours travaillés). Par exemple, entre deux salariés travaillant le même nombre d'heures au même salaire, celui qui travaille 15 jours par mois aura une allocation mensuelle deux fois plus élevée que celui en CDI à mi-temps.

Muriel Pénicaud, alors ministre du Travail, jugeait cela "inéquitable" et peu incitatif. D'autant, assurait-elle, "qu'un chômeur sur cinq" pouvait théoriquement toucher par ce biais une allocation mensuelle supérieure à son ancien salaire moyen.

Mais l'Unédic avait répondu que cela arrivait rarement car beaucoup de ces chômeurs, aux petits revenus, retravaillent après leur admission ("activité réduite"), ce qui diminue leur allocation, et continuent d'alterner contrats courts et chômage de la même façon.

Une étude de la Dares montre aussi que, du fait de la complexité des règles, ces "permittents" sont peu en mesure "d'optimiser" l'indemnisation chômage. Enfin, Michel Beaugas (FO) rappelle que ce sont les employeurs qui choisissent ces contrats courts et "facturent leur flexibilité à l'Unédic". Selon lui, ce n'est pas le SJR qu'il faut corriger mais le marché du travail à travers un "bonus-malus" sur les cotisations plus fort que ce qui a été décidé.

- Quel impact ? -

La réforme de 2019 prévoyait que le SJR soit calculé en divisant les salaires perçus au cours des 24 mois précédant la situation de chômage, par l'ensemble des jours -travaillés ou non - entre le premier et le dernier jour d'emploi de cette période de 24 mois.

Mécaniquement, cela baisse fortement le montant de l'allocation (puisqu'on divise le même salaire par plus de jours) de ceux qui ne travaillent pas en continu. En contrepartie, leur durée d'indemnisation est prolongée (les jours non travaillés donnant aussi lieu à un jour d'indemnisation).

Mais le Conseil d'Etat a invalidé, en novembre 2020, cette mesure au motif qu'elle entraînait "une différence de traitement manifestement disproportionnée" entre chômeurs.

Pour l'atténuer, l'exécutif a plafonné le nombre de jours non travaillés pris en compte, ce qui donne l'effet suivant sur une personne ayant travaillé au Smic huit mois sur les 24 derniers. Elle aurait bénéficié d'une allocation de 985 euros pendant huit mois avec les règles de 2017. Avec la réforme de 2019, elle aurait perçu 389 euros pendant 24 mois. Avec le plafonnement, l'allocation serait de 667 euros pendant 14 mois, sachant que les chômeurs n'utilisent pas en général l'intégrité de leurs droits.

- Un château de cartes ?-

Selon l'Unédic, jusque 1,15 million de personnes qui ouvriront des droits dans l'année suivant le 1er juillet toucheraient une allocation mensuelle plus faible de 17% en moyenne, même si elle pourrait être compensée en partie par des prestations de solidarité type prime d'activité.

Les syndicats ont mis en lumière que la réforme du SJR allait abaisser le plafond du cumul chômage-salaire (50% du milliard d'économies attendu par an), accentuer des inégalités par exemple pour les personnes ayant été en chômage partiel ou en congé maternité (que le ministère a promis de corriger), voire simplement en fonction de la date d'un contrat de travail.

Pour M. Coquet, cela est dû au fait que "l'assurance chômage est un château de cartes dont on ne peut bouger une carte (le SJR) isolément des autres (conditions d'éligibilité, durée des droits, taux de remplacement, règles de cumul...). Et de prédire que "pour que les chômeurs touchent une même allocation au regard des revenus qu'ils ont assuré, il faudra une nouvelle réforme".