Baisse du déficit : pas de quoi se réjouir, selon la Cour des comptes

Par Mathias Thépot  |   |  700  mots
L'Etat n'est pas le premier responsable de la baisse du déficit public en 2015.
La réduction du déficit budgétaire de l’Etat observée en 2015 est en réalité faible, mais la politique de l'offre menée par le gouvernement a tout de même été budgétairement absorbée.

Le déficit budgétaire de l'Etat français a baissé à 70,5 milliards d'euros en 2015. C'est 3,9 milliards d'euros de moins que prévu dans la loi de finances initiale 2015. Dont acte. Mais la Cour des comptes ne saute pas pour autant au plafond. Réputés pour leur rigorisme budgétaire en matière de comptes publics, les magistrats de la rue Cambon soulignent que par rapport à 2014, l'amélioration du déficit budgétaire est faible. Selon l'institution présidée par Didier Migaud, il faut en fait retirer, pour être tout à fait honnête, des éléments exceptionnels enregistrés l'année précédente, c'est à dire les dépenses de 2014 liées au deuxième programme d'investissement d'avenir (PIA), ainsi qu'au mécanisme européen de stabilité (MES).

La politique de l'offre prise en charge

Ainsi, « après retraitement de ces éléments, le déficit budgétaire n'enregistre qu'une faible amélioration de 300 millions d'euros », constate la Cour des comptes dans un rapport publié ce mercredi. Point positif, cette légère baisse a été acquise en dépit de la montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) qui a fait bondir les dépenses fiscales de l'Etat de 5,4 milliards d'euros en 2015, ainsi de la hausse des allègements de charges pour les entreprises de 5,1 milliards d'euros inclues dans le pacte de responsabilité et de solidarité. Autrement dit « la politique de l'offre est prise en charge par le budget de l'Etat », note-t-on au 13 rue Cambon.

Niveau élevé du déficit

Au regard de ces éléments, les magistrats s'inquiètent toujours de la persistance du déficit à un niveau élevé. Hors charge de la dette, il représente 1,3 % du PIB. Or, selon eux, pour stabiliser celle-ci, la France devrait dégager un excédent primaire de 0,5 %. La hausse de la dette de l'Etat a toutefois ralenti en 2015, elle n'a augmenté que de 48 milliards d'euros, soit moins que le déficit. Mais là encore, la Cour des comptes ne se réjouit pas. Elle note que cette moindre hausse est due à une politique d'émission visant à renégocier les dettes anciennes émises à taux beaucoup plus élevés qu'aujourd'hui. L'Etat a ainsi encaissé près de 23 milliards d'euros de primes d'émission qu'il a utilisées pour réduire sa dette. Or, bien entendu, si certains créanciers ont accepté de faire bénéficier à l'Etat de cette prime d'émission, c'est bien qu'il y a une contrepartie : ainsi l'Etat paiera une charge budgétaire d'intérêts plus élevée dans les années à venir.

L'Etat pas le premier responsable de la baisse du déficit public

Bref, ce n'est donc pas l'Etat en tant que tel qui est le premier responsable de la baisse du déficit public de la France à 3,5 % de son PIB en 2015. La Cour des comptes l'a confirmé. En effet, comme l'indiquait l'Insee fin mars, ce sont bien les collectivités locales, ainsi que les administrations de sécurité sociale qui ont permis au déficit public de se résorber. Selon l'Insee, les administrations de sécurité sociale ont réduit leur déficit annuel de 2,2 milliards d'euros par rapport à l'année précédente, et les administrations publiques locales ont fini l'exercice 2015 avec un excédent de 700 millions d'euros alors même que leur besoin de financement s'élevait à 4,6 milliards d'euros en 2014.

Effet néfaste sur l'investissement

Mais malheureusement, ces cures d'austérité que se sont imposées ces administrations ont eu des répercussions néfastes sur l'investissement, et donc sur l'emploi. L'excédent dégagé par le secteur public local est par exemple principalement dû à la baisse des investissements du secteur public local, de 4,6 milliards d'euros. En baisse de 17 % en deux ans, le niveau des investissements des collectivités locales a même atteint son plus bas niveau depuis 2003, juste au-dessus des 48 milliards d'euros.

Mais selon les prévisions d'experts, cette situation devrait se stabiliser en 2016. Pour remplir les objectifs de faire baisser son déficit public à 3,3 % du PIB en 2016, la France ne devrait donc pas pouvoir compter sur le « levier » de la baisse de l'investissement local. Il devra trouver d'autres solutions.