Bruxelles pointe les fragilités de l'économie française

Par AFP et Reuters  |   |  916  mots
Dans son évaluation annuelle de la situation économique et sociale des Etats-membres publiée mercredi, la Commission réitère sa mise en garde sur le fait que des déséquilibres qui ne sont pas traités par les pays concernés ont un effet négatif pour l'UE dans son ensemble et souligne qu'un nombre croissant de pays sont confrontés à des déficits.
Alors que la croissance économique a fortement ralenti entre 2017 et 2018, la Commission européenne regrette une faible croissance de la productivité qui empêcherait "la compétitivité française de se rétablir plus rapidement".

La Commission européenne a égratigné ce mercredi la situation économique de la France, sujette à des "vulnérabilités" en raison de sa dette publique "élevée" et de sa "faible compétitivité". "La France présente des déséquilibres", souligne l'exécutif européen dans un rapport sur l'évolution économique et sociale des pays de l'Union européenne. Ce document, qui présente une véritable radiographie de l'état de santé économique et social de chacun des pays membres, devrait faire l'objet de débats au sein du conseil européen.

Des vulnérabilités liées à la dette

"Les vulnérabilités découlent du niveau élevé de la dette publique et d'une dynamique de faible compétitivité dans un contexte de croissance peu élevée de la productivité", ajoute les commissaires. Bruxelles souligne que cette dette (98,5% du PIB, selon ses dernières prévisions) "ne devrait reculer que de façon marginale", ce qui "rétrécit la marge budgétaire disponible pour réagir aux futurs chocs et pèse sur les perspectives de croissance".

Le déficit public de la France devrait atteindre 3,2% en 2019 - au-delà du fameux seuil des 3% fixé par les règles européennes - mais de manière transitoire aux yeux du commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, ce qui devrait permettre au pays d'échapper cette année à une procédure européenne.

Ce déficit est en effet lié à la transformation en baisse de charges du CICE (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi) et aux mesures mises en oeuvre en raison de la crise des "gilets jaunes". Ce n'est que le 29 mai, après les élections européennes, que la Commission appréciera formellement le budget français pour l'année en cours.  La Commission prévoit pour la France une croissance de 1,3% en 2019, un chiffre sensiblement revu à la baisse par rapport aux prévisions précédentes (1,6%).

Malgré "des progrès" ces dernières années sur "les marchés du travail", "la fiscalité" et "l'environnement des entreprises", les effets des réformes françaises "ne se sont pas encore entièrement concrétisés", poursuit-elle,  réclamant "des actions supplémentaires" pour réformer les "allocations de chômage", le régime des retraites et les finances publiques.

L'Italie dans le viseur de la Commission européenne

Outre la France, l'institution européenne a également exhorté mercredi la coalition populiste au pouvoir en Italie à assainir les finances publiques du pays et a insisté sur "l'urgence" d'une telle mesure en raison des "perspectives économiques qui s'assombrissent". L'Italie "doit prendre des mesures pour améliorer la qualité de ses finances publiques", a déclaré le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, lors de la présentation à Bruxelles d'un rapport sur l'évolution économique et sociale des pays de l'UE.

Le commissaire français a également appelé Rome à "accroître l'efficacité de son administration publique et de son système judiciaire; améliorer l'environnement pour les entreprises et renforcer son marché du travail et le système financier". "L'urgence de le faire est d'autant plus grande que les perspectives économiques de l'Italie s'assombrissent", a-t-il insisté.

M. Moscovici a listé les défis auxquels l'Italie est confrontée: "une dette publique élevée, la faible croissance de la productivité, due également à la lenteur de la reprise des investissements, un chômage structurel élevé et la part décroissante, mais encore élevée, des créances douteuses dans le secteur bancaire".

L'Italie est entrée en récession

L'Italie, affectée par le ralentissement de l'économie européenne et les tensions commerciales au niveau mondial, est entrée en récession fin 2018, compliquant encore plus l'équation budgétaire de son gouvernement. La péninsule, dont le Produit intérieur brut (PIB) a reculé de 0,2% au 4e trimestre, après -0,1% au précédent, est le seul pays de la zone euro dans cette situation.

Pour faire face à ce ralentissement, le gouvernement italien, formé par la Ligue (extrême droite) et le Mouvement 5 étoiles (antisystème), estime nécessaire de mettre en oeuvre un budget expansionniste, et a donc exclu de revoir sa loi de finances, qui table sur un déficit à 2,4% du PIB en 2019, en prévoyant une croissance de 1%.

Risques pour le déficit

Une prévision jugée beaucoup trop optimiste par les experts et les institutions internationales. Or, si la croissance est moindre, le déficit risque de se creuser davantage et de créer un nouveau bras de fer avec la Commission européenne, après celui survenu fin 2018, qui s'était achevé par un compromis.

La Banque centrale italienne et le Fonds monétaire international (FMI) tablent sur une croissance du PIB italien de 0,6% en 2019 et Bruxelles sur 0,2%. "La Commission européenne restera vigilante et suivra de près l'évolution de la situation en Italie", a insisté le vice-président de l'institution, Valdis Dombrovskis.

Au printemps, "nous évaluerons les mesures politiques et les engagements pris pour corriger les déséquilibres macroéconomiques, en particulier le niveau d'ambition du programme national de réforme", a-t-il ajouté. Bruxelles doit publier ses recommandations sur les politiques économiques et les budgets des Etats membres le 29 mai prochain, c'est-à-dire après les élections européennes, une décision qui permettra de ne pas parasiter les derniers jours de campagne avec ce sujet controversé, en particulier en Italie, mais aussi en France.