Les métropoles, qui depuis quatorze semaines accueillent les manifestations des « gilets jaunes » et subissent des dégradations importantes de voiries, de bâtiments publics et de commerces, ont fait leurs comptes. La facture s'élève à ce jour à près de 30 millions d'euros, selon l'association France urbaine. Pour y faire face, son président (LR), Jean-Luc Moudenc, également maire de Toulouse a demandé à Bercy le 13 février une prise en charge « totale ou partielle » de ces surcoûts ainsi que le retrait de ces « charges supplémentaires » du périmètre de la contractualisation financière qui lie les grandes villes et l'État. Mi-2018, le gouvernement avait en effet proposé à 322 communes, départements et régions de limiter la hausse de leurs dépenses de fonctionnement à 1,2 % par an. « Solidaire » de ses confrères, François Baroin a justifié ces exigences du fait de la compétence « maintien de l'ordre » de l'État. « C'est difficile, c'est exigeant, mais nous les maires, nous sommes responsables de la tranquillité du voisinage », a ainsi déclaré le patron (LR) de l'Association des maires de France (AMF). Le ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire a promis « un plan d'action global qui tiendra compte de l'impact sur le budget des villes ». Une nouvelle réunion se tiendra d'ici à la fin février avant que le plan d'action ne soit transmis au Premier ministre dans la foulée « pour une mise en œuvre le plus rapidement possible ».
La majorité des maires saluent « un tournant » (André Rossinot, président MRSL du Grand Nancy) ou se disent prêts à attendre de « vraies réformes » (François Rebsamen, maire PS de Dijon). D'autres regrettent, en revanche, « une opération de communication » et auraient préféré un rendez-vous directement à Matignon pour gagner du temps.
Car dans l'attente d'un arbitrage gouvernemental, les métropoles vont continuer à rendre gratuits les parkings lorsque les transports publics sont fermés, payer des heures supplémentaires pour les prestataires et les fonctionnaires notamment spécialisés dans la propreté, ou à avancer de la trésorerie aux artisans.
Le commerce de proximité dans l'impasse
Après plus de trois mois de mobilisation, le secteur du petit commerce traverse une mauvaise passe. Selon Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), « il y a un traumatisme assez fort de l'ensemble des commerçants depuis quelque temps ». Les actions de ce mouvement social ont clairement changé, selon lui : « Les désordres sont plus localisés. Ce sont d'abord les centres de quelques grandes villes qui sont touchés. Il n'y a plus les gros blocages de grandes surfaces, de centres commerciaux et de logistiques ou d'entrepôts comme au début du mouvement, même si ça continue. » Le président de la commission économique du Medef évoque des pertes supérieures à 1 milliard d'euros pour l'ensemble du secteur.
Même constat pour la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) : « La situation devient de plus en plus catastrophique pour des milliers de commerçants à travers tout le territoire. Pour éviter les dégradations et les pillages, nombre d'entre eux préfèrent baisser le rideau, se privant ainsi de ce chiffre d'affaires dont ils ont tant besoin. » Outre le commerce, le tourisme et notamment l'hôtellerie et la restauration ont vu leur activité ralentir également. Selon les derniers chiffres de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH), le taux d'occupation à l'échelle nationale des établissements n'a pas connu une baisse significative au mois de décembre (- 0,5 %). En revanche, les hôtels parisiens haut de gamme ont connu une chute bien plus marquée (- 6,6 %).
Face à ces multiples difficultés, le gouvernement a mis en place plusieurs dispositifs à destination des commerçants et des artisans. L'étalement des cotisations patronales et fiscales a été prolongé jusqu'à la fin du mois de mars. « Ces reports ne donneront lieu à aucune majoration ni pénalité de retard d'aucune sorte », précise l'exécutif. Sur l'ensemble des 5 000 établissements concernés par le chômage partiel, 93 % seraient des PME. Au total, 72 000 salariés seraient touchés par des demandes d'activité partielle tous secteurs confondus. Ce qui représente environ 38 millions d'euros d'indemnités à verser. L'administration a également reçu 3 200 dossiers relatifs à des demandes de reports de cotisations. Il y a plusieurs semaines, Édouard Philippe a promis une aide de 3 millions d'euros à une dizaine de villes les plus touchées. Mais cette enveloppe pourrait s'avérer insuffisante si le mouvement des « gilets jaunes » se prolonge.
___
▶︎ En complément de cet article de La Tribune Hebdo n°281 proposé sur LATRIBUNE.fr, LISEZ LA SUITE DE NOTRE ENQUÊTE :