Pourquoi l'économie française s'essouffle

Les économistes de l'OFCE ont révisé à la baisse leur prévision de croissance pour 2018 à 1,7% contre 2%. Les mesures socio-fiscales du gouvernement ont fortement pesé sur le pouvoir d'achat des ménages même si la consommation devrait rebondir en fin d'année. Pour 2019, l'organisme prévoit un léger rebond du PIB à 1,8%.
Grégoire Normand
L'économie française a affiché des résultats décevants au premier semestre 2018, ce qui alimente les inquiétudes sur la pérennité de l'embellie conjoncturelle observée à la suite de six années de croissance très faible, explique l'OFCE.
"L'économie française a affiché des résultats décevants au premier semestre 2018, ce qui alimente les inquiétudes sur la pérennité de l'embellie conjoncturelle observée à la suite de six années de croissance très faible", explique l'OFCE. (Crédits : Eric Gaillard)

Le ralentissement de la croissance se confirme pour 2018. Lors d'une conférence de presse organisée ce jeudi 18 octobre, l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a révisé sa prévision de croissance à la baisse pour 2018 passant de 2% en avril dernier à 1,7%. Les économistes de l'institut alignent donc leurs projections sur celles du gouvernement.

En revanche, ils restent légèrement plus optimistes que l'Insee, la Banque de France,  ou le FMI qui prévoient 1,6% pour cette année. Après un premier semestre au ralenti, la croissance devrait retrouver des couleurs tout au long du dernier semestre. Pour le gouvernement, ces signes d'amélioration pourraient constituer une bonne nouvelle avant un léger rebond prévu en 2019 (1,8%) et un coup de frein en 2020 (1,5%). De son côté, l'institut COE Rexecode est beaucoup moins optimiste. Dans ses dernières prévisions livrées mardi dernier, l'organisme anticipe une croissance à 1,6% pour 2018 et 1,3% pour 2019, "sous réserve que la conjoncture mondiale ne se dégrade pas significativement."

Lire aussi : Croissance : l'Insee confirme le coup de frein

Un calendrier fiscal très défavorable

"La reprise est heurtée par un certain nombre de phénomènes" a rappelé l'économiste Mathieu Plane lors de la conférence de presse. À l'échelle de la France, plusieurs facteurs peuvent expliquer le trou d'air de la croissance entre janvier et juin. Parmi les freins évoqués par l'OFCE, figurent un calendrier fiscal défavorable et une consommation des ménages en berne.

"Environ deux tiers de cet écart de croissance (entre la France et celui de la zone euro hors France) s'expliquent par la mauvaise performance de la consommation des ménages, conséquence directe du choc fiscal de début d'année," a expliqué Mathieu Plane.

La mise en oeuvre des mesures fiscales a clairement pesé sur le pouvoir d'achat des ménages et in fine sur la consommation, traditionnel moteur de la croissance française. L'augmentation de la fiscalité directe avec la hausse de la CSG "non compensée intégralement par la baisse des cotisations salariés" et la hausse de la fiscalité indirecte sur le tabac et les carburants ont également pesé sur le portefeuille des ménages.

"À eux seuls, ces deux facteurs ont pesé à hauteur de -0,8 point sur le revenu brut disponible des ménages au premier trimestre."

"Le phénomène du calendrier fiscal devrait se reproduire en 2019 et 2020" souligne Mathieu Plane, "avec une hausse programmée de la fiscalité indirecte chaque début d'année et une montée en charge de la réforme de la taxe d'habitation sur le quinquennat avec des effets attendus en fin d'année."

Outre le calendrier fiscal, la grève dans les transports a également pesé sur la consommation des Français. "La consommation de transport des ménages a ainsi baissé de 2,7 % au deuxième trimestre 2018, ce qui est la plus forte baisse depuis la fin 1995, contribuant à hauteur de - 0,1 point à la consommation totale."  Les températures plus élevées du printemps ont également entraîné une baisse de la consommation d'énergie.

Pour le second semestre, les experts s'attendent à un rebond de la consommation. En effet, la diminution de la taxe d'habitation et la baisse des cotisations sociales vont contribuer à accroître le revenu des ménages.

"Au total, le pouvoir d'achat s'améliorerait ainsi de 2,1 % au second semestre 2018 (dont 1,6 % pour le seul dernier trimestre)."

L'investissement bien orienté

Pour 2019, l'activité devrait rebondir légèrement. Selon les prévisions de l'OFCE, l'investissement des entreprises devrait rester "robuste en 2018 et 2019" et cela grâce à l'amélioration du taux de profit des sociétés non financières et des taux encore relativement bas qui permettraient d'avoir un coût du capital bas jusqu'à fin 2019. Et même si les économistes s'attendent à une hausse des taux en fin d'année prochaine, ce phénomène pourrait être "plus que compensé par les mesures fiscales à destination des entreprises."

Outre la baisse prévue de l'impôt sur les sociétés (IS), l'observatoire rattaché à Sciences-Po indique que la transformation du CICE en baisse des cotisations patronales permettraient aux entreprises d'améliorer leur trésorerie. En revanche, les économistes prévoient que la normalisation progressive de la politique monétaire et "le rapprochement du PIB de son potentiel conduiraient à un ralentissement progressif de l'investissement."

Du côté des investissements publics, l'observatoire est également optimiste. Après plusieurs années de contraction, Mathieu Plane indique "une reprise de l'investissement public." L'amélioration déjà visible en 2017 se poursuivrait en 2018 avant d'accélérer en 2019 et 2020 avec "le déploiement progressif du grand plan d'investissement", même si de nombreuses incertitudes demeurent sur les sommes en jeu.

En revanche, les prévisions relatives à l'investissement des ménages sont beaucoup moins favorables. Les enquêtes concernant la demande de logements neufs et les perspectives de mises en chantier illustrent cette tendance à la baisse. Par ailleurs, "l'attentisme d'un certain nombre d'acteurs autour du projet de loi Évolution du logement et aménagement numérique (ÉLAN), conjugué aux efforts budgétaires demandés aux bailleurs HLM ont pour partie fragilisé un secteur sur la voie du redressement."

Le commerce extérieur favorable à la croissance

Après plusieurs années très difficiles, les chiffres du commerce extérieur retrouvent des couleurs. D'après l'OFCE, la contribution du commerce extérieur au PIB serait positive deux année de suite en 2017 et 2018. Ce dynamisme s'explique en partie par la livraison exceptionnelle de gros matériel dans l'aéronautique notamment. Pour la période 2019-2020, l'effet du commerce extérieur sur le produit intérieur brut serait neutre et les parts de marché de la France se stabiliseraient à l'international.

Un chômage qui peine à se réduire

Le coup de la croissance entraînerait une baisse des créations d'emploi dans le secteur privé. L'OFCE prévoit un moindre dynamisme des créations d'emploi cette année (233.000) contre 347.000 en 2017. Cette baisse devrait se poursuivre dans les deux années à venir (161.000 en 2019 et 116.000 en 2020) mais "resteraient suffisamment importantes pour réduire le taux de chômage."

Malgré ces créations d'emploi, le taux de chômage peine à se réduire. Après une diminution relativement rapide entre 2016 et 2017 passant de 10,1% à 9,4%, le rythme a tendance à s'essouffler. Le chômage au sens du bureau international du travail (BIT) devrait atteindre 9,1% en 2018, 8,8% en 2019 et 8,7% en 2020.

Des risques à international

En dehors de la France, de nombreux risques pourraient venir peser sur la conjoncture mondiale. Le directeur adjoint du département analyse et prévision, Christophe Blot, a évoqué "un ralentissement de la croissance sauf pour les États-Unis." L'OFCE anticipe une baisse du produit intérieur brut mondial passant de 3,4% à 3,1% entre 2018 et 2020 avec un coup de frein encore plus marqué dans les pays industrialisés.

L'un des principaux facteurs évoqué est la remontée des prix du pétrole. Les tensions financières liées aux pays émergents pourraient venir ralentir leur activité sans avoir d'impact important sur les pays industrialisés. Les économistes ne prévoient pas d'effet de contagion financière et notent que les effets de ralentissement via le commerce mondial devraient être limités. En Europe, l'organisme indépendant de prévision note que l'hypothèse d'un hard Brexit et la faiblesse des banques italiennes font toutefois "planer la menace d'une nouvelle crise dans la zone euro". Au final, malgré des aléas orientés à la baisse, la croissance mondiale devrait "rester solide."

Grégoire Normand
Commentaires 37
à écrit le 27/11/2018 à 3:45
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à écrit le 19/10/2018 à 14:53
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On oublie un peu trop vite la situation internationale commerciale très défavorable et qui n'a pas encore donnée tous les effets du protectionnisme forcené qui se met en place, le brexit en est un des exemples. Il ne faut pas voir que des facteurs ...

le 21/10/2018 à 12:41
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"La Grande Bretagne se sortir très vite et bien des inconvénients du brexit pour asseoir une suprématie financière et économique en Europe au nez et à la barbe de l'Union Européenne." Et la marmotte elle met le chocolat dans le papier alu.

à écrit le 19/10/2018 à 11:41
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restons optimistes , l'ingéniosité des énarques de Bercy pour trouver de la ressource fiscale va permettre à l'Etat de continuer à dépenser sans compter en 2019 et après . les français seront biberonnés aux bonnes nouvelles des bienfaits (à venir ) ...

à écrit le 19/10/2018 à 11:22
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Les Français pressurés de taxes, d'impôts, de réglementations, d'augmentations partout, n'en peuvent plus et réduisent leur consommation.

à écrit le 19/10/2018 à 9:22
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Ha bon l'économie s'essouffle ? hahahaha je vois mal pourquoi se serait différent, même salade, même sauce, même tout ! Avec comme stratégie, 80 sur les routes, carte grise pour les vélos, l'essence aligné pour des raisons que l'on sait aujourd'hui b...

le 19/10/2018 à 11:06
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L'économie est-ce si important? Je vous signale que le taux de précarité par rapport à la France est supérieur en Allemagne. Et croyez-vous que l'opposition.à Macron serait plus performante? Les réformes menées par Macron ne porteront leurs fruits...

le 19/10/2018 à 23:52
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Se conformer aux règles de l‘économie est un signe de solidarité avec les générations à venir. S‘endetter pour se payer une vie plus confortable est plus facile, mais sans égard pour ceux qui devront rembourser ces dettes.

à écrit le 19/10/2018 à 8:09
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Aujourd’hui avec la bulle immobilière le travail ne paie pas assez - le travail est taxé à 70% au taux marginal (en incluant les charges salariales) - l’immobilier est très peu taxe : pas d’impôt sur la plus value des résidences principales (même si ...

le 19/10/2018 à 9:29
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Comme si l'immobilier n'était pas la pompe économique de ce pays ?!!! Vous voulez taxer la résidence principale après avoir DEJA payé les taxes via notaires, les travaux, l'entretien ... en gros autant ne rien acheter c'est plus simple ! Le problème...

à écrit le 19/10/2018 à 8:01
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A venir en début d'année une taxe supplémentaire sur les carburants au nom de la prétendue lutte contre le réchauffement climatique le prélèvement à la source sans compter les nouvelles normes anti pollution qui vont se traduire pour les moins aisés ...

à écrit le 19/10/2018 à 7:51
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Le travail et l'énergie représentent la même grandeur physique; il faut répartir les charges sociales sur le travail ET sur l'énergie. Voir la note n°6 du CAE, et compléter cette mesure par une allocation universelle pour respecter l'équité. Il n'y a...

le 19/10/2018 à 21:38
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Sauf qu'en France, l'énergie est déjà l'une des plus taxées d'Europe: prix du litre de carburant parmi les plus élevés (TICPE+TVA: 80% de taxes sur un litre), taxe CO2 sur le gaz et le fioul domestique, CSPE sur l'électricité (qui représente déjà plu...

le 21/10/2018 à 14:10
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A Polaris. Raisonnez en valeur absolue; les taxes sur le travail représentent 250G€ et celles sur l'énergie, pour financer le travail, a peine qq M€ (les retraites des agents EDF). Appliquer la note n°6 correspondrait seulement à augmenter le prix de...

à écrit le 19/10/2018 à 6:46
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Disposer de données économiques pointues et détaillées aident sans doute à comprendre la situation matérielle d'une entité ou d'un pays. Mais donner le pouvoir de décision ou ne serait d'inflexion des décisions à des économistes est un non sens des p...

le 19/10/2018 à 9:41
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@ français essoufllés Que dire de plus, je suis d’accord à100/100. Et je rajoute, le fait qu’on ait besoin de spécialistes pour démontrer ce qui n’est que le bon sens devient préoccupant. Nos décideurs sont-ils aveugles ?

le 19/10/2018 à 11:14
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Vous auriez préféré Marine Le Pen? Il faudrait savoir. Tout le monde.en Europe nous conseillait de voter Macron et maintenant qu'il est élu ils ne sont pas contents! Et puis améliorez votre français.

à écrit le 18/10/2018 à 22:14
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Désolé de cette parenthèse "hors sujet", mais dans nos zones rurales méridionales, de plus en plus dépeuplées et désertes, alors que presque tout tombe en ruine, les services publics disparaissent les uns après les autres. Les fonds de commerce vacan...

à écrit le 18/10/2018 à 21:32
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L'économie française s'essouffle car elle n'a plus de souffle ..;depuis un certain temps ….

à écrit le 18/10/2018 à 20:29
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"la baisse des cotisations sociales vont contribuer " comme disait quelqu'un ces baisse sont payées par tout le monde (CSG et la fiscalité accrue sur les carburants, normalement prévu pour compenser les baisses de charges) mais les salaires eux ne bo...

à écrit le 18/10/2018 à 19:14
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je me demande d' où ils sortent ces chiffres? je n' ai aucune augmentation salariale le secteur public n ' a pas la compensation de la hausse de la csg ( on ne cotise pas au chômage donc pas concerné pas sa disparition), contrairement à ce qu' affir...

le 18/10/2018 à 22:11
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Entièrement d'accord. Je suis dans la même situation et suis obligé de freiner drastiquement ma consommation pour ne pas mettre ma famille à la rue. Le prélèvement de l'IR à la source ne va rien arranger et je ne ferai pas partie de ceux qui viendron...

à écrit le 18/10/2018 à 19:07
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Mon loyer à augmenter de 20 euros et mon APL à baisser de 5 euros, ce qui me fait 25 euros en moins par mois soit 300 euros par an. c'est énorme pour moi. Marre de cette société qui détruit les pauvres et la classe moyenne et enrichit toujours et de...

à écrit le 18/10/2018 à 18:38
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Et si le problème venait du peuple français?Sinon comment expliquer que meme en changeant de majorité ou de président,les memes problèmes resurgissent?

le 18/10/2018 à 19:34
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Le peuple n'a rien à voir dans les problèmes actuels. Disons plutôt que la même politique est menée depuis au moins 3 quinquennats, l'habillage changeant un peu. Exemple: 3 fois de suite ,nos élites commencent par un matracage fiscal puis s'étonne...

le 18/10/2018 à 19:55
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Tout simplement parce que les présidents successifs ont fait une politique de destruction de la France

le 18/10/2018 à 20:38
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On peut se demander en effet. On imagine que ce ne sont pas les Français au sens large, mais par catégories, en y intégrante les entreprises, fonctionnaires, syndicats, politiques, retraités, etc... Cela ressemble beaucoup à une bataille de tranchée...

le 19/10/2018 à 4:46
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Il y a du vrai dans votre propos. Trop d'aides de la part de l'etat afin de preserver une certaine paix sociale. Ca fait quarante ans que dure cette comedie. Les francais en paient le prix. Ne vous plaignez pas, agissez.

à écrit le 18/10/2018 à 18:31
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Pendant ce temps: Nouvelle hausse des tarifs réglementés du gaz à l’approche de la saison froide. Les prix vont augmenter de 5,4 % le 1er novembre.Cette revalorisation fait suite à celle de 3 % au 1er octobre. Au total, depuis le début de l’année...

à écrit le 18/10/2018 à 17:11
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les flibustiers sont responsables ...réponses des retraités et futurs retraités

à écrit le 18/10/2018 à 16:40
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la france a effectue un leger rattrapage sur l'investissement apres avoir quitte en 2017 ses politiques sovietiques maintenant elle a largement rattrape, et est au dessus de sa croissance potentielle, qui est nulle ( vu le niveau d'investissement ac...

le 18/10/2018 à 19:31
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"apres avoir quitte en 2017 ses politiques sovietiques"... en la matière on est encore très loin du compte. Le niveau de dépense publique et sociale est encore trop élevé de 10 à 15 points de PIB.

à écrit le 18/10/2018 à 16:33
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elle s'effondre à cause des impots.Depuis Giscard on tente de la relancer par des dettes voyez le resultat? les investissements non productifs ne servent à rien .

le 18/10/2018 à 19:41
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Les taxes sur l'énergie et les carburants, qui connaissent une hausse faramineuse depuis quelques années (et surtout depuis l'arrivée de Macron) sous prétexte d'environnement sont probablement la cause de cet arrêt de croissance. Au moins Jospin/DSK,...

à écrit le 18/10/2018 à 16:30
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"Des risques à international" Non mais c'est une blague ? Le mac a ramené de pétaouchnoque un méga contrat de trois mitraillettes, et de deux pistolets bon offerts certes...

à écrit le 18/10/2018 à 16:20
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Si l'investissement augmente un peu et la consommation stagne c'est une bonne nouvelle. La France est un pays de cigales depuis trop longtemps: il faut réequilibrer les facteurs de la croissance.

le 19/10/2018 à 11:18
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Aiiez dire cela à ceux qui.travaillent dur.

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