Comment l'Élysée a failli vendre des mugs "porcelaine de Limoges" fabriqués... ailleurs (mais où au fait ? )

Par Sylvain Rolland et Jérôme Cristiani  |   |  952  mots
La nouvelle série de mugs est estampillée "porcelaine française". (Crédits : DR)
L'Élysée cessera de travailler avec la société "Mug in France", qui avait fait fabriquer des mugs estampillés à tort "porcelaine de Limoges" destinés à la boutique de produits dérivés ouverte samedi par l'Élysée. Pour autant Mug in France avait rectifié le tir en fournissant une nouvelle série de mugs, qui sont bien fabriqués à 100% en France, et non en partie à l'étranger comme certains le laissaient croire. Petite mise au point pour clore l'affaire du "bug des mugs" qui est d'abord, on le sait maintenant, un bug de com'.

[Article publié le dim. 16.09.2018 à 9:02, mis à jour le 17.09 à 14:06 après enquête auprès des services de l'Élysée et des porcelainiers]

Les touristes étrangers, notamment asiatiques, qui veulent ramener chez eux un bout du mythique savoir-faire artisanal français, auraient pu être sacrément déçus. Les mugs censés être vendus à partir du samedi 15 septembre par l'Elysée, étaient faussement estampillés "porcelaine de Limoges". Ils étaient en réalité fabriqués ailleurs. Mais non pas "à l'étranger, probablement en Asie" comme nous l'écrivions dans un premier temps (voir plus bas). Toujours est-il qu'une fois informé, le palais présidentiel a indiqué qu'il arrêtait de travailler avec l'entreprise de Dordogne "Mug in France", qui les lui fournissait, et qu'il retirait les produits de la vente.

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Les porcelainiers ont donné l'alerte

Effectivement, ces mugs n'étaient pas fabriqués à Limoges. Samedi, l'Union des fabricants de porcelaine de Limoges (UFPL), laissait entendre que ces mugs étaient probablement fabriqués en Asie, puis décorés à Toulouse. Prévenu avant de les envoyer au palais présidentiel, "Mug in France", basée en Dordogne, les a immédiatement remplacés par une nouvelle série siglée "porcelaine française".

Les mugs fautifs, ne respectant pas la nouvelle Indication géographique, n'ont donc pas été mis en vente ce week-end dans la cour de l'Élysée ni dans la boutique en ligne du palais, qui propose une cinquantaine de produits dérivés.

Alain Mouly, président de l'UFPL et de l'organisme de défense et de gestion pour l'indication géographique protégée (IGP), avait été alerté fin août par des porcelainiers.

"Lors d'une réunion où les fabricants étaient réunis, j'ai demandé dans l'assistance qui fabriquait de tels produits. Tout le monde a ri. Il y a bien longtemps qu'aucun porcelainier ne fabrique plus de mugs. Le produit revient trop cher, ne se vend pas et ça ne correspond pas au créneau de la porcelaine de Limoges. La plupart des mugs sont aujourd'hui fabriqués en Asie", a raconté M. Mouly à l'AFP.

Ce dernier avait alors alerté Jean-Charles Granchamp, le créateur de "Mug in France". Car la porcelaine bénéficie depuis le 1er décembre 2017 d'une IGP. "Je lui ai expliqué que pour pouvoir apposer "porcelaine de Limoges" sur le produit, il fallait qu'il soit entièrement fabriqué et décoré à Limoges ou en Haute-Vienne".

Or les mugs ne sont pas fabriqués en Haute-Vienne et sont décorés dans les environs de Toulouse.

"L'histoire est croquignolesque. L'Etat délivre des labels de protection et n'exerce lui-même aucun contrôle sur les fournitures qu'il achète. C'est un peu léger", a souligné M. Mouly.

Des produits dérivés pour financer la rénovation du palais

"Mug in France" a immédiatement retiré ses produits.

"Nous n'étions pas au courant pour l'IGP. Dès qu'on a appris la nouvelle, nous avons détruit les mugs concernés. Aucun n'avait été envoyé à l'Elysée et nous avons effectué les modifications", a expliqué à l'AFP Jean-Charles Granchamp, 31 ans, Pdg de Mug in France, qui a finalement envoyé 300 nouveaux mugs estampillés "porcelaine française", mais sans dire précisément où ceux-ci avaient été fabriqués.

La présidence française propose à la vente à partir de ce week-end une cinquantaine de produits dérivés, pour contribuer à financer la rénovation du palais.

Parmi les produits décorés en bleu-blanc-rouge ou avec le label "Présidence de la République" figurent, outre les mugs, des objets plus personnellement liés à Emmanuel Macron, comme un dessin géant à colorier avec le couple Macron et leur chien Némo ou encore un t-shirt avec écrit "Poudre de Perlimpinpin", une expression utilisée lors du débat avec Marine Le Pen.

Mais au final, qui fabrique les nouveaux mugs de l'Elysée ?

Le bug des mugs, qui est aussi un bug de communication à plusieurs étages, a enfin trouvé son épilogue ce matin : car malgré le fait que la société Mug in France ait livré à l'Elysée une nouvelle série estampillée cette fois "porcelaine française", l'incertitude sur l'origine réelle des produits persistait, alimentée d'un côté par les doutes des porcelainiers de Limoges, premiers floués de l'histoire, et d'un autre côté par le Pdg de Mug in France qui n'avait pas précisé à l'AFP la nationalité du fabricant de la nouvelle série (voir citation plus haut).

Or, cette donnée est primordiale pour répondre au cahier des charges de l'Elysée mis en exergue dans cette consigne en tête de son site : "des nouveaux produits exclusifs (mais toujours made in France et symboles du savoir-faire français !".

Renseignements pris, on apprend que le nouveau fournisseur de Mug in France est Pillivuyt, une entreprise installée dans le Cher. Avec une production de haute qualité et un slogan "Porcelainier français depuis 200 ans" pile dans l'axe du cahier des charges de l'Elysée, on s'étonnerait presque qu'il ait fallut peiner pour obtenir le nom de cette entreprise qui semble faire exception dans le paysage français, désertique semble-t-il, de la fabrication des mugs. Le porcelainier du Cher, qui utilise et façonne une matière première 100% française, nous a confirmé avoir livré à la Société Grandchamp fin juin quelque 850 mugs bruts. Dont environ 300 ont été décorés ensuite dans les ateliers de Mug in France et livrés à l'Elysée. Avec une estampille "porcelaine française" parfaitement exacte cette fois.

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 (avec AFP)