Commerce extérieur : les effets du Brexit sont déjà visibles

Par Fabien Piliu  |   |  1072  mots
Les importations par le Royaume-Uni de produits de l'Union européenne ont reculé de 4,5% en 2016.
En 2016, les exportations françaises vers le Royaume-Uni ont reculé. C'est l'un des rares pays avec lequel la France affiche un excédent commercial. Les négociations entre l'Union européenne et le Royaume-Uni commencent samedi.

Samedi 29 avril, un mois après la réception par Donald Tusk, le président du Conseil européen, de la lettre de Theresa May notifiant la volonté du Royaume-Uni de déclencher l'article 50 du Traité de l'Union européenne (TUE), un Conseil européen est convoqué. Selon Donald Tusk, celui-ci permettra "d'adopter les orientations de négociations pour les discussions du Brexit".

Selon les deux parties, les négociations entre le Royaume-Uni et l'Union européenne devraient s'étaler jusqu'en 2019. En attendant que des accords soient trouvés pour encadrer les échanges et les relations administratives et diplomatiques entre Bruxelles et Londres, les effets du Brexit sur l'économie réelle se font déjà sentir.

La France, très impactée par le recul des importations britanniques

Est-ce dû à un ralentissement de l'activité outre-Manche, dans la foulée du Brexit, voté par une majorité de citoyens le 22 juin 2016 ? Pas vraiment. L'activité britannique est relativement solide. Le PIB a progressé de 1,8% en 2016. C'est certes moins qu'en 2015 (+2,2%) mais ce taux de croissance reste enviable. Surtout de ce côté-ci de la Manche... En 2016, le PIB tricolore n'a progressé que de 1,1%.

Concrètement, sur la période 2013-2015, "les ventes françaises au Royaume-Uni progressaient moins rapidement (16,6%) que celles de l'ensemble de l'Union européenne (UE)", précise une étude récente des Douanes.

"Les principaux bénéficiaires étaient l'Allemagne, les nouveaux Etats membres (NEM), la Belgique et l'Espagne. En revanche, en 2016, la France est le deuxième pays européen le plus impacté par le recul des importations britanniques, après l'Allemagne, premier fournisseur du Royaume-Uni. Les ventes de la France reculent deux fois plus que celles de l'ensemble de l'UE ", poursuit cette étude.

Le Royaume-Uni, 5e client de la France

C'est bien regrettable. En effet, le Royaume-Uni est le 5e client de la France avec 31,2 milliards d'euros d'exportations. C'est avec le royaume d'Elisabeth II que la France enregistre son premier excédent bilatéral de la France. Après quatre années de hausse consécutive, il s'était élevé à 12 milliards d'euros en 2015, ce qui constitue un record. Il a reculé à 11,6 milliards en 2016.

"L'amélioration du solde bilatéral franco-britannique entre 2013 et 2015 reposait davantage sur la progression des ventes françaises que sur la baisse des achats. En 2016, la dégradation de celui-ci provient essentiellement du recul des exportations de la France, ses importations depuis le Royaume-Uni étant stables", commentent les Douanes.

Les exportations françaises de véhicules, secteur le plus touché

Quels sont les secteurs les plus touchés ? Après deux années de forte croissance, en 2014 et en 2015, les exportations françaises de véhicules, deuxième poste à l'export vers le Royaume-Uni avec 7,7% des ventes, ont chuté de 17,1% en 2016. Selon les Douanes, c'est la première contribution à la baisse des ventes françaises au Royaume-Uni. La France, quatrième fournisseur de véhicules au Royaume-Uni, avec 5,5% de parts de marché - contre 40% pour l'Allemagne -, est le deuxième pays le plus impacté par le recul de 5,4% des achats britanniques de ce type de produit.

D'autres produits enregistraient des ventes dynamiques vers le Royaume-Uni avant qu'elles ne se replient en 2016. C'est notamment le cas des produits agroalimentaires - les exportations de vins se sont repliées de 10% -, des machines, de l'informatique, des produits en caoutchouc/plastique et des parfums. Le recul des importations britanniques explique la baisse des ventes françaises vers le Royaume-Uni, sauf pour les parfums et cosmétiques pour lesquels la demande britannique reste stable. Quant au recul des exportations de produits chimiques, métallurgiques et des boissons, il ne date pas d'hier. Il a débuté il y a trois à quatre ans. Il s'est simplement accentué en 2016.

Certains secteurs, comme l'aéronautique, échappent à la morosité

En revanche, les livraisons aéronautiques ont nettement progressé en 2016 (+37 %), pour établir un record à 2,2 milliards d'euros. " Ce mouvement paraît peu lié aux évolutions conjoncturelles puisque les ventes aéronautiques reposent sur des grands contrats dont les termes sont définis très en amont de la livraison ", indiquent les Douanes. Les ventes françaises de textile/habillement/cuir et de bijoux ont également progressé "alors que la demande britannique pour ces produits s'inscrit en baisse". "Les achats du Royaume-Uni baissent surtout depuis les pays d'Asie spécialisés dans les produits d'entrée de gamme. La France, davantage positionnée sur le secteur du luxe résiste mieux aux aléas conjoncturels", précise l'étude. Dans le luxe, le made in France ne connaît pas la crise !

Le reste de l'Union européenne également touchée

La France n'est pas la seule à souffrir. Entre 2013 et 2015, les importations du Royaume-Uni exprimées en euro ont progressé de 6,6% par an. Les pays de l'Union européenne en ont largement profité, les achats auprès de l'UE s'étant accrus de 17,6%, contre 9,3% auprès des pays tiers.

"A l'inverse, en 2016, la croissance des achats du Royaume-Uni est freinée par la contraction des importations depuis l'UE (-4,5 %, contre +18,5 % depuis les pays tiers)", observent les services des Douanes.

Cette tendance peut-elle se poursuivre au cours des prochains mois? Tout dépendra de la nature des accords commerciaux qui seront décidés entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, et entre le Royaume-Uni et la France. Seule certitude, un repli de la livre sterling face à l'euro - elle a reculé de plus de 5% depuis un an - nuirait à un rebond des exportations françaises vers le pays de sa majesté la reine.

L'attractivité de la France redorée par le Brexit  ?

En attendant, ces turbulences peuvent-elles être compensées par le déménagement en France d'entreprises aujourd'hui implantées au Royaume-Uni. En clair, l'Hexagone peut-il être le refuge des entreprises qui veulent rester amarrées à l'Union européenne. Ce pourrait notamment être le cas des filiales européennes de grands groupes mondiaux aujourd'hui sises à Londres ou dans les autres grandes villes du royaume. Alain Rosaz, le président de la Fédération des entreprises internationales mécanique/électrique, (FICIME), qui représente notamment les importateurs et distributeurs du secteur, fait part de sa perception des choses :

"Il y a des opportunités, des coups à jouer. Mais, pour l'instant, rien ne permet de le garantir. Il faudra attendre le début des négociations, notamment bilatérales, puis leurs résultats. Une chose est certaine, la concurrence de l'Allemagne et de l'Irlande est féroce."