Covid-19 : Paris en état d'alerte maximale mais les restaurants restent ouverts

Par Jacques Klopp et Jérémy Marot, AFP  |   |  1110  mots
Les restaurants désertés de la place du Tertre (Montmartre) début octobre 2020 à Paris. (Crédits : J. Dussueil pour La Tribune)
Matignon a annoncé dimanche soir que Paris passait en "zone d'alerte maximale", synonyme de nouvelles restrictions qui seront détaillées ce lundi matin. L'Umih se réjouit que les restaurants puissent rester ouverts avec un protocole sanitaire renforcé mais est très inquiet pour les bars.

Nouveau tour de vis dans la capitale: face à la progression de l'épidémie du Covid-19, Matignon a annoncé dimanche soir que Paris passait en "zone d'alerte maximale", synonyme de nouvelles restrictions. Mais les restaurants pourront rester ouverts avec un protocole sanitaire renforcé.

Les nouvelles "mesures contraignantes", qui concernent Paris mais aussi les trois départements de la petite couronne, entreront en vigueur mardi et seront détaillées lundi lors d'une conférence de presse à 11H30 par la maire de Paris Anne Hidalgo et le préfet de police Didier Lallement.

Elles dureront au moins 15 jours et devraient notamment entraîner la fermeture des bars et cafés. Les restaurants en revanche pourront rester ouverts, à Paris mais aussi partout en France, y compris à Aix-Marseille où ils avaient dû baisser le rideau il y a une semaine. Le gouvernement suit en effet l'avis du Haut Conseil de Santé Publique qui a validé dimanche le protocole sanitaire renforcé proposé par les professionnels du secteur et qui sera applicable dans les zones d'alerte maximale ainsi que dans les zones d'alerte renforcée.

Là-aussi, les modalités de ce protocole seront détaillées lundi par les ministres compétents. Selon l'Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie des Bouches-du-Rhône, les restaurateurs devront notamment recenser leurs clients pour les contacter après coup en cas de besoin, garder 1,5 mètre entre chaque table et rendre obligatoire le paiement à table, mais aussi fermer leurs établissements à 22h.

"L'arrêté préfectoral, qui formalisera cette décision, est attendu avec impatience mais il s'agit d'ores et déjà d'une très belle victoire pour l'ensemble de la profession", s'est félicitée Martine Vassal, présidente de la Métropole Aix-Marseille-Provence.

Facs et amphis bondés

Matignon a également annoncé que les salles ou amphithéâtres des universités ne pourraient, à partir de mardi, être remplis qu'à 50% de leur capacité au maximum en zones d'alerte renforcée et maximale. Le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal avait déclaré avoir été "choqué" par les images d'amphis bondés. Anne Hidalgo a fait état dimanche d'une situation "catastrophique dans les facs".

Enfin, et toujours pour faire face à un regain de circulation du Covid-19, le télétravail est "plus que jamais" privilégié dans ces mêmes zones, a rappelé le gouvernement.

Cette batterie de nouvelles mesures répond à une dégradation de la situation sanitaire dans la capitale. Paris "a franchi, depuis plusieurs jours, les trois seuils qui correspondent à la zone d'alerte maximale et cette tendance s'est confirmée pendant le week-end", a rappelé Matignon.

Le taux d'incidence dépassait ainsi toujours la barre des 250 pour 100.000 habitants à Paris et le seuil critique des 100 chez les plus de 65 ans. Quant au taux d'occupation des lits en réanimation pour les patients atteints de Covid-19, il s'élevait lui aussi au-dessus du seuil d'alerte maximale de 30% en Ile-de-France, selon les chiffres de l'Agence régionale de santé (ARS).

"Les chiffres sont là, ils pèsent lourd", a commenté Aurélien Rousseau, directeur général de l'ARS d'Île-de-France, dimanche.

La maire de Paris Anne Hidalgo, qui s'est entretenu tout au long de la journée avec le Premier ministre Jean Castex, a reconnu que la situation sanitaire était "très grave" dans la capitale.

Concernant les bars, les élus parisiens avaient indiqué qu'ils se plieraient à toute décision de fermeture, ce qui semble exclure un vent de fronde comme celui qui avait soufflé à Marseille la semaine dernière.

A terme, "on ne peut pas être dans un stop and go permanent", a cependant souligné Anne Hidalgo, qui mise sur des mesures sanitaires renforcées dans les établissements, y compris les cafés.

Agnès Evren, présidente de la Fédération LR Paris, a critiqué dimanche soir "une politique sans cap, qui se résume essentiellement à de la com anxiogène".

Dès jeudi, le ministre de la Santé, Olivier Véran, avait déclaré que si l'aggravation devait se confirmer, "nous n'aurions pas d'autre choix que de placer Paris et la petite couronne en alerte maximale et ce dès lundi", avant d'en décliner les conséquences: "plus de fêtes de famille, plus de soirées et la fermeture totale des bars".

"Bien sûr que c'est difficile. Nous sommes les Français, nous aimons boire, manger, vivre, sourire, nous embrasser. Mais nous le faisons évidemment parce que la population aussi le souhaite", a commenté dimanche le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.

Si Paris a rejoint dimanche soir Marseille et la Guadeloupe, d'autres grandes villes, comme Lille, Lyon, Grenoble, Toulouse et Saint-Etienne pourraient également basculer prochainement en zone alerte rouge.

Pour le secteur de la restauration, ces nouvelles restrictions constituent, en dépit de la réouverture des restaurants à Marseille, un énième coup dur.

Selon la principale organisation patronale, l'Umih, environ 15% des 220.000 entreprises du secteur - cafés, bars, hôtels, restaurants, brasseries, discothèques - pourraient mettre la clé sous la porte dans les mois à venir en France, et 220 à 250.000 salariés se retrouver au chômage.

"On est contents pour les restaurants, même si jeter l'opprobre sur notre profession en disant que c'est un haut lieu de contamination, alors que les centres commerciaux et les transports en commun sont très fréquentés, et qu'on a organisé la Nuit blanche à Paris ce week-end, ça interroge", a réagi auprès de l'AFP Franck Delvau, le président de l'Umih Paris Ile-de-France.

En revanche, il s'est dit "extrêmement alarmé pour les bars qui vont être fermés pendant deux semaines". Car "ce n'est pas le tout d'avoir le chômage partiel mais quid des pertes d'exploitation, que les assureurs ne veulent pas prendre en charge pour la plupart?", a dit M. Delvau, dont la fédération représente les indépendants de l'hôtellerie, de la restauration, des bars, des cafés et brasseries et du monde de la nuit.

Il s'est dit aussi très inquiet du renforcement du télétravail, qui doit être "plus que jamais privilégié" dans les zones à risque, selon le gouvernement. "Le télétravail nous a beaucoup touchés" car la visioconférence ayant remplacé les voyages d'affaires, les restaurants de la capitale qui abritent les sièges de nombreuses entreprises ont perdu une bonne partie de leur clientèle qui venaient à Paris à l'occasion de congrès ou séminaires d'entreprise.

Une "catastrophe" aussi pour les hôtels, selon M. Delvau, qui s'attend à de nombreuses faillites dans les mois qui viennent. "On n'en parle plus, mais il faut d'urgence s'emparer de ce dossier", a-t-il dit.