Deux Français sur trois pour la retenue à la source, le « cadeau » de Hollande pour 2017

Par latribune.fr  |   |  1129  mots
Près de deux Français sur trois (64%) se disent favorables à la retenue à la source de l'impôt sur le revenu, envisagée par le gouvernement, selon un sondage Odoxa paru samedi pour Le Parisien/Aujourd'hui en France et iTELE.

Populaire, la retenue à la source ? Oui, d'après un premier sondage réalisé à la veille du week-end. Près de deux Français sur trois (64%) se disent favorables à la retenue à la source de l'impôt sur le revenu, envisagée par le gouvernement, selon un sondage Odoxa paru samedi pour Le Parisien/Aujourd'hui en France et iTELE. A contrario, 35% sont opposés à ce prélèvement d'après cette enquête (1% ne se sont pas prononcés).

Pas dupe, une large majorité (57%) prête néanmoins à François Hollande des arrières-pensées électorales. Ils considèrent que le chef de l'Etat a annoncé cette mesure parce qu'il estime qu'elle "le favorisera électoralement", contre 42% qui pensent "qu'il estime que c'est une mesure bonne pour la France et les Français".

Le prélèvement de l'impôt sur le revenu à la source a ressurgi dans le programme de réformes du gouvernement à la faveur de la remise en ordre de marche de la majorité, après le congrès de Poitiers. Enterré en début de quinquennat avec la fusion de l'impôt sur le revenu et de la Contribution sociale généralisée (CSG), le prélèvement à la source a été évoqué par le président François Hollande dans son discours de Carcassonne le 19 mai, puis confirmé par le Premier ministre Manuel Valls au congrès socialiste de Poitiers.

Une mesure "technique" ?

Une mesure présentée par Bercy comme « technique », mais aussi "irréversible", a prévenu le ministre des finances Michel Sapin. Elle est donc politiquement risquée. C'est la raison pour laquelle le gouvernement a décidé de ne la mettre en œuvre qu'après les élections, en 2018, tout en faisant de 2017, une année « blanche » fiscale. En clair, rien ne changera jusqu'en 2017, les Français déclarant leurs revenus 2016 et payant sur cette base l'impôt. En revanche, en 2018, la retenue à la source s'appliquera directement sur les revenus de l'année en cours. Pour éviter les effets d'aubaine dont chercheraient à profiter ceux qui tenteraient de réaliser des arbitrages (plus-values, primes) en faveur de l'année blanche, Bercy cherche cependant des parades. La régularisation aurait lieu après la déclaration des revenus 2017, en 2018. Mais ces mesures correctrices entrent en contradiction avec l'effet de boom en faveur de la croissance que cherche le gouvernement, qui veut profiter de la période électorale pour faire un "cadeau" aux Français, après des années de hausses des impôts. Bruno Le Roux, chef de file du groupe PS à l'Assemblée, souhaite que l'année blanche concerne uniquement les revenus salariaux.

Des syndicats méfiants, voire opposés

Populaire, le problème de ce genre de mesures « techniques » est que le diable se cache souvent dans les détails. "On a l'impression que c'est la seule chose qu'ils ont à offrir aux Français", déclare à l'AFP Vincent Drezet, secrétaire général de Solidaires Finances publiques, le principal syndicat des impôts. Pour lui, le "message général est de dire qu'on va réformer et sur la fiscalité on a rien, alors on va faire la retenue à la source". Craignant pour l'emploi, les syndicats de Bercy sont farouchement opposé à une telle réforme si elle n'est pas accompagnés d'une refonte globale de la structure de l'impôt. Les tiroirs de Bercy débordent de rapports définissant les modalités d'un prélèvement de l'impôt à la source, mais l'institution, ses hauts fonctionnaires et ses agents, traînent des pieds depuis des années face à cette véritable arlésienne.

Côté syndicats, le « cadeau » pré-électoral de Hollande ne fait pas l'unanimité. La CGT a affirmé que la retenue à la source de l'impôt sur le revenu envisagé par le gouvernement constituait "une nouvelle imposture gouvernementale" : cette mesure "ne constitue en rien les prémisses de la réforme fiscale nécessaire" pour rendre "l'impôt plus juste et efficace", affirme la centrale dans un communiqué. "Plus grave encore", selon la centrale, "sous prétexte de vouloir simplifier l'impôt sur le revenu" le gouvernement "crée les conditions de nouvelles inégalités et expose encore plus la vie privée des travailleurs vis-à-vis de leurs employeurs".

"La retenue à la source fournirait à l'employeur des éléments sur la vie privée des salariés - situation de famille, niveau de revenus du conjoint", qui, pour la CGT, "doivent absolument demeurer confidentiels". Pour la même raison, le Medef et la CGPME ont exprimé leurs réserves, les entreprises craignant de devenir des auxiliaires du fisc et refusant de devoir gérer la complexité d'un impôt familiarisé.

Par ailleurs, cette réforme n'entraînera pas de "simplification pour les salariés", souligne la CGT. "Les déclarations annuelles de revenus" resteront de mise et en cas de baisse des revenus "le montant de l'impôt ne pourrait pas être immédiatement modifié". Pour cette raison, la centrale ne voit pas de bénéfice "par rapport au dispositif de la mensualisation".

La CFE-CGC le syndicat des cadres, est aussi réservée. Elle estime que la retenue à la source de l'impôt sur le revenu, envisagée par le gouvernement, pourrait être "une fausse bonne idée" et se prépare à défendre les intérêts des classes moyennes qui risquent d'être lésées par cette mesure. La CFE-CGC, reste "très prudente" sur cette réforme. Elle participera à toutes les réunions proposées, sera très opiniâtre pour défendre le pouvoir d'achat de la classe moyenne qui, à elle seule, porte l'essentiel de l'imposition directe", affirme dans un communiqué Alain Giffard, membre de la direction du syndicat des cadres.

Il rappelle que "le foyer fiscal représente la norme en France", l'impôt étant "familiarisé", et alors "se pose la question de savoir si l'employeur doit connaître la situation du conjoint et la situation patrimoniale du ménage". Selon lui, "le risque existe que ce surplus d'informations défavorise le salarié en cas de négociations salariales", un point qui "affecterait notamment l'encadrement qui, en règle générale, est assujetti à l'individualisation des augmentations de salaire", relève-t-il.

Par ailleurs, argue la CFE-CGC, "la mise en place du prélèvement à la source préfigure la fusion de la CSG et de l'impôt sur le revenu". Or, estime la centrale, une telle fusion "est incontestablement préjudiciable à la classe moyenne qui verra la CSG, aujourd'hui proportionnelle, devenir progressive". Le syndicat relève aussi les aspects techniques compliqués de la réforme, notamment la prise en compte des "niches fiscales". Seules celles "véritablement utiles" devraient être gardées, préconise-t-il.

(avec AFP)