François Hollande : pour qui sonne le glas ou... l’éternel retour ?

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  2131  mots
[ SÉRIE : Horizon 2017 pour Hollande 1/9 ] Et si par un extraordinaire retournement de l'histoire, François Hollande se retrouvait dans une (bonne) situation pour se présenter et l'emporter en 2017 ? À première vue, ce scénario paraît bien improbable, tant le président suscite le rejet. Mais ce cas de figure pourrait devenir réalité... sous plusieurs conditions.

« Il faut qu'il y ait une baisse du chômage tout au long de l'année 2016, une baisse crédible, longue et répétée ».

Ainsi s'exprimait le président de la République en juillet devant l'Association de la presse présidentielle. En filigrane, François Hollande précisait là les conditions pour une nouvelle candidature à la présidentielle de 2017, lui qui a depuis près de trois ans ouvertement associé son destin présidentiel à l'inversion de la courbe du chômage. Un sacré pari, alors que l'on comptabilise en France près de 700.000 chômeurs de plus qu'en mai 2012, lors de l'arrivée de François Hollande à l'Élysée.

Dans ces conditions, est-il raisonnable pour le président en place de croire en ses chances pour un nouveau mandat en 2017 ? À première vue, la réponse est incontestablement négative. Un sondage Ifop du 6 septembre pour Le Figaro et RTL le dit même perdant dès le premier tour avec 19 % des suffrages, loin derrière le candidat de la droite et du centre - qu'il s'agisse de Nicolas Sarkozy ou d'Alain Juppé - (25%) et, surtout, de Marine Le Pen (27%). Et pourtant, l'homme que l'on n'avait pas vu arriver avant les primaires socialistes de 2011 continue de croire en sa bonne étoile. En bon mitterrandien, il sait qu'en politique on n'est jamais mort. La dernière conférence de presse présidentielle du 7 septembre l'a montré : François Hollande ne renonce pas.

Il continue d'affirmer sa volonté de réformer le pays alors que 2016 sera la dernière année budgétaire utile du quinquennat. Il lance de nouveaux chantiers, comme les réformes du droit du travail pour donner davantage de poids aux accords d'entreprise, ou celle de la dotation globale de fonctionnement aux collectivités locales. Il confirme que le pacte de responsabilité, avec ses 41 milliards d'euros d'allégements d'impôts et de cotisations sociales pour les entreprises, sera mené à son terme. Il annonce une nouvelle loi sur « les opportunités numériques ». Il se pose en gardien de la sécurité de la France en engageant davantage l'armée de l'air en Syrie.

Mais lui reste-t-il vraiment une chance d'inverser les pronostics sur sa future non-réélection ?

L'exercice paraît difficile mais pas complètement impossible. Pour se trouver en situation de l'emporter à nouveau, il devra réunir deux conditions. La première sera une amélioration significative de la conjoncture économique avec des résultats très concrets pour les Français, sur le front du chômage notamment. La seconde, tout aussi essentielle, sera de rassembler non seulement tout le parti socialiste derrière lui mais, au-delà, la famille de la gauche plus généralement. Et, quand on voit l'état de décrépitude actuelle des différentes composantes de cette gauche, ce n'est vraiment pas gagné.

Premier impératif : une forte décrue du chômage

François Hollande va-t-il pouvoir compter sur des vents économiques plus favorables ? Cette année, le PIB devrait progresser d'un petit 1%. Pour 2016, le projet de loi de finances est bâti sur une hypothèse de 1,5% de croissance. C'est un peu juste pour faire spontanément reculer le chômage du fait de l'augmentation « naturelle » de la population active qui dépasse les 100.000 personnes par an. Du coup, le budget 2016 du ministère du Travail devrait prévoir le financement d'environ 550.000 contrats aidés, soit un niveau équivalent à celui de 2015.

Mais il existe des scénarios plus optimistes, peut-être même un peu trop, comme celui de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Pour cet organisme rattaché à Sciences Po Paris, 2016 sera la vraie année de la reprise avec une croissance de... 2,1%, une hausse de l'investissement productif de 4 % et la création de près de 220.000 postes dans le secteur marchand permettant une nouvelle diminution du nombre des chômeurs, de 70.000. Le taux de chômage redescendrait à 9,5%, contre 10% à la fin du deuxième trimestre de 2015. Dans un tel contexte porteur, le déficit public baisserait significativement pour s'établir à 3,1% en 2016. Soit très proche de l'objectif de 3% que la France doit atteindre en 2017. Mais comment l'OFCE peut-il afficher un tel optimisme ? Selon ses économistes, tous les éléments sont là pour favoriser la croissance : la chute des prix du pétrole, la politique volontariste de la BCE via l'assouplissement quantitatif [Quantitative Easing, QE], le ralentissement de la consolidation budgétaire en France - qui a refusé de faire davantage d'économies budgétaires, contrairement à ce que souhaiterait la Commission européenne -, la montée en charge du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) et la mise en place du pacte de responsabilité.

En bons keynésiens, les économistes de l'OFCE estiment que ces facteurs vont permettre de favoriser la demande et ainsi de relancer l'économie. Ils considèrent même que « les principaux freins qui ont pesé sur l'activité française ces quatre dernières années [austérité budgétaire surcalibrée, euro fort, prix du pétrole élevé, etc.] devraient être levés en 2015 et 2016, libérant ainsi une croissance jusque-là étouffée ».

François Hollande croit lui aussi à ce retour au « bon alignement des planètes ». Certes, mais cette embellie paraît encore bien fragile. Ainsi, les prix du pétrole vont-ils continuer durablement à rester sous les 100 dollars ? Et on attend encore les bénéfices du QE pour l'économie réelle. Sans parler du ralentissement de l'économie chinoise et des prévisions à la baisse du FMI sur la croissance mondiale.

Sur le plan économique, ce n'est donc pas gagné d'avance, même si le président affiche un certain volontarisme et qu'il croit dur comme fer dans la réussite de son pacte de responsabilité qui va prendre sa vitesse de croisière en 2016, avec le passage à 9% du Crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), un nouvel allégement sur les cotisations familiales des entreprises et la suppression de la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés acquittées par les entreprises réalisant plus de 250 millions de chiffres d'affaires.

À cet égard, un ministre qui connaît très bien François Hollande, salue la démarche :

« Avec cette diminution des prélèvements sur les entreprises, ajoutée à la baisse de l'impôt pesant sur les ménages qui va gommer l'impression du coup de massue fiscal du début du quinquennat et la réforme du Code du travail, François Hollande veut couper l'herbe sous le pied du futur candidat de l'opposition qui ne pourra pas exploiter ces thèmes. En plus il séduit une partie de l'électorat centriste ».

Deuxième impératif : se trouver en "situation politique"

De fait, la situation politique qui prédominera à un an du scrutin constitue la seconde condition pour que François Hollande puisse avoir une chance de se représenter en 2017. Et là, il y a du travail, tant la gauche est dans un état d'émiettement total. François Hollande ne fait même plus l'unanimité au sein du Parti socialiste. Son aile gauche, menée notamment par Emmanuel Maurel et l'ancien ministre Benoît Hamon, revendique de plus en plus ouvertement l'organisation d'une primaire à gauche, comme le prévoient d'ailleurs les statuts du PS. Les « frondeurs », réunis derrière le député Christian Paul, bien que plus discrets depuis le congrès socialiste en juin, à Poitiers, où ils avaient porté la « motion B », ne décolèrent pas face au virage social-libéral entrepris par Manuel Valls et amplifié avec l'arrivée d'Emmanuel Macron au gouvernement. Et ce n'est pas le prochain projet de loi sur la réforme du Code du travail qui va calmer les esprits, même si le président de la République a décidé de ne pas toucher à la durée légale du travail de 35 heures, un « marqueur » de gauche.

Après la publication du rapport Combrexelle tendant à valoriser les accords de branche et d'entreprise au détriment de la loi, les « frondeurs » ont immédiatement réagi dans un communiqué, estimant que « l'application du rapport Combrexelle restreindrait la législation à quelques grands principes "d'ordre public social", et réduirait à néant la clause la plus favorable qui s'applique au salarié et l'universalité des droits. La situation du monde syndical, le rapport de forces entre salariés et patronat, ne permettront pas d'imposer, en particulier dans les entreprises les plus petites, les choix les plus favorables aux salariés ».

Ambiance ! Sans parler du trublion Arnaud Montebourg, qui n'a pas totalement renoncé à peser sur le débat et qui s'affiche en public avec l'ancien ministre grec de l'Économie, Yanis Varoufakis ! François Hollande n'a plus qu'à espérer que l'instinct de survie du PS le poussera à se réunir derrière lui à l'approche de l'échéance capitale de 2017.

Mais un autre danger guette François Hollande, il a pour nom Cécile Duflot, l'ex-leader d'Europe-Écologie-Les Verts. Depuis qu'elle a claqué la porte du gouvernement, la députée de Paris n'a de cesse de dénoncer la ligne sociale-libérale de Manuel Valls. Elle a même tenté un flirt avec le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon... qui a tourné court. Il n'empêche, et la sortie récente de son dernier livre Le Grand virage (Éditions Les Petits Matins) - véritable programme - l'atteste, Cécile Duflot se réserve la possibilité de se présenter à la présidentielle de 2017. De quoi grignoter quelques voix supplémentaires à François Hollande alors que le ticket pour le second tour va être très cher. Le président s'en inquiète. Il va tout faire pour marginaliser son ancienne ministre du Logement, afin qu'elle ne puisse se trouver en situation. Il surveille donc de très près les initiatives des deux dissidents écolos, Jean-Vincent Placé et François de Rugy, - ils viennent de créer une nouvelle formation politique, « Écologistes ! » - nettement plus ouverts à une collaboration avec les socialistes, voire même tout à fait disposés à intégrer le gouvernement. Mais, pour ce faire, ils devront sans doute attendre le lendemain des élections régionales des 6 et 13 décembre, quand François Hollande va procéder à un vaste remaniement pour préparer le dernier sprint. Objectif : ratisser large, non seulement au sein du PS, bien sûr, mais surtout au-delà... Et les écologistes volontaires seront les bienvenus.

En attendant, ces élections régionales s'annoncent très périlleuses pour la gauche, qui détient actuellement 20 des 22 régions métropolitaines (en incluant la Corse). Sur les 13 nouvelles « super-régions », elle espère pouvoir en conserver trois ou quatre : Aquitaine-Limousin/Poitou- Charentes, Languedoc-Roussillon/Midi-Pyrénées Bretagne et surtout Île-de-France. Mais c'est loin d'être fait.

Troisième impératif : que Nicola Sarkozy soit candidat

Reste aussi pour François Hollande à connaître le nom de son principal opposant à droite. Il faudra pour cela attendre les résultats, à l'automne 2016, de la primaire du centre et de la droite. François Hollande rêve de rééditer le scénario de 2012 et de retrouver Nicolas Sarkozy face à lui. L'ancien président de la République est tellement « clivant » que l'actuel locataire de l'Élysée pense alors pouvoir l'emporter sur son rival en mobilisant l'électorat de gauche jusqu'ici tenté par l'abstention par dépit mais, in fine, effrayé par un éventuel retour de Nicolas Sarkozy.

Surtout, il compte alors sur une candidature de François Bayrou (MoDem) pour priver l'ancien chef de l'État des suffrages nécessaires pour accéder au second tour. François Hollande se retrouverait alors face à Marine Le Pen (Front National)... le scénario rêvé pour lui.

En revanche, si Alain Juppé sort grand vainqueur de la primaire de l'opposition, la situation va être nettement plus difficile pour François Hollande. L'ancien Premier ministre de Jacques Chirac séduit non seulement au centre mais y compris certains électeurs de gauche.

Il a su en grande partie gommer son image d'homme raide « droit dans ses bottes » et cultive volontiers un côté « vieux sage » modéré, notamment sur les sujets sociétaux. De plus, le maire de Bordeaux a eu l'habileté de déclarer très tôt qu'il n'effectuerait qu'un seul mandat de cinq ans, le temps de lancer les quelques grandes réformes qu'il estime nécessaires.

Pour François Hollande, le scénario Juppé est certainement le plus noir. Il va donc tout faire d'ici la primaire de l'opposition, dans un an, pour que Nicolas Sarkozy apparaisse comme son meilleur ennemi.

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>> [ SÉRIE :  Horizon 2017 pour Hollande ] Demain, retrouvez la 2e partie : "Hollande peut-il encore réussir... à relancer l'économie française ?"