Hervé Mariton : "Il faut supprimer le Code du travail, pas le modifier"

Par Propos recueillis par Jean-Christophe Chanut  |   |  615  mots
Pour Hervé Mariton, député ("Les Républicains") de la Drôme et candidat à la primaire de droite, le projet de loi Trvail cherche encore une fois à faciliter le contournement des 35 heures, alors que, pour lui, ce sont les 35 heures qu'il faut suprimer.
Le député de la Drôme ("Les Républicains"), candidat à la primaire de la droite en vue de la présidentielle, estime que le projet de loi Travail, présenté ce 24 mars en Conseil des ministres, se trompe totalement de paradigme en ne facilitant que le contournement et la dérogation aux règles actuelles*.

LA TRIBUNE - Considérez-vous vraiment que tout est à jeter dans ce projet de loi?

Hervé MARITON - Non, tout n'est pas à jeter, il y a des mesures bienvenues. Mais ce texte souffre de deux inconvénients majeurs. D'abord il est beaucoup trop timide dans la portée des mesures, ensuite, il obéit à une logique globale de contournement. Je considère que ces deux défauts empêchent des mesures vigoureuses et facilitent la contradiction et le blocage. La loi Macron, elle, obéissait à une logique microéconomique, locale et sectorielle totalement assumée . Elle ne posait aucun problème philosophique car elle n'obéissait qu'à du pragmatisme. Alors que le projet El Khomri porte une vision nettement plus macro-économique aux conséquences plus ennuyeuses. Certes, les petits progrès du texte sont bons à prendre mais ils ne doivent pas servir à empêcher les réformes plus importantes qu'il conviendrait de mener. Je songe à l'idée de généraliser le rescrit social, ce qui serait bien. Je songe aussi au rôle de conseil que pourrait jouer l'administration. Il faudrait aussi  aller beaucoup plus loin sur l'idée du referendum d'entreprise.

 Vous êtes hostile aux 35 heures légales, or le texte permet encore un peu plus de contourner cette référence via des accords d'entreprise.

- Certes mais on est là, encore une fois, dans une logique de contournement. C'est donc toujours le même rite depuis des années, y compris quand ma propre majorité était au pouvoir. Plutôt que de créer de multiples dérogations ou contournements de la règle, autant la supprimer. Le mal de la France, c'est d'inventer de mauvais schémas puis ensuite de s'épuiser à chercher des dérogations.

Que proposez vous alors?

- Il faut supprimer le Code du travail actuel et non pas le modifier. Il doit être remplacé autant que faire ce peut par la négociation d'entreprise. Chaque fois qu'elles le peuvent, les entreprises doivent fixer leurs propres règles. Et quand cela s'avère impossible, alors ce rôle doit être dévolu à la branche. Et c'est seulement lorsqu'aucune règle n'a pu être   élaborée que le Code du travail s'appliquerait. Il n'aurait donc plus qu'un rôle supplétif. Par ailleurs, bien entendu, tout ce qui concerne ce que je qualifie de droit sanitaire dans le Code du travail doit continuer de s'appliquer. Je ne suis pas pour le retour du travail des enfants...

Mais tout de même, Le projet de loi tente de sécuriser les entreprises , par exemple en clarifiant la définition du licenciement économique...

- Certes, c'est un mieux par rapport à  la situation actuelle. On améliore un système qui fonctionne mal. Mais le paradigme doit être totalement différent. Le juge est là pour sanctionner des abus. Est-il vraiment indispensable de créer des catégories: licenciement économique, licenciement pour faute, etc. ? Le contrat de travail devrait préventivement fixer les règles de sa rupture, c'est-à-dire prévoir les motifs de séparation. Et il reviendrait au juge, éventuellement, de vérifier que ces dispositions ont été bien appliquées.

Vous allez défendre des amendements au texte lors du débat parlementaire?

- Je vais porter des amendements vigoureux pour expliquer qu'il faut faire totalement différemment. Avec mes amis du parti "Les Républicains" nous allons aussi tenter de faire bouger les curseurs et empêcher les socialistes les plus extrêmes de durcir le texte.

 *Hervé Mariton est l'auteur d'un livre programme: " Le printemps des libertés" (200 pages, Éditions L'Archipel; 18 euros) dans lequel plusieurs chapitres sont consacrés aux questions économiques et sociales