Indexation des salaires sur l'inflation : « Nous ne sommes pas une économie administrée » (Emmanuel Macron)

Par latribune.fr  |   |  1888  mots
Emmanuel Macron a annoncé l'organisation prochaine d'une « grande conférence sur le partage de la valeur ». (Crédits : PIROSCHKA VAN DE WOUW)
Après une longue séquence européenne, Emmanuel Macron est revenu mercredi dans l'arène nationale avec une heure et demi d'interview sur France 2 destinée à expliciter le cap de son quinquennat et à réaffirmer son ambition réformatrice malgré les crises. Salaires, retraites, 49.3, électricité..., retrouvez la synthèse de son intervention.

Après une longue séquence européenne, Emmanuel Macron est revenu mercredi dans l'arène nationale avec une heure et demi d'interview sur France 2 destinée à expliciter le cap de son quinquennat et à réaffirmer son ambition réformatrice malgré les crises. Pour la deuxième fois en deux semaines, le chef de l'Etat était l'invité de « L'Evénement », la nouvelle émission politique de la chaîne animée par Caroline Roux, à 20H30. Après la guerre en Ukraine et les autres crises internationales le 12 octobre, les enjeux nationaux et les défis de l'exécutif en l'absence de majorité absolue à l'Assemblée étaient à l'ordre du jour. Le chef de l'Etat s'est livré à un exercice de pédagogie face aux nombreuses questions des Français, lesquelles vont de la défense de leur pouvoir d'achat malmené par la guerre en Ukraine et l'inflation, à la réforme des retraites. Les Français sont en effet frappés de plein fouet par l'envolée des prix énergétiques, due notamment à la baisse des livraisons de gaz décrétée par la Russie en réaction aux sanctions européennes. Ils viennent aussi de connaître trois semaines de pénurie d'essence à la pompe, en raison de débrayages dans les dépôts et raffineries.

« Une stratégie macro-économique qui est cohérente »

Emmanuel Macron a défendu « une stratégie macro-économique qui est cohérente, française et européenne ». « Nous avons déjà un déficit public qui sera de 5% du PIB l'année prochaine. Mais nous avons une stratégie derrière ça » :

« On stabilise la dépense publique, on commence sous ce quinquennat à rembourser notre dette, on tient la croissance et on va créer plus d'emploi. Donc on a une stratégie de plein emploi, c'est pour ça qu'on fait la réforme du marché du travail et la réforme des retraites, et on baisse les impôts », a expliqué le chef de l'État. « On ne peut pas faire n'importe quoi. C'est pour ça qu'il faut une vraie stratégie pour rendre notre dépense publique plus efficace, pour faire de vrais choix » : « investir sur la santé, sur l'école ». Ce qui « suppose, si on fait ces vrais choix, de savoir les financer de manière sérieuse », a-t-il ajouté.

« Nous ne sommes pas une économie administrée »

Dans la « tempête » de l'inflation, Emmanuel Macron a par ailleurs rappelé son souci de protéger les Français les plus faibles et d'aider l'industrie, tout en se disant opposé au blocage des prix et à l'indexation des salaires, qui n'existe plus en France depuis 1983.

« On traverse aujourd'hui une inflation qui est la conséquence de notre dépendance (mais) nous l'avons mieux maîtrisée que nombre de nos voisins », a-t-il dit, rappelant que l'inflation était en France moitié moins élevée que dans nombre de pays européens.

« On traverse cette crise et au fond, nous devons passer cette tempête, c'est la première chose que je leur dis et nous allons la passer ensemble », a-t-il ajouté.

« On protège les plus faibles, on aide notre industrie, on protège plus que nos copains », a-t-il résumé, citant les étudiants, pour lesquels les dispositifs de soutien seront « élargis », et les travailleurs les plus modestes au nombre des personnes à aider en priorité.

Concernant les hausses salariales, le chef de l'Etat s'est prononcé contre une indexation des salaires sur l'inflation, qui reviendrait selon lui à « entretenir la hausse des prix » et à créer « une boucle qui ne s'arrête plus », tout en invitant les entreprises à passer des accords salariaux.

« Les augmentations de salaires, ce n'est pas l'Etat qui les décide », a-t-il dit. « Nous ne sommes pas une économie administrée et donc moi, je suis pour qu'il y ait dans les entreprises une négociation sociale qui permette, quand les choses vont bien, que le cycle est bon, d'augmenter les salaires et de partager la valeur ». Emmanuel Macron a également annoncé l'organisation prochaine d'une « grande conférence sur le partage de la valeur ».

« Ouvert » à un report de l'âge légal du départ à la retraite à 64 ans, et non 65 ans

Sur la retraite, Emmanuel Macron s'est déclaré « ouvert » à un report de l'âge légal du départ à la retraite à 64 ans, et non 65 ans comme il s'y était engagé lors de la campagne présidentielle, en cas d'allongement de la durée de cotisation. Le président de la République a en revanche exclu un scénario à 63 ans.

Reprenant sa promesse de campagne, le chef de l'Etat a affirmé avoir reçu « le mandat de nos compatriotes » de « décaler l'âge légal de départ de 4 mois par an », aujourd'hui fixé à 62 ans et qui serait relevé « à partir de l'été 2023 » pour atteindre 65 ans « à horizon 2031 ». Une concertation sur la réforme des retraites a toutefois été ouverte par le gouvernement début octobre avec les syndicats et le patronat, et doit « finir pour la fin d'année », a-t-il rappelé. « Il y a une concertation, mais pas pour ne rien faire, donc si en plus des 64 ans on allonge les trimestres, moi je suis tout à fait ouvert mais il faut aussi que tout le monde s'engage », a-t-il insisté.

Actuellement il faut avoir cotisé 168 trimestres, soit 42 ans, pour toucher une retraite à taux plein (sans décote), cette durée devant passer progressivement à 43 ans d'ici 2035. « Le tout, c'est que notre modèle retombe sur ses pieds, si je puis dire, et que nous, actifs, on finance bien la retraite de nos retraités », a ajouté Emmanuel Macron. Pour autant, il s'est dit ouvert à un âge légal de départ un an plus tôt.

« Si certains (partenaires sociaux, NDLR) sont prêts à s'engager et à dire : nous, on ne veut pas aller jusqu'à 64 ans, mais en contrepartie, si vous faites ce geste, on est prêts à travailler un peu plus de trimestres - parce qu'il y a d'autres façons de faire, c'est pas que l'âge légal, c'est travailler un peu plus de trimestres -, moi je suis ouvert. Le tout, c'est que notre modèle retombe sur ses pieds, si je puis dire, et que nous, actifs, on finance bien la retraite de nos retraités », a déclaré le chef de l'État.

Après avoir présenté un graphique montrant que le nombre d'heures travaillées par les Français tout au long de leur vie est inférieur à celui de leurs voisins, Emmanuel Macron a assuré qu'aucun expert « sérieux » ne dit aujourd'hui que les retraites en France sont financées à moyen terme. Sans réforme des retraites, a-t-il justifié, « soit vous augmentez vos cotisations retraite pour les travailleurs, ce qui veut dire qu'en 2027, en moyenne par travailleur, il faudra payer 400 euros de plus par an de cotisations retraite - c'est du pouvoir d'achat en moins. », soit on baisse les pensions, ce qui est « insupportable pour nos retraités ».

49.3 : « Le gouvernement a eu raison »

A propos de l'utilisation du 49.3 pour faire passer le budget, Emmanuel Macron a déclaré que le gouvernement « a eu raison » d'actionner cet article constitutionnel car « il a évité plusieurs milliards de dépenses à perte peu utiles » venues des oppositions « qui étaient parfois dans la démagogie » .

« Le gouvernement a eu raison de faire voter ce budget y compris face à toutes les oppositions qui étaient parfois dans la démagogie. Il a évité plusieurs milliards de dépenses à perte peu utiles », a-t-il déclaré. Pour rappel, Élisabeth Borne a engagé la responsabilité de son gouvernement devant l'Assemblée nationale sur la première partie du Projet de loi de finances, ainsi que sur une partie du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Les motions de censure déposées en retour par la Nupes et le Rassemblement national n'ont pas été adoptées. Emmanuel Macron a dénoncé mercredi l'attitude des extrêmes à l'Assemblée nationale, pointant le « cynisme » et le « désordre » de la gauche réunie dans la Nupes.

« Ce qui me met en colère c'est le cynisme et c'est le désordre », a-t-il dit à propos de cet épisode, qui révèle les difficultés du camp présidentiel dans une Assemblée nationale où il ne dispose que d'une majorité relative.

« Ils ont surtout prouvé quoi ? Qu'ils étaient prêts - socialistes, écologistes, communistes et LFI [La France insoumise] - à se mettre main dans la main avec le Rassemblement national alors qu'il y a la guerre en Europe, qu'il y a la crise, qu'il y a le désarroi de tant de familles et qu'il nous faut être aux côtés des Français », a dénoncé le chef de l'Etat. « Ils ont montré une chose : ils ne sont pas du côté du mérite, de l'ordre, du travail, de la solution, de l'avancée. Ils sont du côté du désordre et du cynisme et je vous le dis : ça ne mènera à rien. Parce que ces gens-là ne sauront pas demain gouverner ensemble », a poursuivi Emmanuel Macron.

« Nous avons simplement vu que le roi était nu car ils se sont mutuellement aidés aux élections du printemps dernier ». Aux yeux du chef de l'Etat, « il n'y a pas ni aujourd'hui ni demain dans notre pays de majorité alternative car celle-ci repose sur l'incohérence, l'alliance des extrêmes.» Emmanuel Macron a en revanche tendu la main au groupe centriste Liberté Indépendants Outre-mer et Territoires (Liot) et aux Républicains, qui n'ont pas voté cette motion de censure.

« Garantir un prix raisonnable » de l'électricité aux collectivités locales et aux PME

Alors que les entreprises et les collectivités locales sont prises à la gorge par les coûts de l'énergie, l'exécutif va « garantir un prix raisonnable » de l'électricité aux collectivités locales et aux petites et moyennes entreprises, par des modalités qui seront dévoilées vendredi par le gouvernement, a annoncé Emmanuel Macron. En outre, « pour les entreprises de taille intermédiaire et les grands groupes, nous allons mettre en place un guichet d'aide avec, dès les prochaines semaines, des acomptes », a-t-il ajouté.

Le « bouclier tarifaire » instauré par l'Etat, qui limite la hausse des prix à 15% en 2023, vise à contenir les factures des ménages face à la flambée liée notamment à la guerre en Ukraine. Les très petites entreprises et les petites collectivités locales en bénéficient aussi. Pour les autres, « il va y avoir un double dispositif qui sera additionnel », avait expliqué plus tôt dans la journée Olivier Véran, lors du compte-rendu du Conseil des ministres. D'abord, « un amortisseur sur la hausse des prix », pour en « limiter l'impact », concernera « la plupart des entreprises de notre pays, l'ensemble des collectivités mais aussi les hôpitaux, les universités », a-t-il dit.

Déserts médicaux

Interrogé sur les mesures de lutte contre les déserts médicaux en France, Emmanuel Macron a indiqué que les médecins à la retraite doivent pouvoir toucher leur pension tout en poursuivant leur activité. Le président de la République a en effet estimé que les médecins arrivés à la retraite doivent pouvoir « garder tous les revenus qui sont les leurs (...) sans payer de cotisations retraite nouvelles ».