« L’investissement doit être la priorité des priorités » (NKM)

Par Propos recueillis par Jean-Christophe Chanut et Fabien Piliu  |   |  999  mots
"Il faut un choc de baisse des prélèvements obligatoires de 100 milliards sur les entreprises. Ce qui suppose d'assumer deux choses difficiles: d'abord on concentre les baisses sur les facteurs de production, pas sur les particuliers. Et par ailleurs, on accepte que le déficit se creuse transitoirement "
Dans un entretien accordé à la Tribune, Nathalie Kosciusko-Morizet, la présidente du groupe LR au conseil de Paris détaille son plan de réformes pour relancer l'économie tricolore, ce qui représente un choc de compétitivité de 100 milliards d'euros. Elle plaide pour des mesures immédiates et des réformes dites " à mèche lente " , notamment sur les retraites.

La Tribune- Vous proposez un choc de compétitivité de 100 milliards d'euros pour relancer l'économie française. Quelle est votre méthode ?

Nathalie Kosciusko-Morizet - Cette proposition part du constat suivant, fondé sur l'excellent travail de l'institut Rexecode : les entreprises françaises paient 120 milliards d'euros d'impôts, de taxes et de cotisations de plus que leurs concurrentes allemandes ! Elles ne luttent pas à armes égales.

Pour pouvoir créer des emplois, il est urgent de relever la compétitivité des entreprises et en particulier la compétitivité hors-prix, il faut donc donner la possibilité aux entreprises d'investir. Tous nos efforts doivent être fléchés vers ce seul et unique but : l'investissement productif. C'est en expliquant la cohérence de cet objectif aux Français, en donnant du sens, que nous pourrons mettre en place un vaste plan de modernisation de notre économie.

Concrètement ?

Ce différentiel entre la France et l'Allemagne pèse essentiellement sur les facteurs de production que sont le capital et le travail. C'est absurde. Il faut un choc de baisse des prélèvements obligatoires de 100 milliards sur les entreprises. Ce qui suppose d'assumer deux choses difficiles: d'abord on concentre les baisses sur les facteurs de production, pas sur les particuliers. Et par ailleurs, on accepte que le déficit se creuse transitoirement. Le choc sur les prélèvements obligatoires et les réformes structurelles qui l'accompagnent sont lancés dans le même mouvement, mais les secondes sont des "mèches lentes". Elles ne donnent pas leurs fruits dans le même calendrier. C'est ce que j'ai appelé "faire descendre les impôts par l'ascenseur, et les dépenses par l'escalier". Côté réformes structurelles, je pense avant tout au marché du travail et aux retraites. La France consacre 14% du PIB aux dépenses de retraite contre seulement 10% en Allemagne. Nous devons lancer le plus rapidement possible le processus remontant l'âge légal de la retraite à 65 ans. Mais je suggère aussi d'instituer à plus long terme un système de retraite par points. C'est un système plus juste et plus lisible, et par ailleurs mieux adapté à la diversité croissante des parcours dans le monde du travail.

A elles seules, ces deux mesures permettraient d'économiser une cinquantaine de milliards d'euros à terme.

Toujours pour relancer l'investissement productif, je souhaite une réforme de l'ISF avec retour du taux marginal à une fraction, - et non un multiple! - des taux d'intérêt, et déplafonnement de l'ISF PME. Avec une telle mesure, on fait une pierre deux coups. D'une part, on retire son caractère confiscatoire à l'ISF, d'autre part, on donne plus de moyens aux entreprises pour investir.

Il ne faut donc pas supprimer l'ISF ?

Dans un monde fiscal idéal, il n'y aurait pas d'ISF. Ceci dit, c'est tellement symbolique, que si on le supprime on risque de ne faire que cela. D'ailleurs beaucoup de ceux qui reparlent aujourd'hui de le supprimer ont été en position d'arbitrer par le passé, et ne l'ont pas fait. Je propose donc plutôt de le rendre inoffensif en terme d'exil fiscal, et d'utiliser son produit au service de l'investissement. Je milite dans la même logique pour un déplafonnement du dispositif Madelin qui permet aux ménages d'alléger leur facture fiscale en investissant dans les PME ainsi que pour une véritable exonération des biens professionnels de l'ISF.

Tout le monde dit vouloir redonner confiance aux entreprises. Quelles sont vos propositions ?

Plutôt que la réforme permanente, extrêmement déstabilisante pour les entreprises qui ont besoin de prévisibilité, nous avons besoin de quelques mesures immédiates. Par exemple en simplifiant et en généralisant davantage les possibilités de recours au CDD et en assouplissant les conditions d'exécution de ce contrat. S'agissant du CDI, il faudrait une bonne fois pour toutes préciser ce que sont les causes réelles et sérieuses d'un licenciement. Et bien entendu il faut donner la primauté à l'accord majoritaire en entreprise sur les règles de branche ou édictées uniformément au niveau national. Le pragmatisme plutôt que la doctrine!

Vous plaidez pour un choc de compétitivité mais le gouvernement actuel mène une véritable politique de l'offre. Que vous inspirent par exemple le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), les allègements de cotisations patronales intégrées au Pacte de responsabilité ?

Certaines de ces mesures vont dans le bon sens mais elles ne s'intègrent pas dans une politique cohérente de relance de l'investissement qui est, selon moi, la mère de toutes les batailles. Résultat, le gouvernement peut prendre toutes les décisions possibles, il reste inaudible.

Et s'agissant des mesures à plus long terme ?

Il faut anticiper l'évolution du salariat. Un mouvement profond de mutation est en court, avec le développement, à côté du pilier qu'est le salariat, d'un nouveau pilier fait d'indépendance. Tout y concourt. Parfois ce sont les salariés qui veulent plus de liberté, moins de subordination. Parfois ce sont les employeurs qui veulent moins de contraintes et d'engagement. Le passage d'une économie de produits à une économie d'usage joue un grand rôle dans cette transformation. Les nouvelles technologies permettent de répondre à ces différentes aspirations mais en même temps elles viennent percuter l'économie classique. On le voit, par exemple, à travers le conflit qui oppose les taxis et Uber. Il ne sert à rien de lutter contre cette mutation et l'arrivée de cette nouvelle économie. Au contraire, il faut accompagner et structurer. Il n'est pas question de laisser ces nouveaux indépendants sans protection sociale. Ceci pourrait se faire via une réforme du RSI et en développant la portabilité des droits. Il n'est pas question non plus que ces nouvelle entreprises numériques ne participent pas au financement de la protection sociale. Il faut donc poser de nouvelles règles du jeu.