Le Livret A bat des records en avril sous l'effet du confinement

Par Carole Guirado, AFP  |   |  671  mots
(Crédits : Charles Platiau)
Le Livret A, placement très populaire en France, a connu au mois d'avril un niveau record de collecte, avec près de 5,5 milliards d'euros moissonnés, conséquence de la chute de la consommation provoquée par les mesures de confinement.

En avril, la collecte nette sur le Livret A a atteint 5,47 milliards d'euros contre 2,71 milliards en mars. Un an plus tôt, elle s'élevait à un peu moins de deux milliards, selon des chiffres publiés mercredi par la Caisse des dépôts.

La collecte sur le Livret de développement durable et solidaire (LDDS), qui contribue au financement de l'économie sociale et solidaire, a également atteint un niveau mensuel historique à 1,93 milliard d'euros. Au total, la collecte nette sur le Livret A et le LDDS réunis, placements tous les deux défiscalisés, s'est élevée à 7,39 milliards d'euros en avril. En cumulé sur les quatre premiers mois de l'année depuis janvier, elle a atteint plus de 17 milliards d'euros.

Fin avril, l'encours total d'épargne placée sur les deux produits atteignait 428,2 milliards d'euros.

"Niveau jamais atteint"

C'est "un niveau jamais atteint depuis la précédente crise (...) trois fois plus qu'au mois d'avril 2019", a affirmé mercredi matin Éric Lombard, directeur général de la Caisse des dépôts, lors d'une audition devant des commissions sénatoriales.

Cet embellie n'est pas le résultat d'une rémunération attractive : le taux de rémunération du Livret A et du LDDS a été abaissé en février de 0,75% à 0,5%, soit son plus bas niveau historique.

"Les Français ont épargné parce qu'ils ne pouvaient pas dépenser et cette absence de dépenses naturellement pèse sur l'économie", a estimé M. Lombard.

En France, les mesures sanitaires mises en place pour lutter contre le Covid-19 ont entraîné la fermeture pendant plusieurs semaines des commerces non-essentiels.

À cette épargne forcée s'est ajoutée une autre épargne, volontaire celle-ci, placée en réserve par certains ménages inquiets.

"Aujourd'hui, nous estimons l'épargne des Français à 40% de leurs revenus", a souligné mercredi M. Lombard, ajoutant "que le plus tôt elle [ressortirait] (...) pour financer la consommation et l'investissement, le mieux ce [serait]".

"Mais dans l'intervalle, cette épargne ne dort pas, elle est pleinement utilisée pour le soutien de notre économie: l'activité de financement du logement social se poursuit, l'activité de financement des collectivités locales a augmenté de façon importante et, de plus en plus, nous allons l'utiliser", a détaillé le numéro un de la Caisse des dépôts.

Utilisation "élargie" des fonds

"Nous sommes très favorables à l'idée (...) que l'utilisation de ces fonds puisse être élargie pour être plus utile et plus efficace en cette période de sortie de crise", a-t-il défendu devant les sénateurs.

Le directeur de la Caisse des dépôts rejoint ainsi les propos tenus à la mi-avril par le ministre de l'Économie Bruno Le Maire, qui souhaitait de l'investissement et non de l'épargne pour relancer l'économie.

"Le mois d'avril restera dans les annales de l'épargne française. (...) Malgré leur faible rendement, le Livret A et le LDDS sont les grands gagnants de cette période très particulière d'épargne subie", a réagi dans une note Philippe Crevel, directeur du Cercle de l'épargne, cabinet de réflexion sur l'épargne et sa réglementation.

De façon plus générale, "l'augmentation de l'épargne de précaution a été constatée lors de chaque crise depuis 1973", relève cet analyste.

"La collecte du mois d'avril 2020 est une collecte d'attente, mais aussi de précaution. Dans un contexte plus qu'incertain, les ménages ont décidé de renforcer leur épargne liquide afin de faire face à d'éventuelles problèmes de court terme. Parmi les sujets d'inquiétudes figurent évidemment la santé mais aussi le risque de perte d'emploi ou de revenus", explique-t-il.

Selon lui, "au regard des précédentes crises, le dégonflement de l'épargne de précaution sera progressif et risque de ne pas être totale d'autant plus que le retour à la normale s'annonce long. Les craintes d'une longue crise économique incitent les ménages à maintenir un fort volant de liquidités".