Le revenu universel peut-il régler les problèmes de pauvreté  ?

Par Mathias Thépot  |   |  750  mots
Benoît Hamon propose un revenu universel. De quoi éradiquer l'extrême pauvreté en France ?
L'instauration d'un revenu universel aurait, selon ses plus fervents promoteurs, de multiples vertus, notamment de lutter efficacement contre la pauvreté. Mais en prend-on le chemin ?

Le « revenu universel » ou « revenu de base » alimente beaucoup de discussions. Il est vrai qu'en cette période où les solutions de sortie de crise sont peu nombreuses, l'idée d'attribuer une somme à tous, chaque mois, et pour toute la vie, fait du chemin. L'instauration du revenu universel fait notamment débat à la primaire de gauche, dont le premier tour se déroulera ce dimanche 22 janvier. Il crée des conflits sur sa faisabilité financière qui sont, du reste, inhérents à chaque reforme budgétaire de grande ampleur. Mais des interrogations demeurent aussi sur la capacité du revenu de base à remplir l'une de ses principales missions : être une solution efficace pour lutter contre la pauvreté.

Et au regard de la forme qu'il prend dans certains programmes, il est permis de questionner cette finalité. Principal promoteur du revenu universel, le candidat Benoît Hamon propose de le mettre en oeuvre en plusieurs étapes. Son revenu universel coûterait entre 300 milliards et 450 milliards d'euros et atteindrait in fine 750 euros par mois, après 530 euros dans un premier temps. Mais le financer, Benoît Hamon propose entre autres d'opérer des « fusions ciblées » de minima sociaux, et une baisse importante des aides au logement et des prestations familiales. Très éloigné de l'idée du revenu de base pour tous, Manuel Valls propose pour sa part un « revenu décent » de 800 euros - dont le coût pour les finances publiques serait de 8 milliards d'euros - mais qui naîtrait aussi de « la fusion de la dizaine de minima sociaux qui existent ». Il s'adresserait aux adultes de plus de 18 ans sous conditions de ressources.

Les plus pauvres pourraient y perdre...

Si les propositions des deux candidats à la primaire de gauche n'ont absolument rien à voir, elles ont toutefois en commun de remettre en cause, implicitement ou non, certains minima sociaux. Or dans une optique de lutte contre l'extrême pauvreté, la fusion d'aides et la remise en question d'acquis sociaux pourraient poser problème. En effet, il ne faudrait pas que le revenu de base vienne se substituer aux prestations assurantielles (chômage, retraite, santé), piliers du modèle social français, ainsi qu'aux aides au logement, par exemple, qui viennent normalement s'ajouter au RSA (524 euros pour une personne seule). Car dès lors, si on limite toutes les aides cumulées à des montants allant entre 500 et 800 euros, beaucoup y perdrait...

Autrement dit, pour sortir les ménages aux revenus modestes de la pauvreté, « un revenu de base ne suffira pas s'il ne vient pas en complément des besoins primaires : l'accès à la sécurité sociale, au logement, à la santé, à l'alimentation, à l'école et à l'éducation », estime Jean-Baptiste Eyraud porte-parole de l'association droit au logement (DAL), qui lutte contre le mal-logement. Le délégué général de la fondation Abbé Pierre Christophe Robert, va même plus loin : « Avec l'idée du revenu universel, il y a une dérive dont il faut se méfier : celle de faire profiter d'un revenu à chacun sans être dans une logique de protection des plus fragiles ». En effet, selon Christophe Robert, « le risque est de créer un système global avec moins d'argent par personne et par ménage ». Et donc de pénaliser in fine les plus pauvres.

Moins de stigmatisation des plus démunis

Mais malgré tout, le revenu de base peut avoir quelques vertus pour lutter contre l'extrême pauvreté. D'abord, il pourrait permettre de réduire la stigmatisation des plus démunis car, bénéficiant à tous, il serait moins un marqueur de pauvreté comme l'est aujourd'hui le RSA. Ensuite, et c'est là son plus grand intérêt, il permettrait de lutter contre le niveau dramatique du taux de « non-recours » aux aides sociales (un tiers des potentiels bénéficiaires du « RSA socle » ne le demandent pas). Le « non-recours » a pour conséquences concrètes que des centaines de milliers de personnes éligibles à des prestations n'en bénéficient pas.

Enfin, comme le souligne Christophe Robert, un revenu de base permettrait aux jeunes de 18 à 25 ans de bénéficier d'un minima social, une classe de la population délaissée par les systèmes d'aides. « Beaucoup de jeunes sont dans la rue, souvent parce qu'ils sont en situation de rupture familiale », constate Christophe Robert. Un argument de plus pour l'instauration d'un revenu universel. Mais si un changement de majorité s'opérait au printemps 2017, tous ces débats seraient de toute façon rangés aux oubliettes.