Loi Travail : la CGT dans un bras de fer jusqu'au-boutiste

Par latribune.fr  |   |  1127  mots
Blocage de raffineries et de ports, huitième journée nationale d'action, tentative de "généraliser la grève" : les partisans d'un retrait de la loi travail promettent de durcir encore leur mouvement la semaine prochaine. La CGT veut "multiplier les grèves" dans les entreprises pour faire plier le gouvernement. Six Français sur dix veulent l'arrêt des manifestations.

Près de six Français sur dix veulent que cessent les manifestations contre le projet de loi Travail, selon un sondage BVA pour Orange et iTELE publié dimanche. Quelque 58% des personnes interrogées souhaitent que les manifestations "s'arrêtent", tandis que 41% plaident pour leur poursuite.

Si les sympathisants de droite sont presque unanimement opposés aux manifestations (79%), le sondage révèle une fracture à gauche entre les sympathisants du PS, qui sont 68% à réclamer l'arrêt des cortèges, et les sympathisants écologistes et de la gauche de la gauche, qui sont respectivement 59% et 85% à réclamer une poursuite du mouvement. Au Front national, les avis sont aussi très partagés: 49% sont pour la poursuite, 50% pour l'arrêt.

Par ailleurs, près de neuf Français sur dix (86%) se disent "inquiets" des violences contre les policiers en marge des manifestations. Ils sont même 90% à demander que les personnes perturbant les manifestations par des actes de vandalisme soient "plus durement condamnées". Les avis ne sont toutefois pas unanimes à gauche. Un tiers des écologistes (35%) et sympathisants de la gauche de la gauche (30%) ne souhaitent pas de condamnations plus sévères.

Une huitième journée nationale jeudi

Pour autant, les opposants au projet de loi comptent bien continuer de battre le pavé jeudi, lors d'une huitième journée nationale de grèves et de manifestations à l'appel de l'intersyndicale (CGT, FO, Solidaires, FSU, Unef, Fidl, UNL). Une neuvième journée est déjà programmée le 14 juin, avec ce jour-là, un rassemblement uniquement à Paris.

Alors que le mouvement semblait s'essouffler depuis le 31 mars (entre 390.000 et 1,2 millions de manifestants), il a repris de l'ampleur jeudi, avec entre 128.000 et 400.000 manifestants.

Mais l'enjeu, pour les syndicats, est désormais de propager la mobilisation de la rue aux entreprises, en multipliant les arrêts de travail. Le leader cégétiste Philippe Martinez a appelé mardi à "généraliser les grèves". Jeudi, l'objectif sera de "s'appuyer sur les secteurs en grève reconductible - raffineries, cheminots - pour faire la jonction avec ceux qui vont entrer dans le mouvement", expliquait vendredi Fabrice Angéi, membre de la direction de la CGT.

Le blocage des raffineries continue

C'est désormais l'épicentre de la contestation. Quatre des huit raffineries de pétrole implantées dans l'Hexagone, qui représentent près de 50% de la capacité de raffinage française, sont affectées par la grève : certaines unités de Gonfreville-l'Orcher (Seine-Maritime), Donges (Loire-Atlantique) et Feyzin (Lyon) sont à l'arrêt, tandis que Grandpuits (Seine-et-Marne) tourne au ralenti.

Tout le weekend, par crainte de pénurie, les automobilistes ont pris d'assaut les pompes à essence du nord-ouest. Résultat : 1.500 stations en rupture partielle ou totale, sur 12.000 en France, selon les chiffres du secrétaire d'Etat aux Transports Alain Vidalies. Plusieurs départements ont pris des arrêtés limitant la distribution de carburant.

"Nous sommes très déterminés à ce qu'il n'y ait aucune pénurie en France", a prévenu dimanche Manuel Valls. "Nous maîtrisons pleinement la situation", a-t-il assuré, "je pense qu'un certain nombre de raffineries ou de dépôts qui étaient bloqués sont débloqués ou vont l'être dans les heures ou dans les jours qui viennent."

Vendredi et dimanche, les forces de l'ordre ont débloqué plusieurs importants dépôts de carburants, permettant de réalimenter certaines stations, mais en courant le risque de mettre de l'huile sur le feu.

"Hollande et Valls utilisent les mêmes méthodes que M. Sarkozy en 2010. Face à la lutte des salariés, ils envoient les forces de l'ordre pour casser les grèves", a dénoncé samedi Philippe Martinez, promettant "une réaction à la hauteur de ce que le gouvernement fait". "Des discussions et des assemblées générales sont engagées pour amplifier le mouvement" dans le secteur, a-t-il prévenu.

"Nous avons appelé depuis quelque temps les salariés dans les entreprises et administrations à se réunir, à faire le point sur la loi, et c'est à eux de décider s'ils rentrent dans un conflit, éventuellement sur plusieurs jours, ou pas", a déclaré Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière sur iTélé. Dans les raffineries, "c'est eux qui ont la décision et je soutiendrai leur préconisation. S'ils décident de poursuivre le mouvement, on soutiendra le mouvement".

"Ce n'est pas une confédération qui décide, je n'ai pas un bouton sur mon bureau 'grève générale' et puis ça part. D'ailleurs tant mieux. Ça se passe sectoriellement et dans les entreprises, il n'y a que là que les salariés peuvent décider s'ils lancent un mouvement ou pas. Si un mouvement est lancé, nous, on peut dire 'continuez', etc. Mais c'est eux qui décident, on ne peut pas décider à leur place. C'est normal, c'est la démocratie. Il y a quatre raffineries (bloquées) actuellement, sur huit. Vous savez, c'est comme les casseurs, les violences... Le meilleur moyen si on veut arrêter tout ça, c'est que le gouvernement révise sa position, qu'il retire sa loi ou qu'il la bouge plus que sensiblement. C'est quand même ça l'origine des problèmes, ce n'est pas autre chose."

Nouvelles actions dans les ports

La CGT appelle les dockers à suivre les appels à la grève des 26 mai et 14 juin. "L'activité sera à zéro dans la plupart des ports", a prévenu Tony Hautbois, secrétaire général de la fédération des ports et docks, interrogé par l'AFP. En dehors des deux journées nationales, "on appelle nos camarades à être solidaires des initiatives territoriales", après les actions dans les ports de Nantes-Saint-Nazaire, du Havre ou encore de Lorient la semaine dernière.

A Nantes-Saint-Nazaire, quatrième port français, le personnel a reconduit jusqu'à lundi sa grève, qui empêche tout mouvement de bateau. Une nouvelle assemblée générale se tiendra à 08H00 pour décider des suites du mouvement.

Incendie éteint chez les routiers ?

Le gouvernement espère avoir désamorcé le mouvement des routiers, en leur promettant que le projet de loi n'aura pas d'effet sur leurs heures supplémentaires, qui ne pourront donc pas être majorées de moins de 25%. Un "très bonne nouvelle" saluée par la CGT et FO, qui ont toutefois appelé à poursuivre les opérations escargots, blocages de zones logistiques et autres barrages filtrants. Mais pas sûr que l'appel soit entendu, selon une source syndicale: "On appelle à poursuivre jusqu'au retrait du projet de loi, mais on sait que la réaction des salariés ne sera pas tout à fait la même. Les heures supplémentaires, c'est vraiment ce qui crispait la base."