Macron confie Bercy à un tandem de droite

Par Fabien Piliu  |   |  871  mots
Bruno le Maire (LR) devient ministre de l'Economie. A Bercy, il sera accompagné de Gérald Darmanin, également (LR) qui devient ministre de l'Action et des Comptes publics.
Bruno Le Maire, l'ancien ministre de l'Agriculture de Nicolas Sarkozy, se voit confier le ministère de l'Economie. Gérald Darmanin (LR) devient ministre de l'Action et des Comptes publics. Leur point commun: ils n'ont jamais travaillé en entreprise. Leur mission commune: transformer l'économie française.

La société civile ne mettra pas les pieds à Bercy. Alors que les noms de Thierry Breton ou encore d'Anne-Marie Idrac circulaient ces derniers jours, c'est un duo de personnalités de droite qui a été placé à la tête de Bercy.

Bruno Le Maire, l'ancien ministre de l'Agriculture de Nicolas Sarkozy, se voit confier le ministère de l'Economie. Il avait déjà postulé à ce poste en 2011 pour remplacer Christine Lagarde, avant de se voir doubler par François Baroin. Enarque, il n'a jamais travaillé en entreprise. Avec Edouard Philippe, il constitue l'une des plus grosses prises d'Emmanuel Macron dans le camp Les Républicains. Il avait recueilli 2,4% des voix lors de la primaire de la droite et du centre en novembre.

Gérald Darmanin (LR) devient ministre de l'Action et des Comptes publics. Comme Bruno Le Maire, il a également fait toute sa carrière en politique. Maire de Tourcoing, vice-président de la région Hauts-de-France, il a été député LR du Nord de juin 2012 à janvier 2016. Lui non plus n'a pas de connaissance précise du secteur privé. Concrètement, il pilotera le budget, la Sécurité sociale, la fonction publique et la réforme de l'Etat.

Avec cette double nomination, qui intervient après celle d'Edouard Philippe à Matignon, Emmanuel Macron entend poursuivre son entreprise de destruction de la droite républicaine. Et tant pis si certaines contradictions apparaissent. Dans son programme présenté lors de la primaire de la droite et du centre, Bruno Le Maire entendait abaisser la CSG une fois au pouvoir. Avec son compère aux Finances, il devra orchestrer son augmentation. Les convictions d'hier ne sont pas toujours celles d'aujourd'hui.

Un environnement favorable

Pour la nouvelle équipe de Bercy, à condition que ces deux nouveaux ministres conservent leur poste une fois les élections législatives passées, les objectifs seront élevés : permettre à la France de sortir de la croissance molle tout en transformant l'économie française.

Certes, en 2017, elle devrait bénéficier d'un élan favorable. Le premier semestre devrait être plutôt dynamique et rien ne permet d'envisager une chute de l'activité au cours de la seconde partie de l'année. Certes, les prix des matières premières et notamment du brut sont repartis à la hausse depuis un an, mais l'environnement conjoncturel est encore favorable, porté par la politique toujours expansionniste de la Banque centrale européenne (BCE), la relative faiblesse de l'euro face au dollar et le redémarrage surprise du commerce mondial. Mais rien n'indique que cette situation perdurera tout au long du quinquennat.

De nombreuses réformes à mener

C'est la raison pour laquelle, tout en ayant un œil vissé sur les indicateurs qui jaugent l'état des finances publiques - le candidat Macron a fait du respect des règles communautaires en matière de déficit et de dette publics l'une de ses priorités - ce tandem devra lancer des réformes capables de projeter enfin le tissu productif tricolore vers le XXIème siècle, ce qui doit se traduire, concrètement, par une accélération du développement des entreprises.

Beaucoup de leurs prédécesseurs, parmi lesquels Emmanuel Macron, ont essayé. Aucun n'a véritablement réussi.

Pourtant, nombreuses ont été les initiatives qui ont été lancées ces dernières années pour aider les entreprises à grandir. Citons le dispositif Gazelle, l'ISF PME, les pôles de compétitivité, le crédit impôt recherche - simplifié et triplé en 2007- la réduction des délais de paiement, le Programme d'investissement d'avenir, le(s) choc(s) de simplification, le small business act à la française, le crédit d'impôt innovation, BPI France et, plus récemment, le Pacte de compétitivité avec le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) pour mesure phare, le Pacte de responsabilité et ses allègements de charges ou encore le programme pour l'industrie du futur.

Le sens politique

Mal coordonnés, supprimés parfois, souvent transformés, ces dispositifs n'ont pas eu les résultats escomptés, en témoignent le nombre de demandeurs d'emplois inscrits à Pôle emploi - environ 6 millions de personnes - et le niveau du déficit commercial, dans le rouge depuis 2003.

Si les nouveaux maîtres de Bercy veulent réussir leur mission, il leur faudra donc réinventer la politique économique publique. Comment ? En ayant une vision interministérielle des dossiers et projets. En effet, comment tirer parti des opportunités économiques et sociales de la croissance verte si Bruno Le Maire et Nicolas Hulot ne collaborent pas étroitement ensemble ? Comment résoudre le chômage de masse et réformer la formation professionnelle si Gérald Darmanin ne coopère pas avec Muriel Pénicaud, la nouvelle ministre du Travail ? Ces questions se posent avec d'autant plus d'acuité que l'industrie est noyée dans le ministère de l'Economie, une fois n'est pas coutume. A priori, c'est donc en grande partie au niveau interministériel que devraient se traiter les dossiers chauds comme Whirlpool, GM&S, Tati...

A défaut d'avoir une connaissance parfaite du monde de l'entreprise, le nouveau duo de Bercy devrait faire valoir son sens politique.