Pour la Cour des comptes, l'Etat doit mieux maîtriser le recours aux cabinets privés

Par latribune.fr  |   |  634  mots
Pour les magistrats financiers, « l'externalisation d'une partie des tâches » de l'administration doit retrouver « une place plus ajustée et mieux maîtrisée parmi les différents instruments des administrations pour conduire leurs missions ». (Crédits : CHRISTIAN HARTMANN)
La Cour des comptes appelle l'Etat à clarifier les règles encadrant le recours aux cabinets de conseil privés ce lundi. Une pratique qui doit être « mieux maîtrisée », malgré de récents progrès de l'administration.

Peut mieux faire. Plus d'un an après le rapport du Sénat, qui avait qualifié de « phénomène tentaculaire » les missions confiées par l'Etat aux cabinets privés, la Cour des comptes s'inquiète de certains usages « inappropriés ». L'institution de la rue Cambon accuse notamment l'Etat de laisser certains prestataires privés remplir des missions relevant du « cœur de métier de l'administration », voire même d'« intervenir dans le processus de décision ».

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Des pratiques dénoncées dès mars 2022 par la sénatrice communiste Eliane Assassi et son collègue Les Républicains, Arnaud Bazin. Leur rapport, sorti à quelques semaines de l'élection présidentielle, avait embarrassé les équipes d'Emmanuel Macron, épinglé pour sa proximité alléguée avec de grands noms du conseil comme le cabinet américain McKinsey.

Une « solution de facilité »

De quoi pousser les citoyens français, consultés au printemps 2022 par la Cour des comptes, à demander à l'institution d'enquêter sur les pratiques de l'administration en matière d'achat de conseil. Dans le rapport publié lundi, elle estime que le recours aux consultants privés a eu tendance à devenir une « solution de facilité » pour une administration aux moyens et aux délais contraints.

Pour les magistrats financiers, « l'externalisation d'une partie des tâches » de l'administration doit retrouver « une place plus ajustée et mieux maîtrisée parmi les différents instruments des administrations pour conduire leurs missions ».

En 2021, les prestations commandées par l'Etat aux consultants ont coûté 233,6 millions d'euros, soit 0,04% des dépenses de l'Etat. En incluant les prestations commandées aux cabinets dans le domaine informatique, la facture grimpe à 890 millions, un total très proche des 893,9 millions recensés dans le rapport du Sénat. La Cour des comptes le concède : les dépenses sont retombées à 200,2 millions en 2022, année durant laquelle le gouvernement a défini par circulaire « une 'nouvelle politique de recours aux prestations intellectuelles', qui introduit, pour l'avenir, de sensibles améliorations ».

Faire appel « à chaque fois que c'est possible aux agents »

Mais la circulaire a été diffusée « sous la pression de l'actualité » et doit impérativement être « complétée ». L'Etat s'est aussi doté d'objectifs chiffrés de réduction de ses dépenses de conseil : -15% en 2022, et -35% en 2023 par rapport à 2021.

Ces cibles donnent un « signal utile », mais « ne sauraient se substituer à des mesures ciblées, décidées après une analyse préalable et documentée des déterminants de la décision d'externaliser certaines prestations », estime la Cour. En plus de clarifier sa doctrine de recours aux consultants, l'Etat doit poursuivre ses efforts de réinternalisation des compétences de conseil et faire appel « chaque fois que c'est possible » à ses agents, recommande-t-elle encore.

Un projet de loi en attente à l'Assemblée nationale

Très largement adoptée au Sénat en octobre 2022, une proposition de loi visant à encadrer davantage le recours aux consultants privés attend toujours d'être examinée à l'Assemblée nationale. Deux députés, issus des groupes communiste et Renaissance, doivent présenter ce mercredi les conclusions d'une mission d'information sur le champ d'application de la proposition de loi.

Lors des débats au Sénat, le ministre de la Fonction publique Stanislas Guerini avait en effet suggéré d'étendre le périmètre du texte aux collectivités locales de plus de 100.000 habitants. Interrogé par l'AFP, un parlementaire de l'opposition voit dans ces débats sur le champ d'application de la proposition de loi une manoeuvre dilatoire du gouvernement. Quant aux cabinets eux-mêmes, leur syndicat Syntec Conseil juge le texte « déconnecté de la réalité » et certaines dispositions inconstitutionnelles.

(Avec AFP)