Réforme des retraites : "il ne serait pas difficile d'enclencher une mobilisation" (CFDT)

Par latribune.fr  |   |  1097  mots
Jean-Paul Delevoy remettra son rapport sur la réforme des retraites le 18 juillet (Crédits : Benoit Tessier)
Après 18 mois de préparation, le haut-commissaire à la réforme des retraites présentera enfin, le 18 juillet, son rapport censé servir de base au projet de loi. Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, assure qu'il ne "serait pas difficile d'enclencher une mobilisation" sur ce sujet.

Après 18 mois de concertation avec les dix organisations syndicales et patronales qui y ont participé" (CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC, Unsa, Medef, CPME, U2P et FNSEA), Jean-Paul Delevoy, le haut-commissaire à la réforme des retraites présentera enfin  le 18 juillet ses "recommandations" pour la mise en place du "système universel" promis par Emmanuel Macron. De nombreux points restent à trancher, mais certains grands principes ont déjà été actés, comme celui d'un système universel à points, d'un "âge d'équilibre" ou d'une décote. Les retraités actuels ne sont pas concernés par cette réforme, de même que les actifs à moins de 5 ans de la retraite au moment de l'adoption de la loi.

Une régime universel

Les 42 régimes de retraites actuels, où les pensions sont calculées en fonction du nombre de trimestres cotisés, seront remplacés par un "système universel" où chacun accumulera des points tout au long de sa carrière et où "un euro cotisé donnera les mêmes droits à tous". La règle des 25 meilleures années pour les salariés du privé et des 6 derniers mois pour les fonctionnaires disparaît.

Dans ce futur système "public et par répartition", tout le monde cotisera au pot commun jusqu'à 10.000 euros brut de revenus mensuels, primes des fonctionnaires comprises. Les très hauts revenus auront matière à protester: au-delà de 10.000 euros brut par mois, ils devront s'acquitter d'une "cotisation déplafonnée non créatrice de droits". Un coup de canif au projet "universel" du chef de l'Etat

 L'âge légal de départ maintenu à 62 ans

Promesse du candidat Macron, l'âge légal de départ sera maintenu à 62 ans. Mais il y aura aussi un "âge d'équilibre" et des "incitations à travailler davantage".

Il s'agit de remplacer le mécanisme actuel de décote/surcote en fonction du nombre de trimestres cotisés, qui sert de référence pour calculer la retraite "à taux plein". Une notion qui disparaît dans un régime à points, où l'on ne compte plus la durée de cotisation.

Selon Jean-Paul Delevoye, "l'âge d'équilibre qui consolide le système, c'est 64 ans". Un bonus-malus pourrait ainsi voir le jour autour de cette nouvelle borne d'âge: les futurs retraités verraient leur pension amputée en cas de départ avant 64 ans, et majorée dans le cas contraire.

Pensions de reversion

Il y aura toujours des pensions de réversion qui "garantiront le niveau de vie des veuves et des veufs après le décès du conjoint". Mais le haut-commissaire privilégie la piste d'un "solde de tout compte" en cas de divorce pour répartir les droits entre les anciennes épouses d'un retraité après son décès.

Autre nouveauté, les pensions seront majorées "dès le premier enfant" et non plus à partir du troisième, via "une bonification proportionnelle", c'est-à-dire un pourcentage plutôt qu'un nombre de points forfaitaire par enfant.

Fin des régimes spéciaux en théorie

 Le "système universel" doit en théorie entraîner la "fin des régimes spéciaux", mais des traitements de faveur subsisteront: "A métier identique, retraite identique", résume Jean-Paul  Delevoye.

Parmi les fonctionnaires des "catégories actives", les métiers "régaliens" (policiers, douaniers, pompiers, surveillants pénitentiaires) garderont leurs "spécificités de départ anticipé" à 57, voire 52 ans. En revanche, les aides-soignantes des hôpitaux publics devront se plier aux mêmes règles que leurs consœurs du privé, avec l'accès au "compte pénibilité" pour partir au mieux à 60 ans.

Par ailleurs, les indépendants, qui cotisent moins que les salariés, bénéficieront d'un "régime adapté" pour leur éviter un alignement brutal.

 Mais pour "bénéficier à 100% des outils de solidarité" comme le minimum de pension, les agriculteurs, artisans et autres libéraux devront tout de même accepter les mêmes prélèvements jusqu'à environ 40.000 euros brut de revenus annuels.

Alliance CFDT-CGT-FO?

Bercy pousse pour mettre en oeuvre le système de bonus-malus au-delà de l'âge légal dès l'an prochain, pour boucler un budget plombé par les coûteuses concessions aux "gilets jaunes". A défaut, un allongement plus rapide que prévu de la durée de cotisation est évoqué: elle passerait à 43 ans dès 2025, au lieu de l'échéance actuelle fixée à 2035. Mais avec de telles "mesures d'âge" à court terme, "la réforme est morte", a mis en garde le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, à deux doigts de "se battre" aux côtés de la CGT et FO.

Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, assure qu'il ne "serait pas difficile d'enclencher une mobilisation" sur la réforme des retraites , prévenant que son organisation refusera toute discussion avec l'exécutif s'il envisage d'augmenter la durée de cotisation "dès 2020".

"Le regroupement des différents régimes de retraite dans un système universel doit s'appliquer à partir de 2025", estime Laurent Berger dans une interview parue dans Dimanche Ouest-France.

Dans les rangs de la majorité, où beaucoup jugent urgent d'attendre au moins jusqu'aux élections municipales de mars 2020, certains prédisent déjà que "la réforme des retraites ne sera pas pour ce quinquennat".

 "S'il s'agit de rendre le fonctionnement plus juste et plus lisible, la CFDT participera à la concertation. Mais si l'annonce est doublée d'une mesure applicable dès 2020, par exemple l'augmentation de la durée de cotisation, la discussion sera terminée pour la CFDT", prévient Laurent Berger.

"Aujourd'hui, on va vers l'équilibre du système. Il n'y a aucune raison de travailler davantage", argumente le dirigeant. Mais "si le gouvernement le décidait, ce serait pour faire payer aux travailleurs autre chose que les retraites: renflouer les caisses de l'État ou financer les baisses d'impôts. Ce serait injuste".

"Il ne serait pas difficile d'enclencher une mobilisation sur ce sujet", prévient-il, "néanmoins, en démocratie, on ne peut pas mesurer la pertinence d'une politique à l'ampleur de la contestation".

Il donne l'exemple de la réforme "injuste" de l'assurance chômage, avec laquelle 1,2 million de chômeurs pourraient voir leurs allocations réduites, selon des analyses de l'Unédic. "Pourtant, elle ne semble pas agiter les foules. Parce qu'il y a un vieux fond dans notre pays qui consiste à penser: quand on est au chômage, c'est qu'on l'a un peu cherché. Ce qui est une vision très dangereuse".