Retraites  : jour de vérité pour le gouvernement

Par latribune.fr  |   |  1030  mots
A paris, la place de la Concorde est désormais interdite aux manifestants. (Crédits : Pascal Rossignol / Reuters)
Les opposants à la réforme des retraites ont mis à profit le week-end pour exprimer leur colère, dans des rassemblements en régions et à Paris, où la Concorde est désormais interdite aux manifestants. C'est dans ce contexte explosif que les députés vont se prononcer sur des motions de censure qui peuvent faire tomber le gouvernement et enterrer la réforme. Pour les opposants parlementaires, les recours devant le Conseil constitutionnel et le référendum d'initiative partagée resteront les dernières armes institutionnelles si le gouvernement n'est pas renversé.

[Article publié le lundi 20 mars 2023 à 07h17 et mis à jour à 16h55]

Premier jour du printemps, aujourd'hui. Il s'annonce bouillant à l'Assemblée nationale qui doit se prononcer ce lundi, à partir 16 heures, sur deux motions de censure. Les bancs des députés, comme du gouvernement, sont fournis pour cette séance ultime. La réforme sera définitivement adoptée en cas de rejet de ces motions du groupe indépendant Liot et du groupe RN.

Le député Charles de Courson (groupe Liot) a appelé à la tribune au vote d'une motion de censure transpartisane pour s'opposer à un « déni de démocratie » et des « injustices », et rejeter ainsi la réforme des retraites. Les députés du Rassemblement national ont dénoncé le « marasme » et « l'enlisement » de l'exécutif sur la réforme des retraites. « Alors chiche, Monsieur Macron ! Allons à la dissolution », a réclamé la députée d'extrême droite Laure Lavalette.

Les chances que les motions de censure soient votées par la majorité des députés, condition indispensable pour faire tomber le gouvernement et rejeter la réforme des retraites étant très faibles, c'est la mobilisation et les mouvements de grève qui inquiètent aujourd'hui l'exécutif.

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Suffisamment, en tous cas, pour qu'Emmanuel Macron sorte de son silence hier soir en émettant le souhaite que la réforme des retraites « puisse aller au bout de son cheminement démocratique dans le respect de tous ». Il a aussi appelé Gérard Larcher, président du Sénat, et Yaël Braun-Pivet, présidente de l'Assemblée nationale, « pour réaffirmer son soutien au Parlement et à l'ensemble de ses parlementaires, tout comme la mobilisation du gouvernement pour que tout soit mis en œuvre pour les protéger ». Emmanuel Macron pourrait s'adresser aux Français dans les prochains jours.

Des cortèges qui ont compté des milliers de personnes ce weekend

Avec une popularité qui s'est écroulée en mars, à 28%, au plus bas depuis la crise des « gilets jaunes » selon le baromètre du Journal du Dimanche, il risque de lui être difficile d'empêcher les mobilisations de s'étendre comme on a pu en avoir un avant-goût ce weekend. La colère ne retombe en effet pas : les rassemblements se sont déroulés dans plusieurs lieux en régions, des grosses villes aux bourgs moyens : Lille, Amiens, Caen, Saint-Etienne, Roanne, Besançon, Dijon, Grenoble, Gap, Annecy, Lodève..

Certains cortèges ont compté plusieurs milliers de personnes, comme à Nantes (6.000 selon la police, 15.000 selon les syndicats) ou Brest (entre 5 et 8.000), avec quelques tensions. A Bordeaux, un cortège improvisé a réuni 1.900 personnes selon la préfecture.

La place de la Concorde a été placée sous la très haute surveillance de centaines de policiers, et des canons à eau y ont été prépositionnés. Toujours à Paris, la CGT Ile-de-France a organisé un rassemblement place d'Italie, qui s'est mué en cortège et remontait vers le nord de la capitale. Des heurts avec la police ont éclaté en fin de soirée, avec jets de projectiles, feux de poubelles et barricades. Selon une source policière, 81 personnes ont été interpellées sur la place d'Italie et alentours, où le calme est revenu vers 22H30.

Vers une pénurie dans les stations-essences ?

Côté grèves, avant la journée de mobilisation prévue le jeudi 23 mars, la mise à l'arrêt de la plus importante raffinerie du pays, la raffinerie de Normandie (TotalEnergies), en Seine-Maritime, a débuté vendredi soir. Cette opération prendra plusieurs jours et ne devrait pas provoquer de pénuries de carburant immédiates dans les stations-service du pays. Jusqu'à présent, les grévistes s'étaient contentés de bloquer les expéditions de carburant, mais les raffineries continuaient à produire. Le ministre de l'Industrie Roland Lescure a laissé entendre samedi que le gouvernement procèderait à des réquisitions en cas de mise à l'arrêt.

La grève se poursuit aussi dans les transports et chez les éboueurs. Dans la capitale, 10.000 tonnes d'ordures s'entassent toujours sur les trottoirs, selon la mairie. Elle évoque samedi « une stabilisation » du volume des déchets non ramassés dans la capitale. Selon la préfecture, « cinq garages de camions-bennes ont repris une activité » et « deux sociétés concessionnaires de traitement ainsi que plusieurs agents (ont) été requis depuis » vendredi. Par ailleurs, ce lundi, des arrêts de travail de surveillants sont redoutés dans les lycées, pour la première journée des épreuves de spécialité du bac 2023.

L'opposition parlementaire n'a pas dit son dernier mot

Au-delà des mobilisations, l'opposition parlementaire n'a pas dit son dernier mot avec, déjà, le référendum d'initiative partagée. Les membres de la Nupes évoquent cette option depuis plusieurs jours. Cette procédure, complexe, « permet de bloquer pendant neuf mois la mise en œuvre de cette réforme », a souligné la députée socialiste Valérie Rabault, qui « y croit ».

Il prévoit la possibilité d'organiser une consultation populaire sur une proposition de loi « à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement », soit au moins 185 des 925 parlementaires (577 députés, 348 sénateurs). Elle doit aussi être soutenue par un dixième des électeurs, soit 4,87 millions de personnes, dont les signatures doivent être recueillies dans un délai de neuf mois.

Le député PCF Stéphane Peu a assuré dès mardi avoir les 185 parlementaires nécessaires. Sa proposition de loi proposera que « l'âge de départ à la retraite ne puisse pas excéder 62 ans ». Les Insoumis s'y joindront, mais sont moins persuadés qu'un RIP soit la solution, car ils visent un « retrait de la réforme à court terme, » explique leur coordinateur Manuel Bompard.

Le Conseil Constitutionnel, ensuite. La cheffe des députés LFI Mathilde Panot a promis que la gauche le saisirait. La coalition va faire valoir que la réforme, insérée dans un projet rectificatif du budget de la Sécurité sociale, tient du cavalier législatif, puisque les finances ne sont pas le seul aspect abordé dans le texte.

(Avec AFP)