Un an de présidence Macron : les Français partagés

Par Grégoire Normand  |   |  2129  mots
(Crédits : POOL New)
[SONDAGE] Selon l’institut de sondage BVA, 57 % des Français se déclarent plutôt mécontents de la première année du mandat présidentiel d’Emmanuel Macron. S’ils saluent son action à l’international, les Français se montrent très critiques à l’égard de sa politique sur la fiscalité, le pouvoir d’achat ou l’immigration.

Après un an à l'Élysée, les Français dressent un bilan paradoxal de l'action du président de la République. Près de six Français sur dix (57%) se déclarent plutôt mécontents.

« La note moyenne attribuée par les Français au président pour juger son action depuis son élection est de 8/20, soit 1 point de plus seulement que François Hollande à la même période (7/20) ! », explique l'institut de sondage BVA (*).

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QUESTION : QUELLE NOTE ENTRE 0 ET 20 ATTRIBUERIEZ-VOUS
À EMMANUEL MACRON POUR JUGER SON ACTION EN TANT 
QUE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE, DEPUIS SON ÉLECTION
EN MAI DERNIER ?

* Rappel Hollande : étude réalisée en avril 2013, 1 an après le début
du quinquennat de François Hollande

En douze mois, Emmanuel Macron a déjà mis en place une bonne partie de son programme et reste déterminé à le poursuivre à une cadence soutenue. « Nous avons immensément à faire parce que notre pays doit reconstruire les cinquante prochaines années de progrès », avait annoncé le chef de l'État à l'antenne de TF1.

« Les difficultés ne m'arrêtent pas [...] Le fait qu'il y ait des Français parfois pas contents ne m'arrête pas », avait-il ajouté.

Lors d'un entretien à la chaîne conservatrice américaine Fox News, l'ancien ministre de l'Économie a exclu tout recul dans le train des réformes qu'il mène depuis un an, malgré la contestation sociale de ces dernières semaines.

Dans les faits, si le chef de l'État a fait des compromis sur quelques dossiers, il a déjà réalisé ou mis en chantier une trentaine de réformes importantes dans plusieurs domaines : moralisation de la vie politique, impôt sur la fortune, Code du travail, formation professionnelle, assurance chômage, taxe d'habitation, accès à l'université, immigration, système ferroviaire. De son côté, le Premier ministre, Édouard Philippe, et son gouvernement ont également réalisé ou initié de nombreux chantiers : limitation de la vitesse à 80 km/h, réforme du baccalauréat, loi sur les hydrocarbures qui interdit l'exploitation de nouveaux gisements à l'horizon 2040, Notre-Dame-des-Landes, hausse du prix du tabac.

Une conjoncture favorable

Pour mettre en route toutes ces mesures, l'exécutif a bénéficié d'une conjoncture très favorable, avec une croissance à 2% en 2017 - un niveau inédit depuis 2011 - et une réduction du chômage plus forte que prévu. Les entreprises ont accéléré leurs investissements et les ménages ont multiplié leurs achats dans l'immobilier. Cette embellie a permis d'améliorer largement la situation des comptes publics, avec un déficit à 2,6% du PIB au lieu des 2,9% attendus. Si le rythme des réformes est incessant et le programme ambitieux, la cote de popularité de l'ancien secrétaire général adjoint de l'Élysée connaît une véritable évolution en dents de scie.

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Une méthode qui divise

Depuis mai 2017, l'opinion des Français à l'égard du chef de l'État est très volatile selon les résultats collectés par BVA. Après un début en « état de grâce », la popularité d'Emmanuel Macron a décliné de près de 20 points, passant de 62% d'opinions favorables à 43% fin avril. Les annonces impopulaires du début du quinquennat, telles que la suppression de l'impôt sur la fortune, la baisse des APL ou la fin des emplois aidés, correspondent à la forte baisse du début de mandat.

Élu sur une promesse de mener une politique « en même temps de gauche et de droite », l'ancien locataire de Bercy est rapidement qualifié de « libéral, » « de droite », et de « président des riches » par les répondants. Face aux critiques répétées et à la montée de la grogne, il a expliqué récemment qu'il était « le président de tous les Français ». Une rhétorique déjà employée par quelques-uns de ses prédécesseurs, tels que Jacques Chirac ou Nicolas Sarkozy.

Entre septembre et décembre, la part des opinions favorables a d'abord stagné pour atteindre un point bas en octobre (42%). Il semble qu'à l'automne l'adoption par ordonnances de la réforme du Code du travail et la présentation du projet de budget 2018 avec la hausse de la CSG ont pesé sur l'opinion des Français à l'égard du pouvoir central.

À partir du mois d'octobre, la cote de popularité du locataire de l'Élysée a connu un regain dans le contexte de la fin de l'état d'urgence et l'entrée en vigueur de la loi antiterroriste. Il est perçu à ce moment-là comme celui « qui tient ses engagements ». 71% des Français le jugent « solide, ayant de l'autorité » et 60% pensent qu'il est « capable de prendre les décisions qui s'imposent ».

Durant l'hiver, Emmanuel Macron a connu un nouveau décrochage dans l'opinion. L'annonce de la limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes secondaires a provoqué un large mécontentement dans la population. Une partie des répondants développe le sentiment qu'il « est déconnecté de la réalité des Français ». Seuls 26 % des Français estiment actuellement qu'il est proche des gens.

Au début du printemps, la popularité de Macron a retrouvé quelques couleurs alors que les mouvements sociaux et la grève ont marqué l'actualité. Cependant, la méthode Macron, laissant peu de place aux contre-pouvoirs et aux corps intermédiaires, semble sérieusement diviser les Français. Si d'un côté, une partie des répondants saluent sa « pugnacité », sa « ténacité malgré l'opposition », d'autres rejettent sa « brutalité dans sa façon d'imposer les réformes ». Dans un récent entretien accordé à La Nouvelle Revue française, Emmanuel Macron revendique complètement cette méthode.

« J'assume totalement la "verticalité" du pouvoir, qui croise l'horizontalité de l'action politique. J'assume les choix qui sont faits, et je hais l'exercice consistant à expliquer les leviers d'une décision. »

À titre de comparaison, la popularité d'Emmanuel Macron est néanmoins supérieure à celle de ces prédécesseurs les plus récents à savoir François Hollande et Nicolas Sarkozy, mais en deçà du niveau observé pour Jacques Chirac et François Mitterrand (voir ci-dessous). Tous ont pourtant démarré leur mandat avec des niveaux de popularité assez proches au moment de leur élection.

Les retraités déçus

L'examen des résultats permet d'observer qu'Emmanuel Macron est en perte de vitesse chez les retraités. S'il a largement été soutenu par les plus de 65 ans au moment de l'élection présidentielle, le chef de l'État semble payer la hausse de la CSG. Auprès de cette catégorie, la popularité du président a perdu 26 points en douze mois. Et cette tendance n'est guère meilleure chez les employés et ouvriers, avec une baisse de 17 points. En matière de revenus, le décrochage est particulièrement visible chez les ménages gagnant moins de 1, 500 euros par mois avec 34 points en moins. Sans surprise, cette baisse est beaucoup moins marquée chez les ménages aux revenus supérieurs à 3. 500 euros (-11points). Enfin, la baisse la moins spectaculaire concerne les 18-34 ans avec « seulement » 11 points en moins.

Sur le plan politique, Emmanuel Macron conserve une adhésion massive de ses électeurs du premier tour de la présidentielle et profite également du soutien de plus de la moitié des électeurs de François Fillon. En revanche, il perd beaucoup de soutiens chez les sympathisants de Benoît Hamon (-38 points). Au niveau des partis, il bénéficie de l'appui d'une partie des proches de LR. Après la déroute du parti de droite à l'élection présidentielle et aux législatives, Emmanuel Macron a continué à capter une partie de l'électorat LR au fil des enquêtes. Auprès des sympathisants socialistes, « les bonnes opinions à l'égard du président se sont effondrées, en particulier depuis le début de l'année », indique BVA.

La ligne de fracture est également visible au niveau géographique. 80 % des Français estiment qu'Emmanuel Macron ne ­comprend pas la situation des habitants des zones rurales. Ce jugement se retrouve également chez les habitants des quartiers populaires (71%) et est légèrement moins perceptible chez les résidents des villes moyennes. En revanche, plus de deux tiers des Français jugent que le président ­­« ­comprend la situation des grandes villes ».

Un bilan en demi-teinte

Sur l'ensemble des actions menées par la présidence de la République, seule celle exercée pour « restaurer l'image de la France dans le monde » est saluée par une majorité de Français.

Sur la croissance économique, les avis sont partagés. 47 % des interrogés considèrent le bilan d'Emmanuel Macron comme positif et autant perçoivent l'action du chef de l'État comme un échec. En réalité, son action n'a pas grand-chose à voir avec l'ensemble des bonnes performances économiques tricolores en 2017. Exceptés les deux derniers thèmes évoqués, tous les autres domaines d'action sont considérés comme un échec par une majorité de répondants, plus particulièrement en matière d'immigration (78%), de pouvoir d'achat (78%) et de fiscalité (70%).

En matière d'éducation, d'emploi et de croissance économique, l'institut de sondage note un appui marqué des sympathisants LR. À l'opposé, le soutien des sympathisants PS est inférieur ou égal à la moyenne.

« Les sympathisants PS sont très critiques en matière d'immigration, de fiscalité et de pouvoir d'achat. »

Très impopulaire Hausse de la CSG

Quelques décisions pèsent plus que d'autres dans le bilan établi par les Français. Ainsi, « deux des trois réformes les moins populaires, à savoir le remplacement de l'ISF par l'impôt sur la fortune immobilière (70% d'insatisfaits) et l'augmentation de la CSG (82%) sont parmi les plus emblématiques de ce début de quinquennat ». Ces mesures ont largement marqué les esprits, tout comme la réforme du Code du travail, désapprouvée elle aussi par une majorité de Français. À l'opposé, les mesures plus sociales ont moins marqué l'attention des répondants. Ainsi, le dédoublement des classes de CP dans les quartiers défavorisés est cité par seulement 2% des Français. Et la suppression de la taxe d'habitation - qui n'est pas encore en vigueur - n'est citée que par 5% d'entre eux.

Pour BVA, les mesures relatives à la CSG et à l'ISF sont venues plomber la popularité du président auprès d'une partie des Français et « nourrir l'image de "président des riches"». Plus de 80 % des répondants déclarent d'ailleurs ne pas avoir le sentiment de profiter personnellement de la politique mise en œuvre par l'exécutif. En revanche, les résultats révèlent une forme d'attentisme  :

« 43 % des Français sont encore prêts à attendre de voir quels seront les résultats avant de juger. »

Perplexes sur l'avenir

Les Français semblent perplexes sur l'avenir. 55 % des personnes interrogées par l'institut de sondages estiment qu'Emmanuel Macron ne pourra pas redresser la situation de la France au cours des quatre dernières années de son mandat. Sans surprise, ce sentiment est particulièrement visible chez les employés et les ouvriers (67 %) mais également chez les 35-49 ans où ils sont 65 % à penser qu'il ne pourra pas contribuer à améliorer la situation du pays. À titre de comparaison, seulement 26 % des interrogés un an après son élection jugeaient que François Hollande aurait cette capacité. Parmi les sujets prioritaires, les deux domaines qui comptent le plus pour les Français sont l'emploi et le pouvoir d'achat.

Si rien n'est gagné pour l'ancien banquier d'affaires, il conserve néanmoins deux atouts, selon BVA. L'opposition « est réduite à néant ou presque ». La République en marche reste le parti qui profite de la meilleure image auprès des Français, bien loin devant les autres forces politiques. Par ailleurs, l'institut d'enquêtes d'opinion souligne la force de conviction d'Emmanuel Macron. La première des qualités que lui reconnaissent aujourd'hui les Français (77 %) est qu'il fait preuve de « convictions profondes ». Souvent critiqué au moment de la campagne présidentielle pour son manque de programme, Emmanuel Macron a sur ce dernier point fait des progrès aux yeux des Français. Il est cependant celui qui a été élu le plus par défaut selon BVA (29 % contre 21 % en moyenne pour les autres candidats). Malgré la détermination du président, l'exercice du pouvoir risque encore d'être semé d'embûches dans les années à venir.

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(*) Étude BVA pour Orange, RTL, La Tribune et la presse régionale.