Zone euro : malgré une légère progression, la reprise économique restera « faible » en 2024, prévoit l'OCDE

L'OCDE a très légèrement révisé à la hausse (+0,1 point) ses prévisions de croissance du PIB de la zone euro pour 2024, passant de 0,6% à 0,7%. Le ralentissement de l'inflation devrait doper la consommation des ménages. Mais le durcissement des politiques budgétaires partout sur le Vieux continent devrait peser sur l'investissement. Cette reprise poussive devrait amplifier le décrochage de la zone euro face aux Etats-Unis, toujours moteurs de l'économie mondiale.
Grégoire Normand
En Allemagne, l'industrie est toujours à la peine.
En Allemagne, l'industrie est toujours à la peine. (Crédits : Reuters)

L'horizon de l'économie mondiale commence à se dégager. L'OCDE a révisé à la hausse ses prévisions de croissance planétaire du produit intérieur brut (PIB) de 2,9% à 3,1% pour 2024. Et ce, alors qu'en 2023, l'activité économique avait marqué le pas (3,1%) par rapport à 2022 (3,4%). La croissance devrait donc stagner entre 2023 et 2024, au lieu de ralentir. «Dans un contexte difficile, l'économie mondiale a fait preuve d'une résilience remarquable », a déclaré Mathias Cormann, secrétaire général de l'OCDE, lors d'un point presse à Paris ce jeudi.

Plusieurs raisons justifient « cet optimisme »« L'inflation a nettement reculé dans les pays développés. Cette baisse de l'inflation résulte de la politique monétaire restrictive, de la baisse des prix de l'énergie et de moindres pressions sur les chaînes d'approvisionnement. Les revenus réels des ménages continuent de se redresser dans les pays développés. Ce qui signifie que les ménages profitent mieux de la croissance économique », a-t-il poursuivi.

Néanmoins, en dépit de ces prévisions plus optimistes, l'OCDE a pointé le risque d'une reprise à plusieurs vitesses entre les différentes régions du monde, lors de sa présentation. Surtout, la croissance en 2024 et 2025 devrait être sensiblement inférieure à la moyenne de la période 2013-2019 (3,4%).

« Faible » reprise en zone euro en 2024

Sur le Vieux continent, l'économie est toujours à la peine. Le spectre de la récession tant redoutée à l'automne dernier semble écarté. Mais les incertitudes demeurent grandement dans le contexte d'un durcissement des politiques budgétaires partout dans la zone monétaire. En effet, les nouvelles règles en la matière de l'Union européenne sont entrées en vigueur depuis le 30 avril dernier après d'âpres négociations. L'OCDE ne prévoit donc qu'une légère accélération de la croissance de la zone euro entre 2023 (0,5%) et 2024 (0,7%). L'organisation a toutefois révisé très légèrement à la hausse (+0,1 point) sa projection par rapport à février dernier.

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En outre, plombée par la hausse spectaculaire des prix et la politique monétaire restrictive de la Banque centrale européenne (BCE), la zone euro continue de tourner au ralenti. Et notamment en Allemagne. Après avoir plongé en récession en 2023 (-0,1%), le pays devrait voir sa croissance légèrement accélérer en 2024, à 0,2%. Plus de deux ans après l'éclatement du conflit en Ukraine, son industrie allemande continue de payer un lourd tribut de sa dépendance à l'énergie russe. Ainsi, le découplage entre l'économie allemande et la Russie risque de faire de sérieux dégâts sur le modèle économique défendu par la coalition au pouvoir. À cela s'ajoute la politique budgétaire restrictive qui devrait plomber les perspectives d'investissement outre-Rhin ainsi que le ralentissement chinois.

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Une croissance légèrement meilleure que prévu en France

En France, la croissance économique devrait faire légèrement mieux que prévu en 2024 (0,7% contre 0,6% en février). L'activité devrait néanmoins ralentir par rapport à 2023 (0,9%), avant de repartir en 2025 (1,5%). En raison d'une politique monétaire plus accommodante attendue en juin et une décrue de l'inflation, les économistes s'attendent à un rebond de la consommation privée à partir du second semestre. En revanche, l'investissement (formation brut de capital fixe, FBCF) devrait être en repli (-0,6%) cette année. De son côté, le gouvernement table désormais sur une croissance du PIB de 1% (après 1,4% initialement prévu).

Avec un chiffre de croissance meilleur qu'espéré au premier trimestre 2024, la cible du gouvernement pourrait être atteinte selon plusieurs économistes. Les coupes budgétaires annoncées de l'ordre de 20 milliards d'euros en 2024 et 20 milliards d'euros en 2025 pourraient cependant peser sur la croissance.

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Quant à l'Italie, l'activité devrait marquer le pas à 0,7% en 2024 contre 1% en 2023 avec une demande atone. Pour l'Espagne, l'OCDE n'a pas apporté de chiffres sur les perspectives de croissance.

Les Etats-Unis, moteur de la croissance mondiale

L'économie américaine tire, elle, la croissance mondiale vers le haut. Dans ses dernières prévisions, l'OCDE table sur une très légère hausse du PIB de 2,5% à 2,6% entre 2023 et 2024, avant un possible ralentissement en 2025 (1,8%). La légère accélération prévue en 2024 est une bonne nouvelle pour le président démocrate Joe Biden à quelques mois de l'élection présidentielle prévue en novembre prochain.

Face à Donald Trump, le chef de l'Etat compte sur son bilan économique pour rempiler pour un second mandat à la Maison Blanche. L'Inflation Reduction Act (IRA) et le Chips Act ont dopé les investissements industriels sur le territoire américain et relancé la machine de l'emploi après les sombres années de pandémie.  Mais les effets des divers plans de relance du chef de l'Etat sont en train de s'estomper.

En outre, de nombreuses incertitudes planent au-dessus de la politique monétaire de la FED. Initialement prévu au premier semestre, le scénario d'une baisse des taux en 2024 est de plus en plus débattu compte tenu de la persistance de l'inflation. Une incertitude qui pèse sur le camp démocrate américain à quelques mois du scrutin.

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La Chine appuie sur le frein

Enfin, en Chine, les indicateurs économiques sont au rouge. Après avoir grimpé à 5,3% en 2023, la croissance du PIB devrait ralentir en 2024 à 4,9% et 4,5% en 2025. Frappée de plein fouet par les mesures strictes de confinement après la pandémie, l'économie chinoise peine à se redresser. Le secteur immobilier est toujours secoué de toutes parts par une interminable crise.

Sur le plan monétaire, la Banque centrale chinoise a assoupli sa politique avec une série de baisses des taux. Ce relâchement devrait permettre au secteur privé de retrouver du souffle mais l'économie chinoise reste plombée par une démographie en berne et des gains de productivité atone.

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Grégoire Normand
Commentaires 8
à écrit le 03/05/2024 à 16:57
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@ Valbel89 Pour l’Allemagne, l’euro crée plus d’inconvénients que d’avantages. Pour nous, Allemands, le D-Mark était le symbole et la base de notre « miracle économique » après la destruction totale provoquée par la Seconde Guerre mondiale. Le D-M...

à écrit le 03/05/2024 à 16:53
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@ Valbel89 Je pense que tu confonds les choses. Mettre fin à l’expérience de l’euro et revenir aux monnaies nationales ne signifie pas la fin de la communauté européenne. L'euro a été créé sur l'insistance et à l'avantage de la France. Les espoirs...

à écrit le 03/05/2024 à 6:52
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Faut vite abandonner l’euro et quitter l’europe de notre propre chef plutôt que d’y être contraint par la force des choses et que le pays ne soit coulé définitivement. Et si on s’en sort il faudra ensuite juger les trois derniers présidents et leurs...

à écrit le 03/05/2024 à 2:20
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Les nationalismes montrent le bout de leurs nez de ci de la. Preuve que le vers est dans le fruit. Cette europe va imploser d'elle meme. Sa monnais n'a plus la confiance des marches. Sa depreciation est patente. La fin sera, elle est deja en route.

le 03/05/2024 à 10:05
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"Où "hâtes toi déclin !" Sauf que Nietzsche l'espérait déjà au 19 ème siècle, la financiarisation de l'économie aura enraciné le déclin à perpétuité. Et ils osnt contents tous, ils se félicitent eux-mêmes entre eux de cette profonde nullité qui les c...

à écrit le 02/05/2024 à 19:37
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" L' U.E. est une Monnaie ... sans Etat " et même sa devise se déprécie , alors pas de quoi emboucher les trompettes de la Renommée !

à écrit le 02/05/2024 à 18:25
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Je ne sais pas pourquoi la zone euro est considérée comme une unité. La zone euro est une structure artificielle qui n’a pas réussi à atteindre tous ses objectifs fondateurs. Hormis la monnaie commune, peu de choses relient les États de la zone euro....

le 02/05/2024 à 18:36
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@aditec - Au regard du Brexit, ça ne semble pas une bonne solution et quand on voit que de la Chine à la Russie, aux Us tous veulent la fin de l'UE, c'est bien que cette UE représente quelque chose, voire un danger. Une UE forte, c'est notre survie ...

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