Un groupe de 86 députés, dont des élus LREM, appelle à réévaluer la taxe carbone

Par AFP  |   |  847  mots
Matthieu Orphelin, député du Maine-et-Loire (ex-LREM ) à l'origine de la tribune, a précisé qu'il ne plaidait pas pour un retour de la taxe carbone telle qu'elle avait été envisagée et mise en place.
Le député (ex-LREM) Matthieu Orphelin, à l'origine d'une tribune signée par 86 députés de plusieurs groupes politiques plaidant "pour une fiscalité carbone juste socialement", a précisé ce mercredi 13 février qu'il ne défendait pas "le retour à la taxe carbone".

[Article publié le 13.02.2019 à 10h, mis à jour à 15h25 avec les déclarations de Benjamin Griveaux à l'issue du Conseil des ministres]

Emmenés par Matthieu Orphelin (ex-LREM), 86 députés de plusieurs groupes politiques ont appelé mardi 12 février, dans une tribune publiée sur le site du Figaro, à trouver une "fiscalité carbone efficace, juste socialement" après l'abandon de la taxe carbone au plus fort de la crise des "Gilets jaunes".

Les signataires, parmi lesquels Cédric Villani, Barbara Pompili, Joël Giraud et Matthieu Orphelin - qui a quitté le groupe LaRem la semaine dernière -, disent entendre et trouver "légitimes" les critiques des Français qui jugent que la fiscalité carbone n'est qu'un prétexte pour « augmenter sans cesse des dépenses publiques dont ils ne perçoivent plus les bénéfices ».

« Pour nous la fiscalité carbone n'est pas un dogme, pas plus qu'un marqueur politique. C'est, parmi d'autres, un outil efficace pour faire évoluer les décisions d'investissement, favoriser les comportements vertueux », écrivent-ils. « Plutôt que d'abandonner cet outil, nous voulons continuer le débat entamé avec les citoyens dans le cadre du Grand débat national, pour construire tous ensemble une fiscalité qui soit à la fois écologique, juste et lisible. »

Après plusieurs semaines d'inflexibilité, le gouvernement avait en effet annulé en décembre l'augmentation de la taxe carbone qui devait représenter 2,9 centimes par litre d'essence et 6,5 centimes par litre de diesel à compter du 1er janvier. C'était l'une des premières revendications des "Gilets jaunes", mobilisés depuis la mi-novembre.

"Ce n'est pas le retour de la taxe carbone"

Prenant l'exemple de la Colombie-Britannique au Canada, où la hausse de la fiscalité sur l'énergie depuis 2008 est bien perçue, les députés se demandent pourquoi en France, le sujet « a cristallisé des tensions accumulées depuis des décennies et nourri le sentiment d'injustice fiscale et d'abandon de la France rurale ». Ils y voient le fait que les gouvernants de la province canadienne ont su rendre "juste" la taxe carbone :

« 100% des revenus générés par cette hausse sont rendus aux citoyens et aux entreprises, sous forme d'aides à la transition énergétique ou de baisses de taxes. »

Chez nos confrères de Franceinfo, le député non inscrit Matthieu Orphelin a expliqué qu'il ne plaidait pas pour « le retour de la taxe carbone telle qu'elle avait été envisagée et mise en place. »

« C'est pas forcément une taxe en plus, ça peut être une fiscalité différenciée, ça peut être des bonus-malus, des baisses de taxes par exemple sur les transports en commun, par exemple sur la réparation de vélos ou d'autres modes de déplacement alternatif à la voiture et tout ce qui peut favoriser les comportements qui vont dans le sens de la transition. »

Pour l'Élysée, la solution, « c'est plutôt moins d'impôt que plus d'impôt »

Dans cette tribune, cinq groupes politiques sont représentés, mais pas les députés Les Républicains, LFI ou du Rassemblement national. Pour le maire de Nice Les Républicains Christian Estrosi, « [un retour à la taxe carbone] ne serait pas très prudent». Et le centriste Hervé Morin, président des régions de France, de surenchérir :

« Vous imaginez que la première réponse à un mouvement qui est parti de cela soit de réintroduire la taxe ? Là, on va nous dire : 'Ne vous inquiétez pas, ça va aller à des programmes environnementaux'. Je pense qu'il n'y a pas un Français qui va se dire qu'on va leur écrire cette histoire-là. »

Le chef du groupe LREM à l'Assemblée Gilles Le Gendre s'est défendu ce matin de mettre de l'huile sur le feu en remettant sur le tapis la question de la taxe carbone, car « il n'y a aucun tabou dans les quatre chapitres du Grand débat national. »

« La taxe carbone est une arme fiscale qui doit s'inscrire dans le cadre d'un plan global visant à réduire la consommation d'énergies fossiles, dans une démarche socialement équitable et acceptée », a-t-il déclaré chez nos confrères de LCI. « La transition écologique n'attend pas, et nous ne devons ni la suspendre ni la freiner ; nous devons l'accélérer.»

Alors que le délégué général de La République en marche, Stanislas Guerini, s'était déclaré le 11 février plutôt favorable au retour de la taxe carbone « à condition que ça ne se fasse pas au détriment des classes populaires », on estime à l'Élysée que « ce n'est pas par une hausse de la fiscalité qu'on répondre à la colère [des "Gilets jaunes"]. »

« Le président de la République l'a rappelé [lors du Conseil des ministres] : sa conviction c'est que nous ne sortirons pas d'une crise qui a commencé par un impôt supplémentaire, en en créant un nouveau », a insisté Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, pour qui la solution, « c'est plutôt moins d'impôt que plus d'impôt à l'issue de ce débat. »