Pour contrer le variant Delta, Macron met la pression sur les non-vaccinés

Par latribune.fr  |   |  1965  mots
(Crédits : GONZALO FUENTES)
Face à la flambée du variant Delta, Emmanuel Macron a annoncé ce lundi un été de mobilisation pour la vaccination. Les non-vaccinés sont sous pression, en imposant le pass sanitaire à l'entrée dans la plupart des lieux publics et en rendant la vaccination obligatoire pour les soignants et ceux au contact des personnes fragiles. Le chef de l'Etat a aussi relancé les réformes économiques : éducation formation, retraites et "pacte entre les générations".

Il y a encore un mois, l'annonce de la fin du port du masque en extérieur et du couvre-feu semblait marquer le début d'un retour à la normale après 15 mois de crise sanitaire. Les progrès de la vaccination et le recul de l'épidémie permettaient à Emmanuel Macron d'envisager, à moins d'un an de la fin de son mandat, de relancer les réformes mises en sommeil pendant la crise, au premier rang desquelles celle des retraites. Une façon de revêtir son costume de réformateur et de lancer le départ de sa campagne pour un deuxième mandat présidentiel. Tel était initialement l'objet de l'allocution de juillet. Si l'objectif n'a pas changé, la flambée du variant Delta a bouleversé l'agenda. Dans son allocution de ce lundi, Emmanuel Macron n'a pas relancé l'épineuse question des retraites, même s'il en a rappelé les principes. Il ne lancera pas un tel chantier tant que "les conditions sanitaires ne seront pas réunies". Une façon de renvoyer le dossier après la présidentielle de 2022 puisque les Français, a prévenu le chef de l'Etat, "vont devoir vivre avec le virus tout au long de l'année 2021 et une bonne partie de l'année 2022".

Dans son allocution, Emmanuel Macron s'est posé en protecteur des Français, en appelant à la mobilisation contre le virus. Un "été de mobilisation" qui passe par un durcissement sévère des restrictions pour les non-vaccinés afn de les convaincre de rallier la cause de la vaccination. "Un été de mobilisation contre la vaccination", comme l'a résumé le chef de l'Etat. Mais ce dernier a une nouvelle fois pratiqué le "en même temps", en partageant les grandes orientations qu'il envisageait pour la France de demain tout en faisant de la rentrée "le rendez-vous de notre avenir pour construire une France indépendante et conquérante". Un mélange de mesures concrètes et de projets à long terme aux airs de campagne électorale.

Ce qu'il faut retenir de l'allocution d'Emmanuel Macron

- La vaccination est obligatoire pour les personnels soignants et non soignants des hôpitaux, cliniques, Ehpad et maisons de retraite, ainsi que pour les professionnels et bénévoles auprès des personnes âgées, y compris à domicile. Les personnes concernées "auront jusqu'au 15 septembre pour se faire vacciner" et après cette date seront mis en oeuvre "des contrôles et des sanctions", a expliqué le chef de l'Etat. Ils ne pourront plus travailler et ne seront plus payés, a précisé le ministre de la Santé Olivier Véran.

Le chef de l'Etat a même évoqué l'hypothèse d'une vaccination obligatoire pour tous. Pour "les millions d'entre vous qui n'ont pour le moment reçu aucune injection, en fonction de l'évolution de la situation, nous devrons sans doute nous poser la question de la vaccination obligatoire pour tous les Français", a-t-il en effet déclaré.

- Le pass sanitaire, en vigueur depuis vendredi dernier dans les discothèques et bientôt dans les lieux culturels, sera étendu début août aux cafés, restaurants et centres commerciaux, mais aussi aux avions, trains, cars sur les longues distances et établissements médicaux. Il sera par ailleurs étendu le 21 juillet  aux lieux de loisirs et de culture rassemblant plus de 50 personnes, à partir de 12 ans. Cette extension à d'autres établissements début août nécessite le vote d'un texte de loi et sa promulgation, a-t-il précisé. L'objectif est clair :

"Nous allons étendre au maximum le pass sanitaire pour pousser le maximum d'entre vous à aller vous faire vacciner", a déclaré Emmanuel Macron.

Les tests PCR de confort seront payants à partir de l'automne, sauf prescription médicale. Pour les collégiens, les lycéens, les étudiants, des campagnes de vaccination spécifiques seront déployées dans les établissements scolaires dès la rentrée", alors que la vaccination est déjà ouverte à tous les enfants de 12 ans et plus depuis mi-juin.

- L'état d'urgence sanitaire va être déclaré mardi en Martinique et à La Réunion, et un couvre-feu y sera instauré en raison de la circulation accrue du coronavirus. Le chef de l'Etat a justifié cette décision, qui sera entérinée en Conseil des ministres, par le "niveau de vaccination insuffisant" et par la "forte pression" hospitalière dans ces deux territoires.

-Pour les personnes vaccinées les premières, en janvier et février, une campagne de rappel va démarrer à partir de "début septembre". "Les rendez-vous pourront être pris dès les premiers jours de septembre", a précisé le chef de l'Etat.

Mais derrière ce tour de vis sanitaire qui doit permettre de protéger les plus vulnérables et de garder le cap de la croissance qui atteindra 6% en 2021, contre 5% estimée jusqu'ici par Bercy, Emmanuel Macron a annoncé un certain nombre de grandes mesures économiques et sociales, au calendrier pour une partie d'entre elles incertain.

-Il a tout d'abord assuré que la réforme contestée de l'assurance-chômage, dont certaines dispositions ont été suspendues par le Conseil d'Etat, serait "pleinement mise en œuvre dès le 1er octobre". Cette entrée en vigueur correspond à une "volonté simple", a-t-il résumé: "on doit toujours bien mieux gagner sa vie en travaillant qu'en restant chez soi, ce qui n'est actuellement pas toujours le cas". Pour rappel, le juge des référés du Conseil d'Etat avait estimé fin juin que les "incertitudes sur la situation économique" ne permettaient pas de mettre en place au 1er juillet les nouvelles règles rendant moins favorable l'indemnisation du chômage des salariés ayant alterné contrats courts et inactivité. Les règles actuelles d'indemnisation des demandeurs d'emploi ont en conséquence été prolongées jusqu'à la fin septembre. Le gouvernement avait cependant immédiatement indiqué que son ambition restait "inchangée" et rappelé que le Conseil d'Etat n'avait pas remis en cause la réforme sur le fond.

"Nous allons continuer d'investir dans la formation tout au long de la vie dès cette rentrée, nous formons durablement plus de demandeurs d'emploi qu'il y a quatre ans mais ce n'est pas encore assez et j'ai demandé au gouvernement, dès cette rentrée, de lancer un plan massif de formation et de requalification des chômeurs de longue durée", a par ailleurs annoncé le président de la République dans son allocution télévisée.

- La réforme, également contestée des retraites sera engagée "dès que les conditions sanitaires seront réunies", a déclaré Emmanuel Macron, demandant au gouvernement de "travailler avec les partenaires sociaux sur ce sujet à la rentrée".

"Pour protéger les retraites actuelles et celles de nos enfants sans augmenter les impôts, il est juste et efficace de changer notre système de retraites", a dit le chef de l'Etat, précisant toutefois qu'il ne "lancer(ait) pas cette réforme tant que l'épidémie ne sera pas sous contrôle et la reprise bien assurée".

S'il n'a pas donné le calendrier, il en a rappelé la philosophie.

"Notre système est injuste avec 42 régimes différents, il entretient des inégalités majeures et il faudra aller vers plus de simplicité pour plus de justice et donc les régimes spéciaux devront être supprimés pour les nouveaux employé dans ces secteurs", a-t-il développé.

Pour Emmanuel Macron, "parce que nous vivons plus longtemps, il nous faudra travailler plus longtemps et partir à la retraite plus tard". Toutefois, il faudra "prendre en compte la difficulté des métiers. Mais progressivement, sur plusieurs années, et par un système qui fait la différence selon le travail réellement exercé. Et donc l'âge de départ doit être plus tardif", a-t-il poursuivi.

"Une vie de travail doit offrir une pension digne et donc toute retraite pour une carrière complète devra être supérieure à 1.000 euros par mois", a ajouté le président.

Sujet explosif, cette réforme avait été suspendue en mars 2020 à cause de la crise sanitaire. Le président de la République avait lui-même relancé le débat lors d'un déplacement début juin, en affirmant que son projet de "système universel" ne pourrait sans doute pas "être repris en l'état", mais que "rien n'est exclu", avant de pointer quelques jours plus tard "un déficit de plusieurs milliards d'euros". Syndicats et patronat ont depuis fait savoir à l'unanimité qu'ils ne souhaitaient pas d'une réforme des retraites avant la présidentielle de 2022. Le Medef, bien que favorable à un relèvement de l'âge de départ à 64 ans, avait mis en garde sur le risque que cette mesure entrave la relance à cause d'éventuels mouvements sociaux.

- Emmanuel Macron a par ailleurs annoncé un "revenu d'engagement" pour les jeunes sans emploi ou sans formation, particulièrement touchés par la crise sanitaire, suivant une "logique de devoirs et de droits". "Pour amplifier cette dynamique (de l'apprentissage), je présenterai à la rentrée le revenu d'engagement pour les jeunes, qui concernerales jeunes sans emploi ou formation, et sera fondé sur une logique de devoirs et de droits", a déclaré le président de la République.

Pour aider les jeunes sans emploi, dont la précarité s'est aggravée avec la crise du Covid-19, le gouvernement avait ouvert en début d'année le chantier de la "Garantie jeunes universelle". Ce "revenu d'engagement" s'inscrit dans la continuité de ce chantier et devrait permettre de généraliser la rémunération des parcours vers l'emploi des jeunes âgés de 16 à 25 ans les plus en difficulté, une solution préférée par l'exécutif à l'extension du RSA aux moins de 25 ans. Créée sous le quinquennat Hollande, la Garantie jeunes est un dispositif d'insertion qui assure actuellement aux jeunes de 16 à 25 ans qui ne sont "ni en emploi, ni en études ni en formation" (baptisés +NEET+) une allocation mensuelle (d'un montant maximal de 497 euros). En contrepartie, les bénéficiaires s'engagent à suivre un parcours d'insertion intensif et collectif en mission locale.

Fin novembre 2020, dans le plan "un jeune, une solution", le gouvernement avait déjà annoncé le doublement de son nombre de bénéficiaires en 2021, à 200.000, en assouplissant les critères d'éligibilité.

"Accompagnement de notre jeunesse, meilleure prise en charge des aînés, c'est un nouveau pacte français entre les générations qu'il nous faut bâtir pour notre nation", a poursuivi Emmanuel Macron.

"Quant à nos aînés et nos concitoyens en situation de handicap trop souvent confrontés à une solitude sans solution, nous leur devons une grande ambition humaniste pour l'autonomie, un accompagnement renforcé pour le maintien à domicile, des maisons de retraite modernisées", a ajouté le chef de l'Etat, esquissant une réforme de la prise en charge de la perte d'autonomie. Promis mi-2018 et depuis plusieurs fois repoussé, le projet de loi qui vise à réformer l'aide aux personnes âgées, en établissement comme à domicile, est très attendu par des professionnels durement éprouvés par la crise du Covid.

Le chef de l'Etat a également annoncé "un plan d'investissement" à la rentrée pour "bâtir la France de 2030" et "faire émerger dans notre pays et en Europe les champions de demain".

"A la rentrée, après le travail et les consultations en cours, nous déciderons d'un plan d'investissement qui visera un objectif : bâtir la France de 2030 et faire émerger dans notre pays et en Europe les champions de demain, qui dans les domaines du numérique, de l'industrie verte, des biotechnologies ou encore dans l'agriculture, dessineront notre avenir".