Allemagne : les réserves de gaz chutent à un niveau très inquiétant

Par latribune.fr  |   |  1652  mots
(Crédits : Stringer .)
Particulièrement scruté dans le contexte des tensions avec la Russie, le niveau des réserves de gaz en Allemagne est récemment descendu à un niveau "inquiétant", a indiqué mercredi une porte-parole du ministère de l'Economie et du Climat. Les stocks sont tombés à 35-36%, contre 40% il y a peu, et 82% en 2020, à la même période. Or, une réserve de 40% ne permettrait de faire face qu'à sept jours de températures polaires. Par ailleurs, le Japon a annoncé qu'il allait livrer du gaz naturel liquéfié (GNL) à l'Europe. Le Qatar a déjà indiqué qu'il allait aider. L'Azerbaïdjan aussi.

La dépendance de l'Allemagne au gaz russe est l'un des points centraux des tensions en Ukraine. Au point que la question de savoir si les réserves de gaz seront suffisantes pour passer l'hiver en Allemagne alimente les titres de la presse depuis plusieurs semaines. Alors les livraisons de gaz russe vers l 'Europe sont en dessous de la moyenne de l'année dernière, l'Allemagne tire la sonnette d'alarme. Le niveau de ses réserves de gaz, particulièrement scruté dans le contexte des tensions avec la Russie, est récemment descendu à un niveau "inquiétant", a indiqué mercredi une porte-parole du ministère de l'Economie et du Climat.

"Nous surveillons la situation des niveaux de stockage et elle est certainement inquiétante", a déclaré la porte-parole lors d'une conférence de presse du gouvernement, notant que les stocks étaient tombés à 35-36%, contre 40% il y a peu et 82% en 2020.

Or, selon un rapport du ministère de l'Economie et du Climat, une réserve de 40% ne permettrait de faire face qu'à sept jours de températures polaires. Jusqu'ici, le gouvernement d'Olaf Scholz a toujours affirmé que "l'approvisionnement était assuré" en Allemagne et qu'il n'y avait pas de risque de pénurie.

"Si le conflit en Ukraine s'aggrave et que la Russie arrête effectivement les livraisons à l'Allemagne, nous serions confrontés à une nouvelle crise du gaz. En conséquence, les prix du gaz continueraient d'augmenter - et avec eux les coûts pour les consommateurs et l'économie dans son ensemble", avertissait l'institut économique berlinois DIW dans une note fin janvier.

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L'Allemagne reçoit l'ensemble de son approvisionnement en gaz via des pipelines, provenant majoritairement de Russie qui représente 55% de ses importations. Entre l'impératif de solidarité avec les alliés occidentaux et Kiev et la nécessité de ménager son grand fournisseur, Berlin est d'ailleurs taxé ambiguïté dans cette crise. Et pour cause, outre la dépendance à la Russie, le gaz est déterminant pour le pays puisqu'il chauffe 50% des logements et représente 26,7% de la consommation primaire d'énergie. Le recours à cette énergie devrait même augmenter, dans le cadre de la transition énergétique, pour remplacer le nucléaire et le charbon en tant qu'appoint des renouvelables.

Importer du GNL, une alternative au gaz russe

Cette déclaration sur les niveaux de gaz intervient alors que L'Allemagne a annoncé la semaine dernière développer la construction de terminaux méthanier pour importer du gaz liquéfié via la mer, afin de réduire sa dépendance au gaz russe. L'Allemagne ne dispose d'aucun équipement de ce type pour l'instant. De tels terminaux permettrait à Berlin de diversifier ses fournisseurs, en augmentant ses commandes depuis les États-Unis, le Qatar, ou encore le Canada.

"Le plan du gouvernement est de développer les terminaux GNL (gaz naturel liquéfié, NDLR) en Allemagne", avait indiqué Steffen Hebestreit, le porte-parole du chancelier Olaf Scholz, lors d'une conférence de presse régulière.

"Le gaz liquéfié est une solution alternative à l'importation de gaz russe", avait-il ajouté, rappelant que "plusieurs projets" de terminaux étaient déjà en gestation, notamment dans les villes de Brunsbüttel et Stade, au nord du pays. Ces derniers doivent "être accélérés", avait-il affirmé, alors que les chantiers n'ont toujours pas commencé en raison de difficultés administratives et financières, malgré leur lancement en 2019 par le gouvernement d'Angela Merkel. Ces projets, menés par des acteurs privés, sont subventionnés par les pouvoirs publics.

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Le Qatar ne pourra pas sauver l'Europe à lui seul

Au-delà de l'Allemagne, la Russie fournit plus de 40% des importations européennes de gaz. Les Occidentaux s'efforcent actuellement de trouver des solutions alternatives, notamment en augmentant les livraisons de GNL. La semaine dernière, le Qatar a déclaré qu'il ne pourrait pas sauver l'Europe à lui seul si la Russie interrompt ses livraisons de gaz. L'émirat du Golfe possède d'immenses réserves et il est le premier exportateur mondial de gaz naturel liquéfié. Mais ce pays est au maximum de ses capacités de production et il doit déjà honorer des contrats à long terme avec l'Asie.

Lors d'une vidéoconférence, Saad al-Kaabi a déclaré au commissaire européen à l'Energie, Kadri Simson, que le Qatar était prêt à aider l'Europe "en cas de besoin".

"Le Qatar est prêt à soutenir nos partenaires du monde entier en cas de besoin", a répété mardi Saad al Kaabi. Cependant, a-t-il ajouté, "le volume de gaz dont l'UE a besoin ne peut être remplacé unilatéralement par qui que ce soit, sans perturber l'approvisionnement d'autres régions du monde. La sécurité énergétique de l'Europe nécessite un effort collectif de la part de nombreuses parties", selon lui.

L'Europe ne peut obtenir des approvisionnements d'urgence que si les principaux clients d'Asie de l'Est parmi lesquels le Japon et la Corée du Sud acceptent que certaines de leurs livraisons soient réaffectées, estiment des experts. Les Etats-Unis ont également discuté avec l'Australie de l'approvisionnement en gaz et pourraient fournir leur propre gaz naturel.

Le Japon prêt à livrer du GNL à l'Europe

Or, ce mercredi, le Japon s'est positionné en annonçant qu'il allait livrer à l'Europe certaines de ses importations de GNL. Plusieurs navires-citernes qui devaient originellement transporter du GNL au Japon ont déjà mis le cap vers l'Europe et devraient y arriver ce mois-ci, et d'autres devraient les imiter en mars, a déclaré devant la presse à Tokyo le ministre japonais de l'Économie, du Commerce et de l'Industrie (Meti), Koichi Hagiuda. Le ministre n'a cependant pas précisé les volumes qui seront fournis et vendus en Europe aux prix du marché. A la place, il a souligné que l'importance de ces livraisons était conditionnée au fait que le Japon soit d'abord lui-même suffisamment servi en GNL. L'archipel nippon est l'un des premiers importateurs mondiaux de GNL, dont il dépend beaucoup pour assurer sa production d'électricité, faire fonctionner ses usines et chauffer en hiver. Mais le Japon risque de n'avoir pas beaucoup de gaz à envoyer en Europe, comme il peine lui aussi à s'approvisionner en quantités suffisantes en ce début d'année où le froid est rigoureux dans le pays

Koichi Hagiuda a d'ailleurs mentionné la situation énergétique "difficile" du Japon en ce moment, tout en expliquant que Tokyo voulait répondre à des appels des ambassadeurs des Etats-Unis et de l'Union européenne au Japon pour aider l'Europe à s'approvisionner suffisamment en GNL. Le ministre a rappelé la solidarité des pays occidentaux envers le Japon, quand ils lui avaient livré du gaz après le tsunami et la catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011.

Le Japon ménage toutefois la Russie, l'un de ses grands voisins avec lequel il a un différend territorial sur quatre îles de l'archipel des Kouriles, annexées par l'Union soviétique après la fin de la Seconde Guerre mondiale et jamais restituées à Tokyo depuis, empêchant la signature d'un traité de paix entre les deux Etats.

L'Azerbaïdjan prête à livrer l'Europe

Par ailleurs, vendredi, une délégation de l'UE était en Azerbaïdjan dans le cadre des efforts européens pour diversifier en accéléré les sources d'approvisionnement et réduire la dépendance au gaz russe. Objectif : que l'Azerbaïdjan va augmenter les livraisons de gaz vers l'Union européenne via le Southern Gas Corridor (SGC), un complexe de trois gazoducs reliant l'Azerbaïdjan, la Géorgie, la Turquie, la Grèce, l'Albanie et enfin la mer Adriatique, en arrivant en Italie. Terminé en 2020, ce réseau était destiné à réduire la dépendance au gaz russe. Bakou a commencé fin 2021 à y envoyer du gaz vers l'Europe, depuis le gigantesque gisement de Shah Deniz. Bruxelles souhaite que le volume de gaz azerbaïdjanais exporté vers l'Europe atteigne les 10 milliards de mètres cubes par an, ce qui est bien l'objectif affiché par le SGC à pleine capacité. Est également souhaitée, une possible extension du corridor gazier, en fonction des "attentes du marché".

L'Azerbaïdjan a exporté 19 milliards de mètres cubes de gaz en 2021, dont 8,5 milliards vers la Turquie (soit plus que les six milliards prévus initialement), 7 milliards vers l'Italie et le reste vers d'autres pays du corridor (Géorgie, Grèce, Bulgarie). Le ministre azerbaïdjanais de l'Energie, Parviz Chahbazov, a pour sa part indiqué que des pays des Balkans avaient également demandé à être livrés. Ces livraisons, faibles depuis des mois, ont contribué à une flambée historique des prix, des voix accusant Moscou d'entretenir sciemment cette situation afin d'obtenir de l'Europe la mise en service du gazoduc Nord Stream 2.

Nord Stream 2 fermé en cas d'attaque russe, dit Olaf Scholz

Sur ce point, le chancelier allemand Olaf Scholz a assuré ce mardi à un groupe de sénateurs américains que le gazoduc Nord Stream 2 "n'irait pas de l'avant" si jamais la Russie envahissait l'Ukraine, selon le républicain Mitch McConnell.

Le chancelier allemand n'avait pas été aussi explicite lors d'une conférence de presse avec Joe Biden, se contentant d'assurer que Washington et Berlin prendraient "les mêmes mesures" en cas d'invasion russe. Joe Biden a lui promis de "mettre fin" au gazoduc controversé sans préciser comment les Etats-Unis pourraient couper cette infrastructure sous-marine reliant directement la Russie à l'Allemagne, si Berlin s'y opposait.

"Je vous assure que nous y arriverons", a-t-il seulement déclaré.

La question du Nord Stream 2 -- achevé mais pas encore en service -- pèse depuis des années sur les relations entre Washington et Berlin, mais elle a pris une acuité toute particulière avec la crise autour de l'Ukraine.