
A l'heure où l'éventualité d'une offensive russe contre l'Ukraine plane, la crise diplomatique alimente aussi les craintes sur une possible suspension par Moscou des livraisons de gaz naturel en Europe. Et fait naître des tensions sur les approvisionnements en ce combustible fossile, signe de la dépendance du Vieux continent à son voisin de l'Est en matière d'énergie.
Et pour cause, avec 40% des importations, Moscou reste le premier fournisseur de gaz naturel des Vingt-sept, puisque celui-ci représente 20% de leur consommation totale. Un chiffre qui recouvre néanmoins des situations disparates, entre une Autriche engluée dans le gaz russe, et une France parmi les moins exposées.
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En effet, alors que la consommation énergétique de l'Hexagone repose à 21% sur cette source d'énergie, la Norvège demeure son principal fournisseur, loin devant le pays de Poutine. Ainsi, malgré une baisse des flux de gaz en provenance de la Russie « constatée depuis plusieurs semaines », l'approvisionnement « ne suscite, à date, pas d'inquiétude particulière » sur le territoire, a fait savoir ce jeudi 3 février GRTgaz, le gestionnaire de l'essentiel du réseau gazier national. Et ce, malgré une hausse de la consommation de 6% sur l'année, du fait d'un climat plus froid qu'en 2020.
Une plaque d'importation de gaz naturel liquéfié
Concrètement, les stockages étaient « bien remplis » au début de l'hiver, à hauteur de 95%, a précisé Thierry Trouvé, le directeur général de GRTgaz. Ils ont depuis subi des soutirages « soutenus » pendant l'hiver, qui ont été en partie compensés par des réinjections en fin d'année 2021. Résultat : au 31 janvier, ils étaient chargés à 33%, soit « légèrement moins » que les années précédentes. Mais la situation reste « assez favorable », la France s'avérant « moins en-dehors des clous » que plusieurs de ses pays voisins, notamment l'Allemagne, les Pays-Bas et l'Italie.
Capture d'écran du Bilan gaz & gaz renouvelables 2021 de GRTGaz
D'autant que l'Hexagone peut compter sur le boom du gaz naturel liquéfié (GNL), en provenance « d'un peu partout » et notamment du Qatar, premier exportateur mondial en la matière. Et pour cause, la France compte pas moins de quatre terminaux méthaniers, ces installations permettant de regazéifier le GNL : deux à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), un à Montoir-de-Bretagne (Loire-Atlantique) et un près de Dunkerque (Nord), qui « jouent à plein leur rôle » depuis le début de l'année, a noté Thierry Trouvé.
Impact sur les prix, déjà historiquement hauts
Reste que, malgré cette situation plutôt rassurante, si la Russie venait à attaquer l'Ukraine, « on rentrerait dans un monde plus inconnu », a-t-il fait valoir. Mardi, le le ministre de l'Energie du Qatar a d'ailleurs averti l'Union européenne que, malgré ses formidables réserves d'hydrocarbures, il ne pourra pas à lui tout seul compenser les dizaines de milliards de mètres cubes de gaz qui viendraient à manquer.
« C'est une situation particulière, et nous restons vigilants. [...] On surveille comme de l'huile sur le feu », a ainsi assuré Thierry Trouvé.
Une perturbation plus importante de l'offre russe aurait aussi d'autres effets sur les cours, déjà agités par une flambée historique ces derniers mois. « Les conséquences sur les prix seraient certainement plus importantes encore que ce que nous connaissons aujourd'hui », a souligné le directeur général de GRTGaz. De quoi constituer un cocktail explosif, et rappeler crûment la réalité à une Europe qui cherche à se décarboner et gagner en souveraineté énergétique, mais reste prise au piège des combustibles fossiles.
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