Blocage des médias en Russie : « le vocabulaire utilisé par les journalistes ne doit pas violer les recommandations officielles »

Par latribune.fr  |   |  779  mots
« Certains médias officiellement enregistrés essaient de suivre ces recommandations et cela se voit dans le contenu des documents » (Crédits : Photographie de Romain Longieras / Hans Lucas /Reuters)
Le gendarme russe des télécoms Roskomnadzor a bloqué mercredi les sites de dizaines de médias, dont le site de la BBC. La veille, les images de la journaliste Marina Ovsiannikova faisant irruption en plein JT d'une chaîne officielle, avaient fait le tour du monde. Alors que la Russie dispose d'une importante diaspora à l'étranger, notamment en Israël, le Kremlin veille aussi à restreindre l'accès à ces sources d'information alternatives. Quel est l'impact réel de ce contrôle de l'Etat sur le paysage média russe ? Explications.

Le contrôle de l'information se durcit chaque jour un peu plus en Russie, à mesure que le conflit déclenché en Ukraine perdure. Tandis que le Kremlin présente son action aux citoyens comme une "opération militaire spéciale" visant à "dénazifier" l'Ukraine, se joue en même temps l'adhésion de l'opinion publique russe à la guerre menée par Vladimir Poutine contre un pays et une population culturellement proche. 

Après avoir promulgué le 4 mars une loi introduisant quinze ans de prison pour tout partage d'informations discréditant l'action de l'armée russe, le Kremlin avait ensuite coupé l'accès à Facebook et Instagram et ralenti le trafic sur Twitter. Avant même cette nouvelle loi anti fake news, « immédiatement après le début de l'opération militaire, les médias russes ont reçu des recommandations sur la couverture de l'opération de la part de l'autorité de régulation. La grande majorité des médias officiellement enregistrés essaient de suivre ces recommandations et cela se voit dans le contenu des documents, le vocabulaire utilisé est tel qu'il ne viole pas les recommandations officielles », explique à La Tribune un Moscovite travaillant dans le domaine de la communication qui souhaite garder l'anonymat.

La veille, les images de Marina Ovsiannikova, une journaliste-productrice employée de la chaîne russe Channel One surgissant avec une pancarte "No War" dénonçant "la propagande du Kremlin" en plein JT, avait fait le tour du monde. Immédiatement arrêtée, la jeune femme a été libérée mais elle est en attente d'un jugement.

La contrôle des images devient prioritaire pour le Kremlin. Dernière restriction ce mercredi, le gendarme russe des télécoms Roskomnadzor a bloqué les sites d'au moins 15 médias supplémentaires, a constaté l'AFP. Les sites du média d'investigation renommé Bellingcat, de médias locaux russes, ainsi que de médias russophones basés en Israël et en Ukraine étaient inaccessibles mercredi en Russie sans réseau privé virtuel (VPN), ont observé des journalistes de l'AFP.

Interrogé par La Tribune, ce Moscovite confirme ce dernier blocage : « Avec ses enquêtes, Bellingcat était jusqu'ici régulièrement cité par les médias et la télévision russes depuis 2014. Pour l'instant, la version russe est encore accessible aux utilisateurs de certains fournisseurs d'accès à Internet car le blocage du service Internet n'est pas instantané. »

« La principale menace est la réduction des recettes publicitaires »

Parmi les sites basés en Russie bloqués, on compte le média indépendant Kavkazkï Ouzel (Kavkaz-uzel.eu), couvrant le Caucase, ainsi qu'un média régional basé dans l'Oural, à Perm (permdaily.ru). « Perm Daily n'est pas un site renommé pour ses qualités journalistiques. Ce site ressemble à un produit de la propagande militaire ukrainienne. Au-delà du conflit, le site n'est, semble-t-il, pas financé par la publicité. Mais il est impossible de savoir qui est propriétaire de ce site », explique le communicant.

Ces blocages vont-ils impacter la consommation d'informations des Russes ?

« Je ne pense pas que cela change quoi que ce soit. Personnellement, je lis les chaînes Telegram le matin et je regarde YouTube le soir. », répond le Moscovite. « Il me semble que la principale menace pour les médias en Russie est la réduction des recettes publicitaires en raison de la crise de l'économie et des sanctions imposées. Certains médias seront obligés de fermer », s'inquiète ce Russe qui raconte aussi chercher désormais à « regarder des programmes télévisés et des programmes sportifs. Les chaînes publiques diffusent désormais davantage de talk-shows politiques. »

Le contrôle des médias hors des frontières

Plusieurs médias d'informations ukrainiens ont également été bloqués (novosti.dn.ua; bukinfo.ua) et un média estonien, Postimees, qui a une version en russe.

Roskomnadzor a par ailleurs suspendu l'accès à deux médias russophones basés en Israël, où vit une importante communauté ayant immigré d'ex-URSS: 9 TV Channel Israel (www.9tv.co.il) et Vesty Israel (www.vesty.co.il).

Il y a deux semaines, le régulateur russe avait déjà restreint l'accès aux sites étrangers de la BBC, Deustche Welle, mais aussi les médias russes indépendants Meduza et Radio Svoboda. Mercredi 16, le site de la BBC était désormais bloqué, selon l'agence Reuters. De son côté, l'Union européenne a banni la diffusion des chaînes financées par le Kremlin, Russia Today (RT) et Sputnik, entrainant leur fermeture en France.

En Russie, les sites interdits apparaissent désormais sur la liste officielle des ressources bloquées par Roskomnadzor.