Budget italien : Rome refuse de céder face à ses partenaires européens

Par latribune.fr  |   |  875  mots
(Crédits : ALESSANDRO BIANCHI)
Le gouvernement italien a jusqu'à ce mardi 13 novembre au soir pour proposer des amendements à son projet de budget pour 2019, rejeté par Bruxelles le mois dernier pour "non-conformité grave" avec les règles européennes du Pacte de stabilité et de croissance. Mais la coalition populiste au pouvoir en Italie devrait camper sur ses positions, tablant toujours sur un déficit de 2,4% du PIB en 2019.

[Article publié le 13/11 à 9h43, mis à jour à 13h10 avec les précisions de Giovanni Tria]

Jour de vérité sur le front du budget italien. Bruxelles a donné jusqu'à ce mardi 13 novembre au gouvernement de coalition pour revoir sa copie sur son projet de budget 2019, rejeté le mois dernier pour "non-conformité grave" avec les règles communautaires du pacte de stabilité et de croissance - une première dans l'histoire de l'Union européenne. Mais les dernières déclarations des dirigeants politiques de la péninsule laissent entendre que Rome ne reculera pas, au risque d'une escalade et d'une procédure de sanction.

Jean-Claude Juncker déplore que l'Italie s'éloigne du Pacte de stabilité

Pour autant, les dirigeants européens disent toujours espérer des avancées sur le budget italien. Devant l'association de la presse étrangère à Berlin, le ministre allemand des Finances Olaf Scholz a assuré que personne ne demandait à l'Italie une politique d'austérité. "Mais quand on a une dette publique qui représente 130% du PIB on doit agir plus prudemment qu'un autre qui serait dans une position différente". La dette publique de l'Italie, actuellement à quelque 131% du PIB, constitue le ratio plus élevé de la zone euro après la Grèce. Rome a promis de la ramener à 126,5% en 2021.

"Je m'attends à ce que le gouvernement italien prenne les décisions nécessaires qui permettront d'éviter des difficultés (...) Nous sommes assez optimistes et pensons qu'au bout du compte une bonne solution prévaudra", a-t-il ajouté.

Interrogé par la chaîne allemande N-TV, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a quant à lui dit être "modérément inquiet" concernant l'état des relations entre l'Italie et le reste de l'Union européenne, tout en estimant que Rome "s'éloignait des exigences minimales" fixées par le Pacte de stabilité et de croissance de la zone euro.

"Les Italiens s'éloignent non seulement de ce à quoi ils se sont engagés mais aussi des exigences minimales du Pacte de stabilité", a-t-il déclaré.

En optant pour un déficit budgétaire de 2,4% du PIB en 2019, le nouveau gouvernement italien s'est forcément placé en porte à faux avec les engagements pris par le précédent gouvernement auprès de Bruxelles. En effet, le précédent gouvernement de centre gauche avait promis 0,8% en 2019, et le même chiffre en 2020 et 2021.

--

[La dette publique de l'Italie, actuellement à quelque 131% du PIB, est la deuxième plus élevée de l'UE après celle de la Grèce. Un graphique de notre partenaire Statista]

--

L'office du budget chiffre le déficit à 2,6% et non pas à 2,4% en 2019

Le 12 novembre, l'organisme italien indépendant chargé d'évaluer le budget a estimé que le déficit atteindrait en fait 2,6% et non 2,4%. Devant une commission parlementaire, son président Giuseppe Pisauro a expliqué cette divergence par des hypothèses macroéconomiques moins optimistes que celles du gouvernement et par l'impact de la hausse des coûts d'emprunt sur les comptes publics.

Si, comme les dirigeants politiques italiens le répètent depuis le début du bras de fer, le gouvernement refuse d'amender son budget, la Commission pourrait remettre un rapport critique sur la dette italienne lors de sa réunion du 21 novembre, premier pas vers une procédure disciplinaire contre l'Italie susceptible d'aboutir à une amende, correspondant à 0,2% de son PIB (soit quelque 3,4 milliards d'euros).

La Commission attend généralement les données définitives sur les finances publiques, publiées en avril, avant d'ouvrir formellement une procédure contre un État de la zone euro. Mais dans le cas de l'Italie, elle pourrait passer à l'action sur la base de ses propres prévisions économiques qui sont moins optimistes que celles de Rome.

La prévision de croissance du budget 2019 "pas négociable" avertit Giovanni Tria

En effet, dans sa forme actuelle, le projet de budget italien s'appuie sur une prévision de croissance de 1,5% en 2019, alors que Bruxelles table sur 1,2%. Au regard de sa propre estimation, la Commission européenne craint une aggravation du déficit public italien et estime que les mesures de relance sociales (revenu universel, avancée de l'âge des départs à la retraite) et fiscales n'auront pas l'incidence attendue sur le dynamisme économique transalpin.

La presse italienne relatait hier que le ministre de l'Économie Giovanni Tria envisagerait de ramener cette estimation à 1% ou 1,2% et que le nouveau projet de budget pourrait être assorti d'un mécanisme de réduction automatique des dépenses publiques en cas de dépassement du seuil fixé pour le déficit. Mais dans un bref communiqué ce mardi, il a indiqué que "le taux de croissance n'est pas négociable".

"Les prévisions de croissance résultent d'une évaluation extrêmement technique. Pour cette raison elles ne peuvent pas devenir un objet de négociation à l'intérieur ou à l'extérieur du gouvernement."

Le "spread" repart à la hausse

Les rendements italiens se sont tendus le 12 novembre à l'approche de la date butoir pour le budget amendé. Le rendement italien à 10 ans a pris près de sept points de base, à 3,466%, et le "spread" avec le Bund de même échéance a atteint 308 points, au plus haut depuis le début du mois.

(avec Reuters)