Chine  : une accélération de la croissance en forme de trompe-l'œil

Par latribune.fr  |   |  830  mots
La Chine, longtemps décrite comme « l'atelier du monde », reste très dépendante des exportations malgré la montée en gamme de son économie. (Crédits : Thomas Peter)
La Chine a vu sa croissance accélérer au deuxième trimestre, selon des chiffres officiels publiés lundi qui masquent toutefois les difficultés de la deuxième économie mondiale, confrontée à une conjoncture délicate et un chômage des jeunes record.

C'est un peu l'arbre qui cache la forêt. Si le PIB chinois a bondi  de 6,3%, selon le Bureau national des statistiques (BNS), cette croissance est non seulement très inférieure aux attentes des analystes interrogés par l'AFP qui tablaient sur une hausse de 7,1%, elle est également calculée par rapport à la même période de l'année dernière, qui avait été marquée par une performance très modeste (+0,4%), en raison, notamment du confinement de la capitale économique Shanghai.

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D'un trimestre à l'autre en revanche, base de comparaison plus réaliste, la croissance du géant asiatique se tasse (+0,8%) après une hausse de 2,2% au cours du premier trimestre.

« L'atelier du monde » tourne au ralenti

La Chine, longtemps décrite comme « l'atelier du monde », reste très dépendante des exportations malgré la montée en gamme de son économie. Mais la menace de récession aux Etats-Unis et en Europe, combinée à l'inflation, contribue à affaiblir la demande internationale en produits chinois. En juin, les exportations étaient en repli pour le deuxième mois consécutif (-12,4% sur un an).

Par ailleurs, les tensions entre la Chine et les Etats-Unis ont une résonance particulière au niveau économique. Certains responsables américains appellent à un découplage des deux économies pour réduire la dépendance de Washington au géant asiatique. Les Etats-Unis ont également renforcé au nom de la « sécurité nationale » les restrictions pour l'exportation de semi-conducteurs vers la Chine, faisant pression sur leurs alliés pour en faire de même.

La déflation, une menace pour l'économie

Les ventes au détail, principal indicateur de la consommation des ménages, ont quant à elles connu en juin un nouveau tassement. L'indicateur est certes en hausse sur un an (+3,1%) mais ce rythme est bien moindre que celui de mai (12,7%). Pourtant, depuis quelques mois en Chine, les prix des biens et services sont quasi stables. Mais, si ce phénomène peut sembler une bonne chose pour le pouvoir d'achat, la déflation est une menace pour l'économie. Car au lieu de dépenser, les consommateurs reportent leurs achats dans l'espoir de baisses de prix.

Le taux de chômage des jeunes a atteint un nouveau record en juin

Conséquence : le taux de chômage des jeunes Chinois âgés de 16 à 24 ans a atteint un nouveau record en juin, à 21,3%. Le chiffre général est pour sa part stable d'un mois sur l'autre (5,2%) mais il ne tient compte que des chômeurs comptabilisés dans les grandes villes. « Les entreprises sont réticentes à embaucher en raison d'une faible demande de consommation, tandis que les consommateurs hésitent à dépenser » du fait de la conjoncture, résume l'économiste Larry Hu, de la banque d'investissement Macquarie, parlant d'un « cercle vicieux ».

Le secteur immobilier englué dans la crise

Il faut « se préparer psychologiquement à voir d'autres signes de grave détérioration de l'économie chinoise », mettent en garde les analystes de SinoInsider, un cabinet spécialisé sur la Chine basé aux Etats-Unis. Et de souligner que le secteur immobilier, longtemps un moteur de l'économie chinoise, reste englué dans une crise, qui menace la survie des promoteurs. Voilà pourquoi, il faut « faire preuve de scepticisme à l'égard des données officielles », selon SinoInsider. La banque centrale a récemment décidé de prolonger son soutien aux promoteurs, via notamment des extensions de remboursement de prêt, jusqu'à fin 2024. Des mesures « insuffisantes » pour « sauver » le secteur, estime l'analyste Ting Lu, de la banque Nomura.

Du mieux pour le secteur industriel

Rare embellie parmi les indicateurs publiés lundi : la production industrielle a progressé en juin (4,4%), contre 3,5% le mois précédent. Les analystes tablaient sur un rythme plus modéré (2,5%) de cet indicateur qui donne un aperçu de l'activité dans le secteur industriel. Ces derniers mois, les dirigeants chinois déroulent le tapis rouge aux grands patrons étrangers. Leur leitmotiv : l'économie chinoise a du potentiel et les investissements privés sont les bienvenus.

Pour stimuler l'activité, la banque centrale a procédé ces dernières semaines à plusieurs réductions de taux, au moment où nombre d'économistes plaident davantage pour un plan de relance. Les autorités privilégient pour l'heure des mesures ciblées et se refusent à lancer un tel plan qui creuserait l'endettement. De nouvelles mesures au cas par cas sont à prévoir en termes de « fiscalité, pour le logement et la consommation », anticipe l'économiste Lisheng Wang, de la banque d'affaires américaine Goldman Sachs.

Le chiffre officiel de la croissance en Chine, éminemment politique et sujet à caution, n'en reste pas moins toujours scruté de près compte tenu du poids de la deuxième économie mondiale. La Chine vise environ 5% de croissance cette année, un objectif qui pourrait toutefois être difficile à atteindre, a averti le Premier ministre chinois Li Qiang.

(Avec AFP)