Climat : le pape François pourfend "les intérêts du marché divinisé"

Par latribune.fr  |   |  518  mots
"Que signifie le commandement "Tu ne tueras point" dès lors que 20% de la population mondiale consomme les ressources dans une telle mesure qu'elle vole aux nations pauvres et aux générations futures ce dont elles ont besoin pour survivre?", écrit le pape.
Dans une encyclique très attendue sur l'environnement, le pape François condamne le modèle consumériste et appelle à un changement radical de modèle de développement.

Le pape dit non au "paradigme consumériste". Dans la première encyclique entièrement de sa main, publiée jeudi 18 juin, Jorge Bergoglio n'hésite pas à établir un lien entre la défense de l'environnement et celle des plus pauvres : "protéger la maison commune" contre le réchauffement climatique implique également un changement de modèle de développement, estime le pape François, qui appelle ainsi les puissants à agir en ces deux sens.

"Tout ce qui est fragile (...) reste sans défense"

Le modèle consumériste en en effet complètement désintéressé au "bien commun", explique-t-il dans ce texte de 200 pages dont le titre, Laudato si (Sois loué), est inspiré d'un cantique de son modèle, François d'Assise. Au contraire, le marché "crée un mécanisme consumériste compulsif pour placer ses produit".

"Aujourd'hui, tout ce qui est fragile, comme l'environnement, reste sans défense par rapport aux intérêts du marché divinisé, transformé en règle absolue", résume-t-il, observant par ailleurs que "la soumission de la politique à la technologie et aux finances se révèle dans l'échec des Sommets mondiaux sur l'environnement".

Bannir au plus vite le pétrole et le charbon

Ce modèle ne peut toutefois pas s'imposer comme "paradigme" de l'humanité, considère le pape, qui appelle ainsi à un changement de "style de vie, de production et de consommation", nécessaire afin d'éviter que la Terre ne se transforme en un "immense dépotoir" mais aussi profitable tant au sens de l'existence qu'aux économies.

Parmi les "actions quotidiennes" permettant de réaliser une "citoyenneté écologique", il cite notamment la consommation de produits du commerce équitable, une réduction de l'utilisation de la climatisation, une meilleure réduction des déchets. A l'échelle collective, il appelle à bannir le recours aux énergies fossiles, et à les remplacer, "progressivement" mais "sans retard", par des énergies renouvelables. Il considère aussi "indispensable le développement d'institutions internationales plus fortes et efficacement organisées".

"L'approche écologique se doit d'être aussi sociale"

Surtout, écrit le pape, la justice doit être intégrée "dans les discussions sur l'environnement". Trop souvent, on n'aperçoit pas clairement que les "iniquités" écologiques frappent surtout les pauvres, dénonce-t-il, et cet aspect ne devient qu'une "appendice" des débats menés auprès des "centres de pouvoir", éloignés des intéressés. Or, "l'approche écologique se doit d'être aussi sociale".

Dans cette perspective, Jose Bergoglio n'hésite pas à dénoncer en termes très durs les comportements des pays les plus riches:

"Que signifie le commandement "Tu ne tueras point" dès lors que 20% de la population mondiale consomme les ressources dans une telle mesure qu'elle vole aux nations pauvres et aux générations futures ce dont elles ont besoin pour survivre?", écrit-il.

Et le pape d'appeler finalement les pays riches à accepter la décroissance:

"L'heure est venue d'accepter une certaine décroissance dans quelques parties du monde, mettant à disposition des ressources pour une saine croissance en d'autres parties", considère Bergoglio.

(Avec AFP et Ansa)