Comment Trump envenime les relations sino-américaines

Par latribune.fr  |   |  964  mots
"Je ne veux pas que la Chine me dicte ce que je fais", a déclaré Donald Trump sur la chaîne Fox.
Le président élu des Etats-Unis a menacé dimanche de ne plus reconnaître une "Seule Chine".

Le président élu des Etats-Unis Donald Trump a menacé dimanche de ne plus reconnaître une "Seule Chine" qui a conduit Washington à interrompre en 1979 ses relations diplomatiques avec Taïwan, si Pékin ne fait pas de concessions notamment en matière commerciale. "Je ne sais pas pourquoi nous devons être liés à une politique d'une +Seule Chine+, à moins que nous passions un accord avec la Chine pour obtenir d'autres choses, y compris sur le commerce", a déclaré Donald Trump sur la chaîne Fox.

"Je ne veux pas que la Chine me dicte ce que je fais", a déclaré le président élu des Etats-Unis.

Il a également défendu avec véhémence sa récente conversation téléphonique avec la présidente de Taïwan, Tsai Ing-wen. Il a expliqué qu'il aurait été insultant de pas répondre à l'appel de Tsai Ing-wen qui voulait le féliciter pour sa victoire.

Trump accuse la Chine de ne pas coopérer

Outre les questions commerciales, Donald Trump a accusé la Chine de ne pas coopérer avec les Etats-Unis sur sa politique en matière de taux de change ainsi que sur les armements nucléaires ou encore sur les tensions dans la Mer de Chine méridionale, où Pékin renforce fortement sa présence militaire.

Concernant la menace présentée par les armes nucléaires de la Corée du Nord, le président élu a fait valoir que la Chine, le principal allié de Pyongyang, "pourrait résoudre ce  problème". Mais "ils (les Chinois) ne font rien pour nous aider", a-t-il lancé. Pourtant la Chine a fin novembre voté en faveur de nouvelles sanctions, quand l'ONU a resserré l'étau des sanctions internationales autour de la Corée du Nord en plafonnant les exportations nord-coréennes de charbon vers la Chine.

Le yuan sous-évalué?

"Est-ce que la Chine nous a demandé si c'était OK de dévaluer (sa) monnaie" pour doper ses exportations, s'est interrogé dimanche dernier sur Twitter le président élu américain. Cette accusation, répétée à l'envi par le magnat de l'immobilier lors de sa campagne, suscite des dénégations régulières de Pékin et est démentie par courtiers et analystes. Certes, le yuan évolue actuellement autour de 7 yuans pour un dollar, à son plus bas niveau depuis huit ans, et le régime communiste continue d'encadrer étroitement sa devise, qui fluctue dans une marge de 2% autour d'un cours-pivot déterminé par la Banque centrale.

Mais, de l'avis des analystes, son récent plongeon s'explique mécaniquement par le vigoureux rebond du dollar face à l'ensemble des devises, en prévision d'un relèvement des taux de la Réserve fédérale américaine (Fed) qui rendrait le billet vert plus attractif. Le yuan pâtit par ailleurs de fuites de capitaux hors de Chine, sur fond de conjoncture morose: l'hémorragie a été évaluée par l'agence Bloomberg à 1.000 milliards de dollars pour 2015 et s'est poursuivie cette année.

Or, après une dévaluation surprise de 5% orchestrée en août 2015, destinée officiellement à mieux prendre en compte le niveau réel du yuan, la Chine est intervenue massivement pour soutenir sa devise, soulignent les analystes - et non pas pour la faire baisser davantage, comme l'affirme Donald Trump. La Banque centrale puise ainsi abondamment dans ses réserves de changes pour enrayer la baisse du yuan, afin de "contrecarrer des fuites de capitaux toujours importantes, qui étaient d'environ 40 milliards de dollars" en septembre, explique Julian Evans-Pritchard, analyste de Capital Economics.

La Chine préfère voir "le yuan se renforcer ou au moins être stable" afin d'éviter une volatilité intempestive qui compromettrait son "internationalisation", notait en septembre Dariusz Kowalczyk, du Crédit Agricole. Le yuan "n'est plus sous-évalué", avait confirmé en mai 2015 le Fonds monétaire international.

Les cambistes se concentrent désormais sur les promesses de Donald Trump en termes d'investissements publics et de réductions d'impôts, y voyant un gage de croissance... à même de favoriser le renchérissement du dollar. Ironie de l'histoire: "Le yuan aura largement de quoi descendre plus bas si le président Trump s'engage dans des plans de relance massifs et des mesures protectionnistes", avait indiqué à l'AFP en novembre Michael Every, analyste de Rabobank.

Produits étrangers taxés?

Donald Trump a accusé Pékin de "taxer lourdement les produits importés", contrairement à ce que font les Etats-Unis chez eux. De fait, les chambres de commerce européenne et américaine à Pékin déplorent les restrictions dont pâtissent les firmes étrangères en Chine, plombées dans la plupart des secteurs par des droits de douanes pénalisants. Les automobiles importées font l'objet d'une taxe prohibitive d'au moins 25%, à laquelle s'ajoutent des taxes supplémentaires pour les voitures de luxe.

La Chine se justifie en expliquant que ces taxes à l'importation sont conformes aux règles de l'Organisation mondiale du commerce, à laquelle Pékin a adhéré en 2001 en tant que pays en développement. Par comparaison, les véhicules importés aux Etats-Unis ne sont taxés qu'à 2,5%. Un taux que Donald Trump se propose de remonter à 35% pour les voitures et camions fabriqués au Mexique. L'impétueux milliardaire a par ailleurs promis d'imposer des droits de douane de 45% sur les produits importés de Chine, et d'au moins 35% sur les produits d'entreprises américaines ayant délocalisé leur production à l'étranger.

A l'inverse, soucieux d'encourager la consommation, Pékin avait adopté en juin 2015 une baisse sensible sur une série de produits étrangers, allant des chaussures aux cosmétiques et à certains vêtements. "Nous allons ouvrir encore plus largement notre porte", a promis en novembre le président Xi Jinping.