Coup d'Etat au Niger : l'évacuation des ressortissants français et étrangers vers Paris s'intensifie

Par latribune.fr  |   |  1250  mots
De nombreux Français faisaient partie des passagers de l'avion qui a atterri dans la nuit de mari à mercredi à l'aéroport de Paris-Roissy Charles de Gaulle en provenance du Niger. (Crédits : Reuters)
Un avion en provenance de Niamey a atterri ce mercredi à l'aéroport de Paris-Roissy Charles de Gaulle, avec à son bord les premiers Français évacués. 600 ressortissants, sur les quelque 1.200 enregistrés sur les listes consulaires au Niger, veulent revenir en France après le renversement du président Mohamed Bazoum par un coup d'Etat militaire. Une manifestation, dimanche, devant l'ambassade ciblait la France, accusée de vouloir intervenir militairement, malgré les démentis de Paris.

Le premier avion a décollé de Niamey en soirée et a atterri, peu après 01H30 du matin à l'aéroport de Paris-Roissy Charles de Gaulle : à son bord des civils évacués par la France du Niger à la suite du coup d'Etat de l'armée qui a renversé le président Mohamed Bazoum.

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Ils étaient au total « 262 personnes à bord de l'avion qui est un Airbus A330, dont une douzaine de bébés », avait indiqué à l'AFP dans la soirée la ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna, expliquant que la « quasi-totalité des passagers sont des compatriotes ». Outre une grande majorité de Français, ont également atterri des Nigériens, des Portugais, des Belges, des Ethiopiens et des Libanais, a précisé le Quai d'Orsay à la presse présente à Roissy. Le ministère allemand des Affaires étrangères a d'ailleurs recommandé dans la journée « à tous ses ressortissants à Niamey », d'accepter l'offre de la France, quand l'Italie a annoncé se tenir prête à évacuer ses ressortissants de Niamey. De leur côté, les Etats-Unis n'ont pris aucune décision d'évacuation pour le moment, a indiqué mardi la Maison Blanche.

600 ressortissants français veulent quitter le pays

L'évacuation a été « bien organisée, ça a été assez vite, pour ma part tout s'est très bien passé », a témoigné Bernard, qui travaille depuis deux mois au Niger pour l'Union européenne. « A Niamey, il n'y a pas de tensions particulières en ville, pas de stress particulier, la population vaque à ses occupations », a décrit cet homme, parti avec le strict minimum. Raïssa Kelembho, une mère de famille rentrée du Niger avec ses deux garçons mais dont le mari est resté au Niger pour le travail explique, elle, qu'il y a eu « à un moment donné, [...] une sensation d'insécurité, on savait que tout pouvait basculer ».

Sur les quelque 1.200 ressortissants enregistrés sur les listes consulaires au Niger, selon Paris, 600 souhaiteraient revenir en France. Une partie étaient à bord d'un deuxième vol qui devait atterrir dans la nuit, avec à son bord également des Nigériens, Allemands, Belges, Canadiens, Américains, Autrichiens et Indiens, d'après le ministère français des Affaires étrangères. Le souhait des autorités est de clore l'opération à la mi-journée mercredi. Quatre avions de rapatriement ont pour l'instant été prévus. En revanche, l'évacuation des militaires français postés au Niger n'est en revanche « pas à l'ordre du jour », avait auparavant indiqué à la presse l'état-major des armées françaises.

La France pointée du doigt par les militaires

C'est la première évacuation massive de la France au Sahel où les coups d'Etat se sont multipliés depuis 2020. Une décision justifiée par Paris par « les violences qui ont eu lieu » contre son ambassade dimanche lors d'une manifestation hostile à la France, et par « la fermeture de l'espace aérien qui laisse nos compatriotes sans possibilité de quitter le pays par leurs propres moyens ». Toutes les frontières terrestres et aériennes du Niger avaient, en effet, été fermées mercredi, le soir du coup d'Etat. Mais Niamey, par la voix d'un putschiste, a annoncé dans la nuit de mardi à mercredi la réouverture « des frontières terrestres et aériennes » du Niger avec cinq pays voisins (Algérie, Burkina Faso, Libye, Mali et Tchad).

La France est pointée du doigt au Niger. Le mouvement M62, à l'initiative d'une manifestation pro-putschistes, a d'ailleurs dénoncé mardi l'évacuation organisée, souhaitant la suspension de certains de ses médias et appelant à un rassemblement pacifique chaque jour près de l'aéroport, « jusqu'au départ définitif des forces étrangères » présentes dans le pays. Ex-puissance coloniale dans la région et soutien indéfectible du président Bazoum, retenu depuis le 26 juillet dans sa résidence présidentielle, Paris apparaît comme la cible privilégiée des militaires qui l'ont renversé, dirigés par le général Abdourahamane Tiani. La junte a notamment accusé lundi la France de vouloir « intervenir militairement », ce que Paris a démenti fermement. « C'est faux », a affirmé la cheffe de la diplomatie française, Catherine Colonna sur la chaîne BFMTV. « Il faut démonter les intox et ne pas tomber dans le panneau », a-t-elle également déclaré à propos des slogans anti-français qui ont notamment fleuri lors de la manifestation devant l'ambassade de France à Niamey dimanche. Des milliers de manifestants favorables au putsch militaire ont, en effet, voulu entrer dans le lieu, avant d'être dispersés par des tirs de grenades lacrymogènes. Le président français Emmanuel Macron a menacé de répliquer « de manière immédiate et intraitable » à toute attaque contre les ressortissants de la France et ses intérêts au Niger.

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Sanctions de la Cédéao

Du côté des voisins du Niger, le Burkina Faso et le Mali, deux pays également gouvernés par des militaires, ont affiché, lundi soir, leur solidarité avec les putschistes en affirmant que toute intervention militaire pour rétablir Mohamed Bazoum serait considérée « comme une déclaration de guerre » à leurs deux pays et entraînerait leur retrait de la Cédéao (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest). Ils ont ajouté refuser d'appliquer les « sanctions illégales, illégitimes et inhumaines contre le peuple et les autorités nigériennes » décidées dimanche par la Cédéao à Abuja, la capitale du Nigeria. Celle-ci a notamment entrepris de « suspendre toutes les transactions commerciales et financières » entre ses Etats membres et le Niger, et de geler les avoirs des responsables militaires impliqués dans le coup d'Etat. Elle a également prévu une réunion des chefs d'état-major des pays qui la composent de mercredi à vendredi à Abuja, au sujet du putsch au Niger, comme elle l'a annoncé mardi soir. En parallèle, une délégation de la Cédéao, conduite par le Nigérian Abdulsalami Abubakar, doit se rendre mercredi au Niger, ont indiqué sous le couvert de l'anonymat une haute responsable de l'organisation ouest-africaine et un responsable militaire du Niger.

Les dirigeants ouest-africains, soutenus par leurs partenaires occidentaux, dont la France, ont fixé un ultimatum d'une semaine à la junte militaire au Niger pour un « retour complet à l'ordre constitutionnel », affirmant ne pas exclure un « recours à la force » si ce n'était pas le cas. L'Union européenne (UE) a ainsi prévenu qu'elle tiendrait les putschistes responsables « de toute attaque à l'encontre de civils, et de personnel ou installation diplomatiques » et « appuiera rapidement et résolument » les décisions de la Cédéao. En outre, l'Allemagne et l'Espagne ont annoncé suspendre leur aide au Niger. Les pressions pour pousser les auteurs du coup d'Etat du 26 juillet à rétablir rapidement « l'ordre constitutionnel » s'accumulent, en effet, venant de l'ensemble des partenaires occidentaux et africains du Niger, pays jugé essentiel dans la lutte contre les groupes jihadistes qui ravagent certaines parties des pays du Sahel depuis des années. La France et les Etats-Unis, notamment, y déploient respectivement 1.500 et 1.100 soldats qui participent à la lutte anti-jihadiste.

Enfin, la Russie, dont le drapeau a été agité par des manifestants pro-junte à Niamey, a appelé « à un rétablissement au plus vite de la légalité dans le pays » et « à la retenue ».

(Avec AFP)