Le gouvernement israélien lance « une offensive diplomatique » contre l'Iran dans l'attente d'une possible « riposte »

Par latribune.fr  |   |  1387  mots
Benjamin Netanyahou (Crédits : POOL)
Le ministre des Affaires étrangères israélien a annoncé lancer une « offensive diplomatique » contre Téhéran, ce mardi, en réponse à l'attaque massive et sans précédent lancée par l'Iran. La veille, l'armée israélienne a, elle, promis lundi « une riposte » malgré les appels de nombreux pays, Etats-Unis en tête, à éviter un embrasement au Moyen-Orient, où la guerre fait rage dans la bande de Gaza. Mais, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, pourtant sous pression, prend son temps pour rendre sa décision. De son côté, l'Iran a menacé d'une « réponse sévère, étendue et douloureuse » en cas de riposte israélienne.

[Article publié le lundi 15 avril 2024 à 22H52 et mis à jour le mardi 16 avril 2024 à 11H19] Une « offensive diplomatique », telle est la réponse à l'attaque sans précédent lancée par l'Iran dans la nuit de samedi à dimanche prônée par le ministre des Affaires étrangères israélien. Ce dernier a pris la parole, ce mardi, déclarant mener, « parallèlement à la réponse militaire aux tirs de missiles et de drones, une offensive diplomatique contre l'Iran ». Ce proche du Premier ministre Benjamin Netanyahou, considéré comme un des faucons de son gouvernement ultra-conservateur, souhaite imposer des sanctions contre Téhéran, et faire reconnaître le corps des Gardiens de la Révolution islamique comme organisation terroriste, « afin de freiner et d'affaiblir l'Iran ».

À cet effet, Israël Katz a dit avoir envoyé une lettre « à 32 pays » et s'être entretenu avec « des dizaines de ministres des Affaires étrangères et de personnalités du monde entier », sans toutefois préciser les Etats concernés. Pour rappel, les Gardiens de la Révolution islamique, organisation paramilitaire de la République islamique, est déjà listée comme organisation terroriste par les Etats-Unis et fait l'objet de sanctions de la part de l'Union européenne. « Il faut arrêter l'Iran maintenant, avant qu'il ne soit trop tard », a-t-il conclu.

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Le chef d'état major de l'armée promet une « riposte »

Ces propos font suite à ceux, la veille, du général Herzi Halevi, l'armée de l'Etat hébreu. Malgré les appels de nombreux pays, Etats-Unis en tête, à éviter un embrasement au Moyen-Orient, le chef d'état-major de l'armée, a promis, lors d'une visite de la base de Nevatim, dans le sud du pays, endommagée par les tirs iraniens, qu'Israël va « riposter au lancement de ces si nombreux missiles, missiles de croisière et drones sur le territoire de l'Etat d'Israël ».

« Nous ferons tout ce qui est nécessaire pour protéger l'État d'Israël, et nous le ferons à l'occasion et au moment que nous choisirons », a ajouté l'amiral Daniel Hagari, également présent lors de la visite de la base de Nevatim.

De son côté, Benjamin Netanyahou, également président du cabinet de guerre israélien qui s'est réuni dimanche puis lundi, est, pour l'heure, resté silencieux sur la forme que pourrait prendre une éventuelle riposte. Lundi soir, le Premier ministre s'est contenté d'appeler la communauté internationale à « rester unie » face à « l'agression iranienne, qui menace la paix mondiale » et a tenu à saluer « le soutien des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France et d'autres pays pour contrecarrer l'attaque iranienne ».

Dilemme

Sous pression, Benjamin Netanyahou prend son temps pour rendre sa décision. Doit-il frapper vite et fort au risque de l'embrasement ou jouer la montre pour empocher des gains diplomatiques ? Des ministres sont en revanche montés au créneau. Parmi les faucons, Itamar Ben Gvir, le ministre de la Sécurité intérieure qui, dès la nuit de l'attaque, a plaidé pour une réplique « écrasante. » Ce à quoi le chef de l'opposition, Yair Lapid, a répondu que « demander aux ministres de ce gouvernement d'adopter un comportement responsable est mission impossible, mais ils doivent au moins cesser de pérorer dans les médias en menaçant l'Iran ».

L'ancien Premier ministre Ehud Barak a, lui, fustigé ceux « qui veulent mettre le feu à tout le Moyen-Orient » et accusé Benjamin Netanyahou de n'obéir qu'à « des raisons personnelles de survie politique. »

Washington ne veut pas d'une guerre étendue avec l'Iran

Alliés historiques d'Israël, les Etats-Unis ont d'ores et déjà dit ne pas vouloir « d'une guerre étendue avec l'Iran » , et prévenu qu'ils ne participeraient pas à une opération de représailles contre Téhéran. Alors qu'ils ont contribué à défendre Israël lors de l'attaque iranienne, le Royaume-Uni et la France ont pris leur distance. Le chef de la diplomatie britannique, David Cameron, a également exclu une participation de son pays à une riposte et Emmanuel Macron a appelé à éviter un « embrasement » régional.

Israël joue gros dans cette affaire car, sans ses alliés occidentaux et arabes -Jordanie et Arabie saoudite-, son Dôme d'acier et ses chasseurs auraient probablement été saturés par le feu iranien. La coalition tactique menée par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France, et impliquant des pays de la région comme la Jordanie, est un projet qu'Israël avait en tête depuis plusieurs années. En septembre 2022 encore, Israël avait dit souhaiter la formation d'une « coalition de dissuasion » contre l'Iran et avait sollicité l'aide de nombreux pays, dont la France, sans que cela n'aboutisse.

Ce gain est donc précieux pour le pays, a fortiori alors que le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken évoquait fin-mars un risque pour Israël de « s'isoler davantage », au regard du lourd bilan civil de la guerre avec le Hamas à Gaza.

Paradoxalement, cette union sacrée face à l'Iran « limitera la liberté d'action pour sa réponse », notait sur X dimanche matin Tamir Hayman, le directeur de l'Institut d'études sur la sécurité nationale (INSS) et ancien militaire. Pour ne pas froisser ses alliés, Israël pourrait donc temporiser d'éventuelles représailles. Ce ne sera « pas frontal » pronostique Jean-Loup Samaan, chercheur à l'Institut français des relations internationales (IFRI), pour qui une telle option ne recueillerait pas l'aval américain.

Un diplomate d'un pays ayant participé à la coalition a dit à l'AFP être « satisfait » que « la ligne des faucons » ne l'ait pas emporté au cours du week-end.

« On leur dit : travaillons ensemble à la désescalade, il y a une fenêtre d'opportunité où vous avez la sympathie de l'opinion », commente le diplomate, ajoutant : « rien n'est exclu à ce stade ».

L'Iran menace d'une « réponse sévère » en cas de riposte d'Israël

De son côté, l'Iran ne compte pas non plus rester sans réponse en cas d'une riposte d'Israël. Lundi, son président, Ebrahim Raïssi, a, en effet, prévenu, au cours d'un entretien téléphonique avec l'émir du Qatar Tamim ben Hamad Al-Thani, que « la moindre action contre les intérêts de l'Iran entraînera certainement une réponse sévère, étendue et douloureuse contre tous ses auteurs ».

Le président iranien a indiqué que son pays avait visé ce week-end, « en exerçant son droit à l'autodéfense », les « centres » où avait été organisé le bombardement, imputé à Israël, d'une annexe de l'ambassade d'Iran à Damas, en Syrie, le 1er avril. Cette opération inédite « a été menée à bien avec succès avec l'objectif de punir l'agresseur », a-t-il ajouté.

Le président iranien a, par ailleurs, de nouveau dénoncé « le soutien aveugle de certains pays occidentaux au régime sioniste », qui est « une cause de tension dans la région », selon le communiqué.

Le vice-ministre des Affaires étrangères, Ali Bagheri, a également averti lundi soir sur la télévision d'Etat les autorités israéliennes que, en cas de réplique, « elles devront s'attendre à un coup plus fort, plus rapide et plus immédiat » de la part de l'Iran. « Elles n'auront pas un délai de 12 jours », a-t-il indiqué en référence à la durée ayant séparé la frappe de Damas et l'attaque contre Israël. « En fait, la réponse qu'ils recevront ne se mesurera pas en jours ou en heures, mais en secondes », a-t-il ajouté. Israël « ne devrait pas répéter cette erreur stratégique par une autre erreur », a-t-il encore prévenu.

Gaza bombardée

L'armée israélienne a bombardé lundi la bande de Gaza, après avoir affirmé que l'attaque iranienne ne la ferait pas dévier de ses objectifs face au Hamas, allié de l'Iran, cible de son offensive menée depuis plus de six mois dans le territoire palestinien. Pour le porte-parole de l'armée israélienne, le contre-amiral Daniel Hagari, les victimes de cette frappe étaient des « terroristes » agissant contre Israël. L'armée israélienne a, par ailleurs, annoncé que quatre soldats avaient été blessés en territoire libanais. Le Hezbollah avait affirmé auparavant avoir activé des « engins explosifs » au passage de soldats israéliens ayant traversé la frontière.