La hausse des taux d'intérêt se profile aux Etats-Unis

Par Ivan Best  |   |  772  mots
Janet Yellen, présidente du Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale
En refusant de se dire à nouveau "patiente", la Fed ne repousse plus l'hypothèse d'une hausse des taux d'intérêt. Elle aura lieu probablement en juin

La présidente de la Réserve fédérale, Janet Yellen, a renoncé à utiliser le mot « patient », qui traduisait jusqu'à maintenant l'attitude du comité de politique monétaire de la Banque centrale américaine à l'égard d'une hausse des taux d'intérêt. D'où l'assurance, pour le marché, d'une prochaine des hausses des taux  à court terme aux Etats-Unis, alors que ceux-ci sont proches de zéro depuis plus de six ans. Ce ne sera pas en avril, annonce  la Fed dans un communiqué diffusé ce soir,  à l'issue de la réunion de son comité de politique monétaire, sans doute en juin.

Un discours très positif...

La Fed a voulu prendre en compte l'état de l'économie américaine. Verre à moitié vide ou à moitié plein ? Même si elle a abaissé légèrement sa prévision de croissance, à 2,5%, elle a retenu le verre plein. On peut en effet tenir un discours très positif sur la croissance américaine. Les créations d'emplois ne sont-elles pas, chaque mois, au rendez vous, avec un chômage au plus bas, tombé à 5,5% en février ? L'OCDE, qui vient de réviser ses prévisions macro-économiques, n'attend-elle pas une croissance de 3,1% pour 2015, loin, très loin de la zone euro (+1,4%) ? L'organisation internationale souligne la force de cette croissance en dépit d'un hiver très rude au début de l'année, qui aurait pu affecter certaines activités.

... ou plus nuancé

On peut voir aussi le verre à moitié vide, ce que n'omet pas de faire la Fed, dont le discours est nuancé. En février, les salaires ont augmenté de... 0,1%, et de 2% sur 12 mois. Le revenu moyen des américains les moins aisés était en 2013 au même niveau qu'en 1980. Le taux de participation au marché du travail -proportion d'adultes en emploi oui inscrits au chômage est proche du son niveau le plus bas, à 62,8%, en raison d'un nombre important de chômeurs découragés : ils ne trouvent pas de job et n'ont plus droit aux allocations, ils cessent donc de faire les démarches pour être reconnus en tant que chômeurs.
En outre, 17,5 millions d'américains voudraient travailler à temps plein, mais doivent se contenter d'un temps partiel : si on les inclut dans les statistiques du chômage, son taux atteint 11%...

Trois chocs

En outre, trois chocs affectent actuellement l'économie américaine, qui pourraient peser d'ici quelques mois sur la croissance: la chute du pétrole, la hausse du dollar, et l'affaiblissement de l'activité à travers le monde.
Il y a d'abord la chute des cours pétroliers, qui affecte évidemment le secteur. Le développement du pétrole non conventionnel (de schiste) avait contribué à doper la première économie mondiale, au point de la rendre quasi auto-suffisante. Mais, au prix actuel sur le marché mondial - 53 dollars le baril pour le Brent, 42 dollars pour le WTI-, extraire ce pétrole américain n'est plus du tout rentable. D'où une chute des investissements, et de cette activité. Selon Patrick Artus, directeur des études économiques de Natixis, l'effondrement des cours du brut pourrait amputer de 0,75 point le PIB américain. Même si l'OCDE, dans un rapport publié ce mercredi, souligne le montant élevé d'économies que procure cette chute du pétrole aux ménages américains : chaque ménage est gagnant à hauteur de 90 dollars (85 euros) par mois, estiment les experts de l'organisation internationale.
Le deuxième choc est lié à la forte hausse du dollar face aux autres devises, vis-à-vis de l'euro notamment. Certes, les Etats-Unis sont moins ouverts sur l'extérieur que la plupart des pays industriels. Mais la remontée à vive allure du billet vert pourrait leur coûter, là aussi, 0,75 point de PIB, selon Patrick Artus.
Enfin, l'affaiblissement de la croissance à travers le monde - ralentissement chinois et de l'ensemble des pays émergents, activité japonaise décevante et zone euro encore en croissance très modeste- pourrait encore amoindrir l'activité américaine. Natixis évalue cet effet à 0,5 point de PIB en moins.

L'OCDE conseillait la prudence

Voila pourquoi . l'OCDE, quant à elle, avait estimé ce mercredi matin qu'il serait "raisonnable" que la Fed "attende plus longtemps avant de relever ses taux de manière à soutenir encore la demande privée". L'Organisation de coopération et de développemement économiques estime que la Fed nourrit "l'effet richesse" et le pouvoir d'achat des Américains en maintenant des taux très bas.

Mais la banque centrale américaine voit surtout la forte baisse du chômage, qui rapproche l'économie du plein emploi, ce qui constitue l'un  de ses objectifs. D'où la perspective d'une hausse des taux.