La Russie aurait demandé une aide à la Chine pour mener la guerre en Ukraine et contourner les sanctions : Washington met en garde Pékin

Par latribune.fr  |   |  1274  mots
(Crédits : Kim Kyung Hoon)
Selon le New York Times, Moscou a demandé l'aide économique et militaire de la Chine pour mener la guerre en Ukraine et contourner les sanctions occidentales. Avant la publication de l'article, des responsables américains avaient manifesté leur inquiétude et ont déclaré avoir prévenu la Chine que les Etats-Unis ne laisseront aucun pays compenser les pertes de la Russie dues aux sanctions économiques".

De quoi alimenter les craintes d'une alliance renforcée entre la Russie et la Chine, laquelle est déjà forte depuis de nombreuses années et ne cesse de monter en puissance. Selon le New York Times, Moscou a demandé l'aide économique et militaire de la Chine pour mener la guerre en Ukraine et contourner les sanctions occidentales.

Selon le quotidien américain, qui cite des responsables anonymes, la Russie a demandé à Pékin de lui fournir des équipements militaires pour la guerre, et une aide économique pour l'aider à surmonter les sanctions internationales. Ces responsables n'ont pas précisé la nature exacte de l'aide demandée, ni si la Chine avait répondu.

"Je n'ai jamais entendu parler de ça", a réagi un porte-parole de l'ambassade de Chine à Washington à plusieurs médias.

Washington prévient Pékin

Ces informations de presse ont été diffusées ce dimanche la veille d'une rencontre ce lundi à Romme entre le conseiller à la sécurité nationale du président américain Jake Sullivan et Yang Jiechi, le plus haut responsable du Parti communiste chinois pour la diplomatie. Une discussion sur les "efforts en cours visant à gérer la compétition entre nos deux pays et discuteront de l'impact de la guerre de la Russie contre l'Ukraine pour la sécurité régionale et mondiale", a indiqué Emily Horne, la porte-parole du Conseil national de sécurité de la Maison Blanche.

Bien avant la publication des informations du New York Times, Jake Sullivan avait déclaré sur CNN :

"Nous surveillons étroitement la mesure dans laquelle la Chine fournit, d'une manière ou d'une autre, qu'elle soit matérielle ou économique, une assistance à la Russie", avait dit, ajoutant que "c'est un sujet de préoccupation pour nous" vv

Depuis le début de la guerre, le régime communiste chinois, privilégiant son amitié avec Moscou, s'est abstenu d'appeler Vladimir Poutine à retirer ses troupes d'Ukraine.

Si elle apporte son aide à la Russie, "la Chine s'exposerait à des sanctions substantielles et se transformerait en paria; refuser garderait ouverte la possibilité d'une coopération" avec l'Occident, a estimé sur Twitter le diplomate américain Richard Haass, du think-tank Council on Foreign Relations.

La Chine dit vouloir empêcher une aggravation de la situation en Ukraine

En réponse à ces informations, l'ambassade chinoise aux Etats-Unis a déclaré que la priorité de la Chine est d'empêcher une aggravation de la situation.

"La situation actuelle en Ukraine est en effet déconcertante," le porte-parole de l'ambassade Liu Pengyu a dit dans un communiqué.

"La priorité maintenant est d'empêcher la situation tendue de s'aggraver ou même de devenir hors de contrôle. "La semaine dernière, la Chine s'est dite prête à participer « en cas de besoin » à une médiation internationale pour résoudre le conflit. Le président chinois Xi Jinping a par ailleurs appelé mardi dernier à "la plus grande retenue" dans le conflit ukrainien « pour éviter une crise humanitaire à grande échelle ». Lors d'un entretien téléphonique avec Emmanuel Macron et Olaf Scholz, l'homme fort de Pékin a assuré que la Chine était "profondément peinée d'assister à une nouvelle guerre sur le continent européen". La Chine "se tient prête à apporter une aide humanitaire à l'Ukraine", avait-il promis. Xi Jinping a répété l'opposition de principe de son pays à des sanctions internationales, jugeant que les mesures prises contre Moscou "causeront du tort à toutes les parties".

"L'amitié entre la Chine et la Russie est solide comme un roc" (Pékin)

Les liens entre la Russie et la Chine sont très forts. La semaine dernière, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, avait tenu des propos remarqués en déclarant que l'amitié entre la Chine et la Russie était « solide comme un roc » et que les perspectives de coopération future étaient « immenses » entre les deux pays.  Une déclaration à l'opposé de la posture des pays occidentaux, qui condamnent unanimement l'invasion russe depuis le premier jour. Mais qui ne surprend pas au regard des relations et intérêts économiques qui lient la Chine et la Russie depuis de nombreuses années. La relation politique et économique entre les deux pays s'est considérablement renforcée depuis l'invasion russe de la Crimée en 2014 et de précédentes sanctions contre le régime poutinien. Elles pourraient l'être davantage.

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Investissements dans les entreprises russes du secteur de l'énergie ?

Selon l'agence de presse Bloomberg, qui cite des sources proches du dossier, Pékin est en pourparlers avec ses entreprises d'État chinoises, dont China National Petroleum (CNPC), China Petrochemical, Aluminum Corp et China Minmetals, pour qu'elles achètent ou augmentent leurs participations dans des entreprises russes du secteur de l'énergie et des matières premières, notamment le géant du gaz Gazprom et le producteur d'aluminium Rusal. Certaines discussions entre les entreprises énergétiques chinoises et russes auraient même déjà débuté, selon des sources concordantes, fait valoir Bloomberg. Interrogés par l'agence financière anglo-saxonne, CNPC et China Petrochemical (connu sous le nom de Sinopec Group) ont refusé de commenter, selon les responsables de communication de ces sociétés. L'organisme de réglementation des actifs publics chinois Sasac, Aluminum Corp et Minmetals n'ont pas répondu immédiatement aux demandes de commentaires.

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Pour rappel, les présidents Xi Jinping et Vladimir Poutine ont signé le mois dernier, avant les Jeux olympiques d'hiver, une série d'accords visant à stimuler l'approvisionnement russe en gaz et en pétrole, ainsi qu'en blé. Gazprom et Rosneft figuraient parmi les géants russes de l'énergie qui ont scellé des accords lors de la rencontre des deux dirigeants à Pékin. Reçu en grande pompe, Vladimir Poutine, avait indiqué que l'amitié sino-russe est un "exemple de relation digne, où chacun aide et soutient l'autre dans son développement".

Selon Bloomberg, tout accord aurait pour objectif de soutenir les importations de la Chine, qui se concentre de plus en plus sur la sécurité énergétique et alimentaire, et non de montrer son soutien à l'invasion de la Russie en Ukraine, que n'a pas, néanmoins, condamné Pékin.

La guerre de la Russie en Ukraine a accru la pression sur la Chine pour sécuriser ses importations alors que le coût de l'énergie, des métaux et des denrées alimentaires atteint des niveaux sans précédent. Inquiets de l'impact de la flambée des prix sur l'économie, les hauts responsables du gouvernement chinois ont donné l'ordre de donner la priorité à la sécurité de l'approvisionnement en matières premières, avait rapporté Bloomberg la semaine dernière.

Les liens entre Moscou et Pékin se sont traduits par une hausse des exportations chinoises vers la Russie depuis le début de l'année. Car si la Chine a connu un tassement de ses exportations en janvier-février 2022, puisqu'elles n'ont progressé que de 16,3% sur un an (un rythme inférieur à l'an dernier où elles avaient bondi de 60,6% au cours de la même période), elles grimpent fortement vers la Russie selon des chiffres publiés par les Douanes chinoises. Sur les deux premiers mois de 2022 en effet, les ventes du géant asiatique vers son voisin russe ont bondi de 41,5% sur un an, sans  que le détail des produits concernés ait été précisé.

(Avec AFP, Bloomberg et Reuters)