La Turquie soigne ses relations avec la Russie et accepte de payer son gaz en roubles

Par latribune.fr  |   |  838  mots
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan s'est rendu à Sotchi en Russie, où il a signé avec son homologue russe, Vladimir Poutine, un accord pour renforcer la coopération économique et énergétique entre les deux pays. (Crédits : POOL)
Après avoir annoncé la veille la conclusion d'un accord pour « renforcer les échanges commerciaux » entre la Turquie et la Russie, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a indiqué que les livraisons de gaz russe, dont Ankara est très dépendant, se feront en roubles. Un moyen pour la Turquie de ne pas réduire davantage ses réserves de devises en dollars, très précieuses pour tenter de limiter la chute de la devise nationale.

C'est un nouveau geste du président turc Recep Tayyip Erdogan envers la Russie. La Turquie, qui refuse déjà d'appliquer les sanctions prises par les pays occidentaux contre la Russie suite à l'invasion en Ukraine, invoquant ses intérêts économiques, a signé vendredi avec Moscou un accord pour renforcer la coopération économique et énergétique entre les deux pays. Lors d'une visite à Sotchi, dans le sud de la Russie, Erdogan et son homologue russe Vladimir Poutine se sont mis d'accord pour « renforcer les échanges commerciaux » entre leurs pays et « aller à la rencontre des attentes mutuelles dans le domaine de l'économie et de l'énergie », selon un communiqué diffusé ce vendredi par le Kremlin.

En ce sens, Recep Tayyip Erdogan a confirmé que les livraisons de gaz russe à la Turquie seront payées en roubles. C'est ce qu'ont rapporté, ce samedi, les médias turcs citant les propos du chef de l'Etat à bord de son vol de retour de Sotchi. « Un aspect positif de notre visite à Sotchi est notre accord avec M. Poutine sur le rouble. Si Dieu le permet, nos échanges en roubles assureront des bénéfices à la Turquie et à la Russie », a-t-il ainsi déclaré. Les deux présidents se sont mis d'accord pour que les livraisons du gaz russe à la Turquie soient « partiellement payées en roubles », avait annoncé vendredi soir le vice-Premier ministre russe, Alexandre Novak. Recep Tayyip Erdogan n'a toutefois pas précisé le volume des transactions futures en roubles.

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Le paiement en rouble du gaz russe est l'une des conditions fixées par la Russie en réaction aux sanctions économiques prises par les pays occidentaux comme les Etats-Unis et l'Union européenne qui ont notamment décidé d'un embargo sur le pétrole russe. Une exigence qu'a refusée l'Union européenne. En conséquence, plusieurs pays comme la Pologne, la Bulgarie ou encore la Finlande se sont vues couper leur approvisionnement en gaz russe par le géant gazier Gazprom. Et les livraisons au reste de l'Europe ne cessent de décroître depuis plusieurs mois, forçant les Vingt-Sept à trouver, en urgence, des alternatives pour éviter des pénuries et rationnements cet hiver. C'est notamment le cas de l'Allemagne qui était encore dépendante à plus de 50% de la Russie pour son gaz avant le déclenchement de la guerre en Ukraine.. Un chiffre depuis descendu, à 35% ce qui contraint Berlin à se tourner de nouveau vers le charbon et le nucléaire.

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Dépendance et crise économique

La Turquie est, elle aussi, très dépendante de la Russie pour ses besoins en hydrocarbures. En 2021, elle représentait environ un quart des importations de pétrole de la Turquie et 45% de ses achats de gaz naturel. Difficile donc pour Ankara de fermer la porte à une telle manne. Payer le gaz russe, même partiellement, en roubles, représente un autre intérêt pour la Turquie. Elle peut ainsi ne pas réduire davantage ses réserves de devises en dollars, très précieuses. En effet, selon des économistes, le gouvernement turc aurait dépensé des dizaines de milliards de dollars l'année dernière pour tenter d'arrêter l'effondrement de la livre turque, qui a perdu près de la moitié de sa valeur en un an.

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Cette situation s'explique principalement par l'inflation sans limite qui pénalise le pays. Si elle s'est pratiquement stabilisée en juillet rompant avec la hausse continue enregistrée depuis l'été 2021, elle atteignait néanmoins 79,6% sur un an, contre 78,6% en juin - soit un repli de 2,37 points, selon les chiffres officiels publiés début août. Elle se maintient, ainsi, à des niveaux jamais atteints depuis l'arrivée au pouvoir du président Recep Tayyip Erdogan en 2003. Pour Istanbul, la hausse est encore plus marquée, selon la Chambre de commerce et d'industrie qui a annoncé lundi le chiffre de 99,1% de hausse des prix de détail sur l'année. D'autant que ces chiffres sont régulièrement contestés par des économistes indépendants et l'opposition qui considèrent que les données de l'Institut national des statistiques (Tüik) doivent être corroborées. Le Groupe de recherche sur l'inflation (Enag), composé d'économistes turcs indépendants, affirme que l'inflation a atteint 176,4% sur l'année: ce qui traduit quand même un ralentissement comparé à juin (175,6%) mais représente toujours plus de deux fois le taux officiel.

Mais Erdogan, pour qui le sujet est particulièrement brûlant à moins d'un an de l'élection présidentielle prévue en juin 2023, continue d'afficher sa certitude quant à une future baisse de l'inflation. « Une tendance à la stabilisation des prix a déjà commencé. Il y aura une amélioration dans notre pays », a-t-il promis.

(Avec AFP)