"Panama papers" : le gouvernement panaméen évoque des représailles

Par latribune.fr  |   |  828  mots
Le Panama a par ailleurs riposté aux accusations du secrétaire général de l'Organisation pour la Coopération et le Développement Économique (OCDE), qui a qualifié le paysde "dernière grande place" offshore.
Le petit pays d'Amérique latine compte "analyser la situation et envisager les mesures qui devront être prises, parmi lesquelles figurent des mesures de rétorsion" contre la France. Le cabinet d'avocats panaméen Mossack Fonseca, au cœur du scandale, a pour sa part porté plainte pour piratage.

Paris frappe, Panama riposte. La France a annoncé mardi 5 avril qu'elle allait réinscrire le Panama sur sa liste des paradis fiscaux après les révélations du scandale des "Panama papers".

Selon le secrétaire d'État au Budget Christian Eckert, l'arrêté permettant de réintroduire le Panama sur sa liste des États et territoires non coopératifs (ETNC), nom officiel des paradis fiscaux, sera pris "dans les jours qui viennent". Conséquence de cette réinscription: "des sanctions seront prononcées, en tous cas des retenues à la source importantes seront effectuées sur les transactions entre des sociétés françaises et des sociétés panaméennes lorsqu'il n'y a pas de justification économique", a-t-il précisé.

Une coopération fiscale "pas satisfaisante"

La France avait retiré le Panama de sa liste de territoires non coopératifs le 1er janvier 2012, après la signature d'une convention avec les autorités panaméennes sur la lutte contre l'évasion fiscale. Bercy avait toutefois précisé être "très attentif à l'évolution des échanges" avec ce pays lors de l'actualisation, en décembre, de sa liste des paradis fiscaux, jugeant "pas satisfaisante" sa coopération vis-à-vis des "demandes d'information des autorités françaises".

La Commission européenne l'a intégré dans une liste de 30 paradis fiscaux en présentant en juin 2015 son plan de lutte contre l'évasion fiscale des entreprises multinationales. Le Gafi, institution de lutte contre le blanchiment, l'a pour sa part retiré de sa liste grise, début 2016.

Une loi qui prévoit des mesures de rétorsion

En réponse à cette annonce, le petit pays d'Amérique latine a dit mardi envisager des mesures de représailles économiques. Lors d'une conférence de presse, le directeur de cabinet de la présidence, Alvaro Aleman, a déclaré:

"Au Panama, il existe une loi qui prévoit des mesures de rétorsion contre les pays qui incluraient le Panama sur les listes grises".

Concernant la France, "le gouvernement doit analyser la situation et envisager les mesures qui devront être prises, parmi lesquelles figurent des mesures de rétorsion", a-t-il ajouté.

Les accusations de l'OCDE "injustes et discriminatoires"

Le gouvernement du pays d'Amérique centrale a par ailleurs riposté aux accusations du secrétaire général de l'Organisation pour la Coopération et le Développement Économique (OCDE), qui a qualifié le Panama de "dernière grande place" offshore. Dans une lettre à laquelle l'AFP a eu accès, envoyée quelques jours après les révélations dites des "Panama papers" au chef de l'OCDE, Angel Gurria, le vice-ministre panaméen des Affaires étrangères, Luis Miguel Hincapié, affirme que "la stratégie d'ignorer les autres juridictions et de se concentrer uniquement sur le Panama est injuste et discriminatoire".

"De toute évidence, (vous) utilisez l'information émanant du récent rapport diffusé par les médias internationaux pour déformer les faits et ternir la réputation du pays", déclare-t-il.

Luis Miguel Hincapié accuse le chef de l'OCDE d'avoir pour dessein "de contraindre à l'adoption de la norme de l'OCDE pour l'échange automatique d'informations", l'une des conditions requises par l'OCDE pour qu'un pays ne soit pas considéré comme un paradis fiscal.

Le Panama prêt à partager des informations, à ses conditions

L'OCDE a accusé le Panama de ne pas coopérer suffisamment contre le blanchiment d'argent en refusant de fournir les informations financières de manière immédiate. Lundi, au lendemain des révélations, Angel Gurria avait déclaré:

"Les révélations des "Panama papers" mettent en lumière la culture et la pratique du secret (bancaire) au Panama. Le Panama est la dernière des grandes places offshore qui permet encore de dissimuler des fonds pour échapper à l'administration fiscale et aux autorités répressives".

Le Panama assure toutefois être prêt à partager ces informations, mais selon ses conditions, dont celle de garantir la confidentialité de son centre bancaire, qui contribue à hauteur de 7% au PIB national.

La vie privée, pas un droit humain?

Le cabinet d'avocats panaméen Mossack Fonseca, au cœur du scandale, a aussi précisé comment il compte riposter. Affirmant posséder "un rapport technique" faisant état que le cabinet a été victime d'un piratage informatique opéré depuis des serveurs étrangers, il a annoncé mardi avoir porté plainte à ce sujet. Ramon Fonseca Mora, directeur et cofondateur du cabinet, s'est offusqué:

"Personne ne parle du piratage" dans la presse, alors que "c'est le seul crime qui a été commis", selon lui.

Il s'indigne également que les révélations sur les 11,5 millions de documents extraits du système informatique de son cabinet se concentrent sur ses clients les plus célèbres, au mépris du respect de la vie privée.

"Nous ne comprenons pas. Le monde est déjà en train d'accepter que la vie privée n'est pas un droit de l'homme", a-t-il commenté.

(Avec AFP)