Plan de relance : les juges européens contestent le déblocage par l'UE de 35,4 milliards à la Pologne

Par latribune.fr  |   |  712  mots
A la suite de la Commission européenne, les ministres des Finances de l'UE avaient approuvé mi-juin le plan de relance polonais, doté de 35,4 milliards d'euros de fonds européens, en contrepartie d'un engagement « très important » de Varsovie « sur l'indépendance du pouvoir judiciaire ». (Crédits : CORINNA KERN)
Quatre principales organisations de magistrats européens ont déposé dimanche un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour annuler la décision de Bruxelles et empêcher le déblocage de ce fonds, estimant que les contreparties imposées à Varsovie n'étaient pas assez exigeantes. Les ministres des Finances de l'UE avaient pourtant approuvé mi-juin le plan de relance polonais, doté de 35,4 milliards d'euros de fonds européens, en contrepartie d'un engagement « très important » de Varsovie « sur l'indépendance du pouvoir judiciaire ».

Le bras de fer se poursuit entre la Pologne et l'Union européenne. La Justice européenne n'entendent pas céder sur l'octroi à la Pologne d'un plan de relance post-pandémie. Alors qu'en juin Bruxelles avait accordé à Varsovie une enveloppe de 24 milliards d'euros de subventions et de 11,5 milliards de prêts à très faible taux d'intérêt (soit 35,4 milliards d'euros de fonds européens), malgré des manquements reprochés à la Pologne en matière d'indépendance de la justice, quatre principales organisations européennes de magistrats ont saisi dimanche la justice de l'Union européenne (UE) pour faire annuler ce feu vert.

Ces groupes de juges (Association des juges administratifs européens, Association Européennes des Juges, Rechters voor Rechters, Magistrats Européens pour la Démocratie et les Libertés) estiment que les conditions fixées par l'UE à Varsovie pour débloquer le versement des fonds européens « sont en-deçà de ce qui est nécessaire pour assurer une protection efficace de l'indépendance des juges et du pouvoir judiciaire, et ne tiennent pas compte des arrêts de la Cour de justice de l'UE ». Par conséquent, ils ont déposé un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour annuler la décision de Bruxelles et « empêcher le déblocage des fonds de l'UE » à la Pologne.

A la suite de la Commission européenne, les ministres des Finances de l'UE avaient approuvé mi-juin le plan de relance polonais, qui était bloqué depuis plus d'un an en raison de la réforme judiciaire contestée mise en œuvre par Varsovie. En contrepartie, Varsovie doit faire d'importants efforts « sur l'indépendance du pouvoir judiciaire ». Bruxelles a posé trois conditions pour commencer à verser des fonds : le démantèlement de la chambre disciplinaire de la Cour suprême polonaise - dont la justice européenne réclame la suspension depuis plus d'un an -, la réforme du régime disciplinaire des magistrats, et la possibilité pour les juges sanctionnés de voir leur cas réexaminé.

Les contreparties exigées contestées

Or, ces conditions sont contestées par ces quatre organisations de juges européens. « Cela porte préjudice à la position des juges suspendus en Pologne : par exemple, la CJUE a ordonné que les juges polonais affectés par des procédures disciplinaires illégales soient réintégrés immédiatement, sans délai ni procédure »  alors que la troisième condition « introduirait une procédure de plus d'un an à l'issue incertaine », font valoir les organisations de magistrats dans un communiqué.

Selon ces juges, en fixant ces critères et en approuvant le plan de relance, la Commission et les Etats membres ont contrevenu aux décisions de la justice européenne, qu'ils sont tenus d' « exécuter de façon inconditionnelle et complète ». La CJUE, basée au Luxembourg, avait épinglé en juillet 2021 le volet disciplinaire de la réforme judiciaire en Pologne, estimant notamment que la chambre disciplinaire de la Cour suprême n'offrait « pas toutes les garanties d'impartialité et d'indépendance » et n'était « pas à l'abri d'influences directes ou indirectes des pouvoirs législatif et exécutif polonais ».

Les magistrats estiment aussi que le feu vert des Vingt-Sept « porte également préjudice au système judiciaire européen dans son ensemble », qui se trouve déstabilisé « si le système judiciaire d'un ou de plusieurs États membres n'offre plus de garanties d'indépendance et de respect des principes fondamentaux de l'État de droit ».

Cette nouvelle procédure risque de freiner, voire de bloquer de nouveau le déblocage de fonds accordés à la Pologne. Mais aussi d'avoir des répercussions au niveau des décisions politiques des Vingt-Sept. En effet, Varsovie a toujours menacé d'opposer son veto aux décisions des membres de l'UE dans les domaines de la politique étrangère et de sécurité, de la fiscalité et des finances, qui requièrent l'unanimité. La Pologne a d'ailleurs déjà exploité ce levier en bloquant temporairement l'adoption par l'UE de l'impôt minimum sur les sociétés, convenu au niveau mondial. Des menaces qui n'ont toutefois pas réussi, jusqu'à présent, à faire plier les cadres de l'Union européennes.

(avec AFP et Reuters)