Fond d'aides européen : Hongrie et Pologne sous la pression d'une opinion europhile

Malgré l'esquisse d'un accord, Budapest et Varsovie se sont attiré les foudres de leur opinion en bloquant le plan de relance de l'UE, une possible erreur stratégique sur fond de pandémie et autres revers internes.
Le président polonais Andrzej Duda, et le Premier ministre hongrois Viktor Orban
Le président polonais Andrzej Duda, et le Premier ministre hongrois Viktor Orban (Crédits : Reuters)

Les deux pays se sont retrouvés bien seuls dans leur fronde, lâchés par la Slovaquie et la République tchèque, leurs acolytes du groupe de Visegrad. Objet de leur courroux : l'instauration d'un nouveau mécanisme européen, jugé arbitraire, qui permettrait de les priver de fonds européens en cas de violations de l'Etat de droit (justice indépendante, politique anticorruption...).

Mercredi, le président polonais Andrzej Duda a évoqué un "accord préliminaire", fruit d'"efforts acharnés", tandis que le Premier ministre hongrois Viktor Orban quittait Budapest, visiblement confiant, en vue du "Jour J" au sommet européen de Bruxelles jeudi. Ses ministres ont, dans la soirée, crié "victoire" même si le compromis trouvé doit encore être entériné par les dirigeants de l'UE.

Capitulation de l'UE ?

Selon les détails qui ont filtré, en cas de recours, les sanctions financières ne seront effectives qu'après décision de la Cour de justice européenne. Autrement dit pas avant les prochaines élections législatives de 2022, ont déploré certains à Budapest.

"L'UE s'est inclinée, a capitulé devant le Premier ministre hongrois", a lâché le député indépendant Akos Hadhazy.

Pour lui, Viktor Orban serait donc parvenu à ses fins en vidant le mécanisme de sa substance mais d'autres voient tout de même un progrès. "Il est désormais à la traîne non seulement de l'Union européenne, mais aussi des électeurs hongrois qui veulent dépenser l'argent de l'UE pour les hôpitaux, les écoles et l'emploi, pas pour la famille du Premier ministre", selon l'eurodéputée Anna Donath, du petit parti libéral Momentum.

Un rapport de l'UE avait pointé en 2018 des "irrégularités graves" dans plusieurs projets ayant bénéficié de fonds, dont l'un lié à une société contrôlée par le gendre du dirigeant.

La Hongrie comme la Pologne ont décidé de ne pas participer au parquet européen, nouvelle arme de l'UE contre la fraude et la corruption, qui doit démarrer en mars 2021. Jusqu'au bout, M. Orban a défendu la position du veto. Signe de fébrilité, il s'est rendu à Varsovie à deux reprises ces derniers jours, alors que l'alliance polono-hongroise semblait vaciller.

Car, quand l'UE a laissé entendre qu'elle était prête à contourner les deux réfractaires pour pouvoir distribuer aux 25 autres membres les fonds du plan post-Covid, les Polonais ont esquissé un pas vers Bruxelles.

"Ils ne peuvent pas se permettre" un veto, estime Anna Materska-Sosnowska, politologue à l'université de Varsovie. "Ils ont beau clamer" pouvoir survivre sans les fonds européens, "ce n'est pas vrai", souligne-t-elle.

Une population europhile dans les deux pays

Difficile en outre de justifier une telle stratégie auprès de l'opinion publique, massivement favorable dans les deux pays à l'idée de lier le versement des fonds à l'Etat de droit selon de récents sondages (66% dans le cas des Polonais, 77% des Hongrois).

Les dernières enquêtes d'opinion montrent aussi un fort soutien de la population à l'adhésion à l'UE (respectivement 87% et 85%), un "niveau sans précédent" d'après l'institut Median basé à Budapest. L'UE gagne donc des points au moment où leur popularité chute.

En Pologne, la coalition formée autour du parti Droit et Justice (PiS) de Jaroslaw Kaczynski, fragilisée par des querelles internes, a vu sa cote chuter en dessous du seuil de 30%. Le gouvernement se voit reprocher sa gestion de la deuxième vague du virus, d'un côté, et de l'autre, la perspective de durcir la loi anti-avortement, déjà parmi les plus sévères en Europe, qui mobilise des milliers de manifestants dans de nombreuses villes.

En Hongrie, Viktor Orban, au pouvoir sans discontinuer depuis 10 ans, "vit la période la plus difficile de sa carrière", selon l'éditorialiste Miklos Hargitai.

"Jusqu'ici, il brandissait des ennemis imaginaires - George Soros, Bruxelles ou les migrants -, mais là il fait face à un adversaire redoutable qui ne se plie pas à ses désirs: la pandémie".

Il a en outre perdu un de ses fidèles, l'eurodéputé Jozsef Szajer, poussé à la démission après avoir été surpris dans une soirée libertine gay bruxelloise en plein confinement.

"La machine de propagande commence à se rouiller", estime l'analyste Peter Kreko, du groupe de réflexion Political Capital.

Commentaires 3
à écrit le 13/12/2020 à 23:51
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Avec le Brexit littéralement calamiteux pour le UK, l'anti européisme n'a plus trop la cote en Europe de l'est...

à écrit le 12/12/2020 à 9:23
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En attendant l'autre poivrade de Juncker s'était permis de gifler en public un chef d'Etat européen, Orban donc, et Juncker n'est plus là, il doit être sous une table certainement et Orban lui l'est toujours. Les faits sont têtus.

à écrit le 10/12/2020 à 19:50
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Europhile pour le pognon, europhobe pour les étrangers (même européens)... c'est beau la solidarité (à sens unique) européenne!

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