Publication des échanges Trump-Zelensky : un camouflet diplomatique pour Kiev

Par Reuters  |   |  767  mots
Entretien entre Volodymyr Zelensky et Donald Trump en marge de l'Assemblée générale des Nations-Unies, le 25/09/2019 à New York. (Crédits : JONATHAN ERNST)
La publication, par la Maison-Blanche, des échanges entre le président américain Donald Trump et son homologue ukrainien Volodimir Zelenski place l'Ukraine dans une position diplomatique difficile.

C'est confirmé. Donald Trump a bien demandé à son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky d'enquêter sur la famille de Joe Biden, favori dans la course à l'investiture démocrate pour la présidentielle de 2020. La publication, mercredi 25 septembre par la Maison-Blanche, d'une transcription de cet appel téléphonique a envenimé la crise politique aux États-Unis tout en infligeant un camouflet diplomatique à Kiev.

Les commentaires de Volodymyr Zelensky à Trump, divulgués dans le résumé, risquent en effet d'irriter les Démocrates - et de mettre en péril le soutien bipartisan américain dont Kiev a besoin - mais aussi la France et l'Allemagne que Zelensky a critiquées dans le même échange.

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Or l'Ukraine - dans l'impasse géopolitique avec la Russie voisine avec l'annexion par Moscou de la Crimée et son soutien aux séparatistes pro-russes dans l'est de l'Ukraine depuis 2014 - a besoin de l'appui de tous ses alliés internationaux.

L'appui de Washington, mais aussi le soutien d'États européens comme la France et l'Allemagne qui œuvrent à une relance des pourparlers de paix sur le Donbass.

Moment inopportun

"Malheureusement, la conséquence principale de cette situation est que l'Ukraine pourrait devenir toxique (...), peut-être pas aussi toxique que ne l'est devenue la Russie pendant l'enquête du (procureur) Mueller, mais toxique quand même", estime Aliona Getmantchouk, directrice du New Europe Centre en Ukraine.

L'enquête du procureur spécial américain Robert Mueller, dite "Russiagate", a mis au jour des preuves d'une ingérence russe dans l'élection présidentielle américaine de 2016.

Le moment est particulièrement inopportun pour Zelensky, élu en avril dernier sur la promesse d'apporter la paix dans l'est de l'Ukraine.

Outre la conversation à propos de l'ancien vice-président Joe Biden, le résumé de l'appel publié par Washington montre que Zelensky a exprimé sa frustration devant ce qu'il considère comme un manque de soutien de la chancelière allemande Angela Merkel et du président français Emmanuel Macron lorsqu'il s'agit d'appliquer des sanctions contre la Russie.

"Je ne veux de mal à personne"

Paris et Berlin n'ont pas souhaité faire de commentaires mais des responsables français, qui s'exprimaient sous le sceau de l'anonymat, ont déclaré que Macron avait fait tout son possible pour rencontrer Zelensky avant son élection, une pratique inhabituelle dans un protocole normal.

Zelensky, qui s'est entretenu avec le président américain mercredi en marge de l'Assemblée générale des Nations unies, ne souhaitait pas que l'Ukraine publie les détails de leur conversation téléphonique du 25 juillet.

S'exprimant devant la presse mercredi, il a affirmé qu'il pensait que seuls les extraits de Donald Trump seraient publiés et estimé que les détails de tels appels n'avaient pas à être divulgués.

Le président ukrainien a également tenté d'apaiser les tensions avec Merkel et Macron, se disant reconnaissant de l'aide apportée par Berlin et Paris. Ses propos à leur encontre avaient été prononcés pendant une "période difficile", a-t-il plaidé.

"Je ne veux dire de mal de personne (...) Nous remercions tous ceux qui nous aident", a-t-il déclaré à l'issue de son entretien avec le président américain.

Certains à Kiev estiment pourtant que le mal est fait.

"Évidemment que les relations avec les dirigeants européens, en particulier avec Merkel, vont s'aggraver", regrette Volodimir Fesenko du think tank Penta. "Il n'y a pas de critique directe (dans le résumé de l'appel) mais le contexte et le ton sont tels que Zelensky a l'air de se plaindre de Merkel auprès de Trump".

D'autres craignent que les dégâts causés par cette affaire sur les relations entre Washington et Kiev profitent à la Russie, puisqu'elle pourrait mettre en péril l'avenir de l'aide militaire américaine.

Donald Trump a gelé une aide militaire de près de 400 millions de dollars au profit de l'Ukraine quelques jours avant l'entretien, a rapporté la presse américaine. Le président américain a déclaré qu'il ne s'agissait en rien d'un chantage envers Zelensky.

"Pour l'Ukraine, il y a un risque énorme de se retrouver seul face à son ennemie, la Fédération de Russie [...] car les États-Unis sont un partenaire stratégique dans le domaine militaire et pour ce qui est de faire avancer les réformes", explique Maria Ionova, une députée du parti de l'ancien président Petro Porochenko.

La Russie a indiqué que l'affaire ne concernait que les États-Unis et l'Ukraine et qu'elle ne faisait qu'observer.