Puces : Pékin et Washington se livrent une guerre féroce pour obtenir la suprématie technologique

Par latribune.fr  |   |  889  mots
La bataille fait rage entre les États-Unis et la Chine pour obtenir la suprématie technologique dans les puces. (Crédits : FLORENCE LO)
Le chef de la diplomatie chinoise s'est livré à une violente charge contre Washington, dénonçant son « protectionnisme » économique concernant les semi-conducteurs. L'enjeu pour Washington est de garder sa suprématie et de limiter les progrès chinois en la matière en instaurant de nouvelles règles internationales pour limiter les exportations de puces vers la Chine.

Malgré les promesses des États-Unis et de la Chine d'améliorer leurs relations bilatérales lors du sommet du G20 en Indonésie en novembre, les tensions entre les deux superpuissances ne fléchissent pas. Le chef de la diplomatie chinoise Wang Yi a porté une violente charge contre Washington en martelant samedi que les restrictions américaines sur les exportations de semi-conducteurs fabriqués par les entreprises chinoises, relevaient à « 100% » du « protectionnisme ». Ces restrictions sont à « 100% égoïstes, 100% unilatérales » et sont « en grave violation du principe de libre échange », a dénoncé Wang Yi lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, déplorant une position américaine « éloignée de la libre concurrence ». Ces restrictions témoignent « d'une perception erronée de la Chine » de la part des États-Unis, selon le diplomate.

« Avec cette perception, les États-Unis utilisent tous leurs moyens pour réprimer et dénigrer la Chine et incitent d'autres pays à faire de même », a-t-il déploré. « Nous n'avons pas peur de la concurrence, mais nous voulons une concurrence loyale et fondée sur des règles. Les États-Unis ne le font pas », selon Wang Yi.

En octobre, les États-Unis, au nom de la « sécurité nationale » avaient annoncé de nouveaux contrôles à l'exportation visant à limiter la capacité de Pékin à acheter et fabriquer des puces haut de gamme « utilisées dans des applications militaires ». L'ambition de Washington était de compliquer le développement par Pékin de sa propre industrie des semi-conducteurs.

Espionnage chinois ?

Les semi-conducteurs font l'objet d'une féroce bataille entre les deux puissances économiques pour la domination technologique. Les États-Unis accusent régulièrement la Chine d'espionnage industriel et de menaces à sa sécurité nationale.C'est également le cas de ses alliés. Ainsi, l'entreprise néerlandaise ASML, un des acteurs clé dans la construction mondiale de microprocesseurs, a récemment annoncé qu'elle enquêtait sur le détournement par un ex-employé du groupe en Chine d'informations confidentielles concernant une technologie brevetée. « Nous enquêtons sur l'affaire. Sur la base de nos premières conclusions, nous ne pensons pas que le détournement soit important pour notre activité », avait-elle expliqué. Il est le seul fabricant à construire les machines EUV (Extreme Ultraviolet) qui, de la taille d'un bus, permettent de fabriquer les puces les plus avancées.

ASML se trouve au milieu d'une offensive de Washington qui demande aux Pays-Bas et au Japon de s'associer à ses restrictions d'exportations vers la Chine, qui pourrait utiliser le matériel pour la fabrication de puces à des fins militaires. Ces dernières sont  répertoriées dans un accord multilatéral signé par une quarantaine de pays, dont les États-Unis et les Pays-Bas et régissant le contrôle des exportations de technologies à double usage civilo-militaire. Un accord entre Washington, La Haye et Tokyo a été trouvé pour mettre en œuvre de nouvelles règles renforçant les restrictions d'exportations vers la Chine. Cela va prendre plusieurs mois aux gouvernements de les rédiger et de les promulguer.

Mi-décembre, le gouvernement américain a annoncé ajouter 36 entreprises chinoises, principalement des fabricants de semi-conducteurs, à sa liste noire qui les oblige à obtenir une autorisation afin de bénéficier de la technologie américaine pour leurs produits. Les principaux fabricants chinois, Yangzte Memory Technologies (YMTC), ainsi que sa filiale japonaise, et Hefei Core Storage Electronic Limited sont notamment concernés, l'administration américaine estimant qu'elles « représentent un risque significatif de prendre part à des activités contraires à la sécurité nationale » des États-Unis. Concrètement, les entreprises placées sur cette liste doivent obtenir une autorisation pour bénéficier de transferts technologiques ou exporter des produits particuliers en provenance des États-Unis ou d'entreprises américaines.

Il s'agit clairement pour Washington de limiter « les efforts (chinois, NDLR) en vue d'obtenir et exploiter des technologies avancées, dont l'intelligence artificielle, dans l'amélioration de ses capacités militaires et la violation des droits de l'homme », a justifié le ministère du Commerce dans un communiqué.

Pékin porte le différend à l'OMC

La Chine a annoncé en décembre le dépôt d'une procédure auprès de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) contre Washington pour leurs restrictions. Le ministère chinois du Commerce a accusé en décembre les Etats-Unis de « faire obstacle au commerce international normal de marchandises, notamment de puces, et de menacer la stabilité de la chaîne d'approvisionnement industrielle mondiale ». Ainsi, le géant américain Apple avait un temps envisagé d'intégrer des puces fabriquées par YMTC dans ses iPhones vendus en Chine, avant de revenir sur cette décision à la mi-octobre.

Il s'agit pour Pékin d'une nouvelle limitation des possibilités d'importation de produits technologiques en provenance des États-Unis pour la Chine, après les contrôles imposés concernant les puces haut de gamme par les autorités américaines, au mois d'octobre. Pour les Américains, les règles de l'OMC ne s'appliquent pas lorsque la sécurité nationale est en jeu. Quelques jours avant cette décision, le ministère américain de la Défense avait déjà placé 13 entreprises chinoises sur sa liste noire, au nom de leurs liens supposés avec les forces armées de leurs pays, parmi lesquels le leader mondial du marché des drones, DJI.