Réfugiés : l'Allemagne entre « Willkommen » et « Raus ! »

Par Romaric Godin  |   |  661  mots
La décision généreuse d'Angela Merkel d'ouvrir les portes de l'Allemagne aux réfugiés a d'abord été saluée par la majorité de la population, consciente des besoins de main-d'oeuvre du pays. Mais 1,1 million de réfugiés plus tard, elle suscite un rejet croissant et provoque le retour de l'extrême droite.

« Wir schaffen das » (Nous y arriverons). Ce mot d'Angela Merkel prononcé en septembre 2015 après sa décision d'accueillir en Allemagne une grande partie des réfugiés qui se pressaient aux portes de l'Europe est devenu le symbole de la nouvelle politique migratoire allemande. Cette décision de la chancelière a dominé le débat européen et allemand depuis six mois. En 2015, l'Allemagne a reçu 1,1 million de réfugiés. Un chiffre exceptionnel qui a évidemment bousculé la société allemande.

Cette décision, Angela Merkel l'a prise pour plusieurs raisons. Sans doute d'abord pour des raisons morales et pratiques. Le 16 juillet 2015, la chancelière, lors d'une rencontre publique, expliquait, manifestement gênée, à une jeune réfugiée qu'elle devait retourner dans un camp au Liban. Cette position ne lui est plus apparue tenable lorsque les réfugiés ont commencé à affluer en masse, sauf à accepter une catastrophe humanitaire et à voir l'Europe se muer en forteresse. Mais cette décision prise unilatéralement n'est pas sans rapport avec la situation démographique du pays et le manque de main-d'oeuvre qui le menace dans les prochaines décennies.

Des centaines de foyers de réfugiés attaqués

Après l'enthousiasme des premiers jours, où l'on a vu des foules venir applaudir les trains de réfugiés entrant en gare, la situation s'est néanmoins tendue. Angela Merkel a sous-estimé deux éléments. D'abord, le manque de solidarité européenne qui a fait porter le poids de l'accueil sur l'Allemagne, assez logiquement cependant, puisque la plupart des autres pays ont refusé le fait accompli de la chancelière. Deuxième donnée sous-estimée : la réaction hostile d'une partie de la population et de la classe politique allemande. Ce rejet partiel a été alimenté par le poids porté par l'Allemagne, mais aussi par les événements du Nouvel An à Cologne. La forme la plus violente de ce rejet a été prise par les attaques contre les foyers de réfugiés. On en a compté près de 900 au cours de l'année 2015.

Dès lors, la chancelière s'est retrouvée en danger. Faire marche arrière eût été une défaite personnelle et aurait conduit à un désaveu du centre gauche et d'une partie de son électorat. Mais ne pas stopper le flux de réfugiés signifierait se couper de l'électorat conservateur qui reste un élément clé du succès de la CDU.

Elle a donc maintenu un discours d'accueil tout en cherchant à stopper les arrivées de réfugiés et en durcissant certaines règles. L'asile pour les pays d'Afrique du Nord et de l'ouest des Balkans n'est plus possible, les expulsions ont été facilitées. Enfin, comme le souligne Der Spiegel, il y a de « l'hypocrisie » dans le comportement d'Angela Merkel qui, tout en condamnant l'Autriche, est la « première à profiter de la fermeture des frontières. »

Soumise à une telle pression, la chancelière a tenté d'imposer sa politique, d'abord, en vain, sur les quotas, puis sur l'accord avec la Turquie.

Ce jeu d'équilibre n'a cependant pas payé électoralement. Le 13 mars, dans les trois Länder appelés à renouveler leurs parlements, le parti anti-migrants Alternative für Deutschland (AfD) a fait une nette percée, regroupant les déçus de la politique et de la CDU, pour les trois quarts. En SaxeAnhalt, dans l'ex-RDA, le parti devient le deuxième parti. En Rhénanie-Palatinat et en Bade-Wurtemberg, il est troisième avec 12% et 15% des voix. Mais il y a plus inquiétant pour la chancelière : la CDU recule partout et a aussi cédé des voix sur son centre. Même pour les électeurs favorables à la politique d'Angela Merkel, la CDU n'a pas été le choix principal. La chancelière a juré au lendemain du scrutin qu'elle ne changerait pas sa politique migratoire. Une détermination qui risque encore d'être mise à rude épreuve.