Aluminium : la hausse des cours profite au géant Rusal (CA +31%) mais les sanctions antirusses plombent son bénéfice (-16,7%)

Par latribune.fr  |   |  807  mots
L'entrée du site de production d'aluminium de Bratsk situé dans l'oblast d'Irkoutsk en Russie, au nord de la Mongolie et à 5.000 km à l'est de Moscou. Propriété du géant industriel Rusal, sa capacité de production annuelle est de plus de 1 million de tonnes, soit 39% de la production russe. (Crédits : Reuters)
La Russie est le deuxième fournisseur mondial d'aluminium après la Chine. Son champion industriel, Rusal, approvisionnait largement l'UE avant les sanctions imposées depuis la guerre en Ukraine. Les résultats qu'il publie ce vendredi reflètent la situation du groupe métallurgique, avec une tendance à voir plutôt le verre à moitié plein.

De la canette de soda à la carlingue d'avion en passant par le BTP, l'automobile ou le naval, l'aluminium, invention française, est partout.

Fortement consommatrice d'électricité, la fabrication de l'aluminium a vu ses coûts de production grimper à mesure que progressaient les prix de l'énergie poussés par la relance économique post-Covid. Mais les prix ont véritablement flambé après l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

Dans ce contexte, les résultats que publient ce vendredi le premier producteur d'aluminium russe sont instructifs à plus d'un titre, notamment pour mesurer l'impact des sanctions européennes sur les exportations - sanctions à double tranchant, puisque, pour ce métal, l'Europe et la France sont très dépendantes des approvisionnements russes.

Sanctions européennes et hausse des cours de l'aluminium

Le géant industriel russe a donc annoncé ce vendredi un bénéfice net "ajusté" de 699 millions de dollars au premier semestre, soit une hausse de +1,5% sur un an.

Au premier regard, les sanctions européennes semble n'avoir eu aucun effet pendant les deux derniers tiers de ce premier semestre marqué par l'invasion de l'Ukraine par l'armée russe.

En réalité, il s'agit d'un calcul mis en exergue car valorisant pour Rusal, mais le communiqué de l'industriel coté en Bourse à Hong Kong précise que, sans "ajustement", son bénéfice net au premier semestre est en recul de 16,7% sur un an, à 1,68 milliard de dollars. Expliquant ce recul par la baisse de la demande en Russie et, donc, l'effet des sanctions frappant le pays.

Dans le détail, cet "ajustement" prend en compte l'investissement de Rusal dans le groupe minier Norilsk Nickel (dont Rusal est l'un des actionnaires), ainsi que de "l'effet net des instruments financiers dérivés" et "l'effet net de la dépréciation des actifs non courants", écrit le groupe.

Le chiffre d'affaires qui, à 7,2 milliard de dollars, marque un bond de +31,3% au premier trimestre sur un an, tandis que l'Ebitda ajusté a augmenté de +37,4% à 1,8 milliard de dollars.

De bons chiffres que le groupe russe explique par la "forte hausse des prix de l'aluminium au 1er trimestre 2022"  qui a profité aussi au résultat d'exploitation "ajusté" des amortissements et dépréciations.

La demande intérieure affectée

Fondé par l'oligarque Oleg Deripaska, le groupe souligne toutefois que "les tensions géopolitiques croissantes depuis février 2022 ont fait considérablement augmenter la volatilité sur les marchés de matières premières et de devises".

Ces tensions provoquées par l'offensive russe en Ukraine déclenchée le 24 février et les sanctions internationales contre Moscou qui se sont ensuivies "ont affecté de manière négative les activités des entreprises russes dans différents secteurs de l'économie en aboutissant à une baisse de la demande d'aluminium en Russie", selon le communiqué.

Problèmes d'approvisionnement et reports de projets

Par ailleurs, l'interdiction par l'Australie d'exporter de l'alumine, dont est ensuite extrait l'aluminium, ainsi que la suspension de la production à la raffinerie d'alumine à Mykolaïv, en Ukraine, "ont eu un impact négatif sur les livraisons des matières premières pour la production de l'aluminium et provoqué une hausse des dépenses", précise-t-il.

Pour leur part, "les projets d'investissement et les programmes de modernisation des installations de production pourraient être reportés en raison de difficultés avec la livraison d'équipements", ajoute-t-il.

Finalement, ces résultats sont en ligne avec les prévisions faites en mars dernier, tant par l'industriel que par des analystes.

Ainsi, une semaine après le déclenchement de l'invasion de l'Ukraine, Rusal, qui venait d'annoncer un triplement de ses bénéfices avec un Ebitda à 2,9 milliards de dollars en 2021 grâce notamment à la hausse des prix du métal non ferreux, expliquait dans un communiqué comment elle voyait l'avenir de l'entreprise dans cette situation de guerre :

"L'entreprise peut potentiellement rencontrer des difficultés dans l'approvisionnement en équipements, ce qui peut conduire à l'ajournement de projets d'investissement", indiquait sommairement l'industriel russe.

En parallèle, des analystes de BCS expliquaient dans une note que les prix élevés de l'aluminium, qui ont augmenté de 26 % depuis le début de l'année, devraient au moins partiellement compenser les défis opérationnels actuels de Rusal.

Rusal doit "reconstruire sa chaîne d'approvisionnement"

À cause des interdictions européennes, un très grand nombre d'acteurs économiques russes sont confrontés à de graves problèmes d'approvisionnement d'équipements et de pièces détachées.

Ils peinent aussi à importer ou exporter, car les chaînes logistiques et financières internationales ont été partiellement paralysées par les mesures de rétorsion imposées par l'Europe et les États-Unis.

Aujourd'hui, le groupe russe explique que ces difficultés l'obligent "à reconstruire sa chaîne d'approvisionnement".

(avec AFP et Reuters)