Le prix de l'aluminium mis sous pression par les tensions en Ukraine

En cas de sanctions contre les producteurs russes d'aluminium, notamment Rusal, et les producteurs de gaz naturel comme Gazprom, qui pourraient renchérir le prix de l'électricité en Europe, l'offre de métal primaire pourrait se réduire sur un marché mondial déjà déficitaire et pousser les prix à leur plus haut niveau depuis octobre 2008.
Robert Jules
L'entrée du site de production d'aluminium à Bratsk dans l'oblast d'Irkoutsk en Russie. Propriété de l'entreprise Rusal, sa capacité de production annuelle est de plus de 1 million de tonnes, soit 39% de la production russe.
L'entrée du site de production d'aluminium à Bratsk dans l'oblast d'Irkoutsk en Russie. Propriété de l'entreprise Rusal, sa capacité de production annuelle est de plus de 1 million de tonnes, soit 39% de la production russe. (Crédits : Reuters)

Les potentielles sanctions que pourraient imposer à la Russie les Etats-Unis et l'Union européenne en cas d'invasion militaire de l'Ukraine en soutien au régions russophones sécessionnistes (Donbass) pourraient avoir de lourdes conséquences pour le marché de l'aluminium, notamment européen. Elles pourraient en effet concerner les exportations de gaz naturel vers l'Union européenne (UE), qui subit depuis plusieurs mois la cherté des prix de l'électricité en raison des prix du gaz, ainsi que les exportations d'aluminium dont la Russie est l'un des principaux producteurs et fournisseurs mondiaux à travers notamment le géant Rusal, deuxième entreprise mondiale d'aluminium.

Aujourd'hui, le prix du métal évolue déjà à des niveaux élevés. Lundi, il se négociait autour de 3.080 dollars la tonne, se rapprochant du prix record de 3.146 dollars, atteint à la mi-octobre 2021, son meilleur niveau depuis octobre 2008. Entre son point bas de mai 2020 et aujourd'hui, le prix a bondi de plus de 110%. Depuis la mi-décembre 2021, il s'est apprécié de 16,5%.

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Aluminium

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Cette envolée des cours résulte en premier lieu de la multiplication par 5 en un an des prix du gaz naturel utilisé de préférence au charbon pour produire de l'électricité, en raison notamment des limitations des livraisons russes, Moscou se servant de l'énergie comme arme diplomatique dans le dossier ukrainien. Comme une fonderie d'aluminium a recours à l'électrolyse pour transformer la bauxite en alumine, un procédé technique très énergivore, la part de l'électricité dans le coût final de l'aluminium pour les producteurs européens a doublé par rapport aux 40%, dans les conditions habituelles.

Part de l'électricité dans le prix final, 80%

"Entre l'été et décembre 2021, la facture d'électricité pour les producteurs européens d'aluminium a augmenté de 300%, comptant maintenant pour plus de 80% du prix final", constate l'Association européenne d'aluminium, qui défend les intérêts de la filière à Bruxelles.

Or, "cette hausse des prix de l'électricité en Europe ne se reflète pas sur le marché mondial de l'aluminium", regrette l'association, ce qui érode la rentabilité de producteurs européens soumis à des exigences environnementales que n'ont pas leurs concurrents. Leur production émet 50% de moins de gaz à effet de serre (GES) que la moyenne mondiale. Mais cette vertu pourrait ne pas être récompensée, car les fermetures en Europe pourraient être compensées ailleurs par des sites beaucoup plus émetteurs de GES.

Conséquence, "sur les seuls trois derniers mois, près de la moitié des fonderies opérant encore ont dû soit restreindre leur production soit la fermer complètement", constate le lobby européen. Parmi les pays concernés, on compte la France, l'Allemagne, la Roumanie, les Pays-Bas, la Slovénie, la Slovaquie et l'Espagne. Après Dunkerque Aluminium, le plus important producteur européen d'aluminium, qui a dû réduire sa production, l'américain Alcoa a indiqué fin décembre 2021 qu'il allait devoir suspendre durant deux ans la production sur le deuxième site européen, situé à San Ciprian en Galicie (Espagne), d'un capacité annuelle de 228.000 tonnes.

Depuis octobre 2021, ce sont ainsi 650.000 tonnes de capacités annuelles qui ont disparu. Une situation préoccupante qui s'inscrit dans une tendance de désindustrialisation puisque 30% de capacités de production primaire ont d'ores et déjà été perdues depuis 2008. Paradoxalement, alors que l'Union européenne veut à nouveau disposer d'une certaine souveraineté en matière de chaînes d'approvisionnement de métaux stratégiques, la demande d'aluminium va rester durablement élevée, favorisée par les besoins de la transition énergétique, notamment par le développement de véhicules électriques au détriment des véhicules thermiques.

A court terme, cette amputation de production va peser sur un marché sous tension. Selon les chiffres du dernier rapport mensuel du World Bureau of Metal Statistics (WBMS), le marché primaire de l'aluminium était en déficit (janvier-novembre 2021) de 1,48 million de tonnes alors que 2020 avait affiché un excédent de 1,27 million de tonnes.

La demande mondiale sur 11 mois (janvier-novembre en 2021) a atteint 63,25 millions de tonnes, soit 4,648 millions de tonnes de plus que durant la même période de 2020. Et si la production sur ces 11 mois a augmenté de 3,7%, les stocks étaient inférieurs de 1,48 million de tonnes en novembre 2021 par rapport à leur niveau de novembre 2020.

La Chine et l'Indonésie ouvrent de nouvelles capacités

La situation devrait donc profiter aux producteurs non européens qui redémarrent des sites de production et augmentent leurs capacités, de 2 millions de tonnes notamment en Chine, qui produit déjà plus de la moitié de l'offre mondiale, en Russie, en Iran, aux Etats-Unis, au Brésil, en Argentine, en Australie, en Inde, ou encore en Indonésie qui va ajouter 2 millions de tonnes cette année.

La course à la production pourrait donc se jouer hors Europe, avec des besoins qui vont être structurellement haussiers. Selon l'Aluminium Stewardship Initiative  (ASI), la part de ce métal dans les voitures et camions en Amérique du Nord augmentera d'environ 30 %, passant de 177 kilogrammes en moyenne par véhicule en 2015 à 227 kilogrammes en 2025, une utilisation qui vise à alléger les véhicules. Réduire de 10 % le poids d'un véhicule, permet d'économiser 7 % de carburant. Chaque kilogramme d'aluminium durant son cycle d'utilisation peut économiser 20 kilos nets d'émissions de dioxyde de carbone par rapport à des métaux plus lourds.

Alors que l'Europe compte se réindustrialiser en profitant de ces innovations qu'imposent la transition énergétique pour lutter contre le réchauffement climatique, il serait paradoxal que nombre de producteurs européens se retrouvent hors jeu et voient leurs parts de marché transférés à des producteurs hors Europe.

Mais ces enjeux sont aujourd'hui passés au second plan par rapport au risque actuel de conflit militaire au cœur de l'Europe.

Robert Jules
Commentaires 4
à écrit le 01/02/2022 à 9:18
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Pour économiser l'aluminium, il serait bon de commencer par bannir les canettes de sodas, de bière. Surtout de Coca Cola 😃

à écrit le 01/02/2022 à 8:44
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Il faudrait déjà que les russes envahissent l'Ukraine non ? Sinon on peut aussi imaginer après que la Russie ai envahi l'Ukraine, que les américains aient viré les russes mais que ces derniers, mauvais joueurs, lâchent la bombe atomique. On peut alle...

le 01/02/2022 à 18:22
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Les USA se servent de l'Ukraine pour prendre toute l'Europe en otage. Pourquoi l'Ukraine devrait-elle intégrer l'OTAN alors que la zone neutre entre l'Europe et la Russie fonctionnait très bien. Il est clair que les USA veulent une nouvelle guerre en...

le 02/02/2022 à 8:24
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"Il est clair que les USA veulent une nouvelle guerre en Europe" Heu bien sûr que non, ce n'est pas clair du tout, qu'ils veulent tous une dispute mondiale oui mais un conflit rien ne l'indique, nous sommes à l'ère du nucléaire, souhaiter un conflit ...

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