Theresa May place Boris Johnson à la tête du Foreign Office

Par latribune.fr  |   |  1162  mots
Boris Johnson n'a jamais occupé de charge ministérielle
Investie mercredi comme Première ministre britannique, Theresa May a aussitôt fait sensation en confiant le ministère des Affaires étrangères à Boris Johnson, l'ancien maire de Londres et figure de proue de la campagne pour la sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne.

Eurosceptique haut en couleurs et très peu diplomate Boris Johnson rebondit donc de manière spectaculaire après avoir renoncé il y a deux semaines à briguer le poste de Premier ministre en raison des oppositions affichées au sein du Parti conservateur.

Son rôle dans les relations futures entre la Grande-Bretagne et le bloc communautaire européen devrait être néanmoins limité, dans la mesure où Theresa May a prévu de créer un nouveau ministère spécialement chargé de la question du Brexit. David Davis, un ancien secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, en sera le ministre.

N'ayant jamais occupé de charge ministérielle auparavant, Boris Johnson n'en devra pas moins contribuer à dessiner le nouveau rôle que la Grande-Bretagne entend occuper dans le monde après son départ de l'Union européenne. Il aura à gérer d'autres dossiers tout aussi complexes, notamment ceux des conflits syrien et ukrainien.

Commentaires sur Obama

Sa nomination risque d'être accueillie avec perplexité, voire consternation dans les chancelleries européennes. N'a-t-il pas, lors de la campagne référendaire, comparé les buts de l'Union européenne avec les visées d'Adolf Hitler et de Napoléon ?

L'homme à la tignasse platine ébouriffée s'est aussi vu taxer de racisme durant la campagne pour avoir suggéré dans un article de presse que le président américain Barack Obama, qu'il avait décrit comme "en partie Kényan", avait un préjugé contre le Royaume-Uni en raison "d'une aversion ancestrale de l'empire britannique".

Dès l'annonce de la nomination de Boris Johnson au Foreign Office, le département d'Etat américain a fait savoir qu'il était impatient de travailler avec lui.

Mais ses commentaires sur Barack Obama pourraient lui valoir quelques moments de gêne à Washington. D'autant qu'il n'a pas été en reste sur Hillary Clinton qu'il a comparée à "une infirmière sadique dans un asile d'aliénés". Tout récemment, il a dit avoir peur de se rendre à New York en raison du "risque réel de rencontrer Donald Trump".

Ses nouvelles fonctions ne semblent pas paralyser Boris Johnson. Interrogé par la chaîne de télévision Sky News pour savoir s'il comptait présenter ses excuses à Barack Obama, l'ex-maire de Londres a choisi de plutôt répondre à l'intervention remarquée qu'avait faite le président américain en faveur d'un maintien du Royaume-Uni dans l'UE pendant la campagne référendaire.

Barack Obama avait dit fin avril que le Royaume-Uni pourrait se retrouver "en queue du peloton" en matière d'accords commerciaux s'il décidait de quitter l'UE. Les Etats-Unis, a dit Boris Johnson mercredi sur Sky, seront un partenaire "en tête du peloton".

Philip Hammond aux Finances

Nommée ce mercredi en fin d'après-midi à Buckingham Palace, quelques minutes après que David Cameron eut remis sa démission, Theresa May a tout de suite rejoint le 10, Downing Street pour distribuer les portefeuilles les plus importants. Philip Hammond, ancien ministre des Affaires étrangères, a été le premier à être nommé, au portefeuille des Finances, signant la disgrâce de George Osborne, fidèle lieutenant de David Cameron.

 Theresa May et son équipe héritent d'un Royaume-Uni sens dessus dessous, profondément divisé, soumis à des turbulences économiques et la pression des dirigeants de l'UE pour que Londres engage au plus vite la procédure de divorce.

 Un sommet avec Merkel, Hollande et Renzi fin août

"J'ai hâte de travailler étroitement avec vous et d'apprendre vos intentions à ce sujet", a réagi le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker à peine la nomination de Theresa May officielle.

Un "sommet ou une rencontre" sur les suites du Brexit entre le président français François Hollande, la chancelière allemande Angela Merkel et le président du Conseil italien Matteo Renzi se tiendra fin août en Italie.

Même les pro-Brexit sont impatients. Une cinquantaine de manifestants ont réclamé l'activation immédiate de l'article 50 du Traité de Lisbonne -qui lance le processus de sortie de l'UE- devant Downing Street mercredi soir.

 La 54e Première ministre du pays, et deuxième femme après Margaret Thatcher, est une eurosceptique qui avait rejoint le camp du maintien dans l'UE pendant la campagne référendaire. Elle n'a pas dévoilé son calendrier lors de sa première allocution dans ses nouvelles fonctions.

Fille de pasteur, réputée pour sa détermination, sa force de travail mais aussi une certaine froideur, elle a seulement promis "la justice sociale" et de veiller au maintien de l'unité du pays.

"Vital pour notre industrie d'avoir un bon accès au marché unique" (Cameron)

Elle avait prévenu auparavant qu'elle ne comptait pas activer l'article 50 avant la fin de l'année. Lors de sa dernière séance de questions devant le Parlement, David Cameron l'a invitée à ne pas complètement tourner le dos aux 27 autres membres de l'union.

 "Il est vital pour notre industrie d'avoir un bon accès au marché unique, cela devra être une priorité", a-t-il déclaré, avant de recevoir une ovation debout des députés tories mais aussi de quelques travaillistes.

 Devant Downing Street, pour sa dernière allocution en tant que Premier ministre, il a souhaité à son pays qu'il "aime tant" de "continuer à réussir". Il est ensuite allé remettre, sous l'orage menaçant, sa démission à la reine, en compagnie de son épouse Samantha et de leurs trois jeunes enfants.

"Ca a été le plus grand honneur de ma vie de servir notre pays comme Premier ministre ces six dernières années", a-t-il souligné avant de remercier, très ému, ses enfants et son épouse, "l'amour de (s)a vie".

Pour David Cameron, qui avait prôné le maintien dans l'UE, c'est une nouvelle vie qui commence. Le dirigeant conservateur a remporté deux élections législatives (2010 et 2015), survécu au référendum d'indépendance de l'Écosse... mais restera pour l'Histoire le Premier ministre du Brexit.

 "Je marche dans les pas d'un grand Premier ministre moderne", a assuré Mme May en prenant possession des lieux.

Les premiers jours de son mandat seront scrutés de près par les marchés, déstabilisés par le choc du référendum.

La livre s'est reprise de plus de 4% par rapport à ses plus bas en 31 ans atteints la semaine dernière. Mais la Banque d'Angleterre pourrait assouplir dès jeudi sa politique monétaire afin de faire face à la détérioration des perspectives économiques du Royaume-Uni.

Pendant ce temps, l'opposition travailliste reste secouée par une profonde crise de leadership, énième répercussion du référendum.

Visé par une fronde de ses parlementaires, le chef du parti Jeremy Corbyn a remporté mardi une victoire cruciale: le comité exécutif du parti l'a autorisé à se présenter lors de nouvelles élections pour la direction du Labour prévues cet été.